UNIVERSITÉ TOULOUSE 1 Capitole Faculté de
droit
L'ARBITRAGE ET LES PROCÉDURES
COLLECTIVES
Charlène Riet Sous la direction du Professeur Corinne
Saint-Alary-Houin Master 2 Droit fondamental des affaires
Année universitaire 2009-2010
Mes remerciements,
A Madame le Professeur Saint-Alary-Houin qui m'a guidée et
m'a conseillée,
A l'ensemble des auteurs cités, dont les écrits ont
nourri ma réflexion,
A Anne et Jean-Pierre pour leur relecture, Merci à
Laurent.
LISTE DES ABRÉVIATIONS
Institutions
AFA Association française d'arbitrage
Ass. plen. Assemblée plénière
C. Cour
CA Cour d'appel
Cass. Cour de cassation
CCI Chambre de commerce internationale
CEDH Cour européenne des droits de l'homme
Ch. Chambre
CIRDI Centre international de règlements des
différents relatifs à l'investissement
Civ. Chambre civile de la Cour de cassation
CJCE Cour de justice des communautés
européennes
CJUE Cour de justice de l'union européenne
Com. Chambre commerciale de la Cour de cassation
Recueil, revues, travaux
Act. jur. Actualités juridiques
Bull. Civ. Bulletin des arrêts de la chambre civile de la
Cour de cassation
BRDA Bulletin rapide de droit des affaires Francis Lefebvre
Clunet Journal de droit international
D. Dalloz, Recueil Dalloz-Sirey
DIP Droit international privé
DPCI Droit et pratique du commerce international
Gaz. Pal. Gazette du Palais
Gaz. proc. coll. Gazette des procédures collectives
IDEF Institut international de droit d'expression et
d'inspiration Françaises
IR Informations rapides du recueil Dalloz
JCP E Semaine juridique, entreprises
JDI Journal de droit international (Clunet)
Juris. cl. dr. int. JurisClasseur de droit international
Juris. cl. proc. civ. JurisClasseur des procédures
collectives
LPA Les Petites Affiches
Rev. arb. Revue de l'arbitrage
Rev. crit. Revue critique
Rev. int. dr. éco. Revue de droit économique
Rev proc. coll. Revue des procédures collectives
RTD Com. Revue trimestrielle de droit commercial
Trav. comité fr. DIP Travaux du Comité
français de droit international privé
Editeurs, collections
Arch. Phil. dr. Archives de la Philosophie du droit (Dalloz)
C.U.F. Collection des Universités de France
LGDJ Librairie générale de droit et de
jurisprudence
NBT Nouvelle bibliothèque de thèses
Codes
C. Civ Code civil
C. Com Code de commerce
CPC Code de procédure civile
CPP Code de procédure pénale
NCPC Nouveau code de procédure civile
Autres
a autre
al alinéa
Art article
c/ contre
cf conférer, consulter
DIP Droit international privé
DMF Droit maritime français
éd. édition
ès. qual. ès qualité
infra ci-dessous
n° numéro
N.B. nota bene, note bien
obs. observations
op. cit. Opere citato, cité précédemment
p. page
s. suivant
sté société
supra ci-dessus
trad. traduction
V. voir
Vol. volume
§ paragraphe
TABLE DES MATIéRES
Liste des abréviations 1
Introduction. ..5
TITRE 1 : Suprématie de principe des
procédures collectives sur l'arbitrage 17
Chapitre 1 : Coexistence des procédures
collectives et arbitrales 18
Section 1 : L'évolution de l'arbitrabilité
des procédures collectives 18
Section 2 : La concomitance des procédures
collectives et des procédures arbitrales 29
Chapitre 2 : La prédominance des règles des
procédures collectives 45
Section 1 : Les conséquences du principe d'ordre
public d'égalité des créanciers 45
Section 2 : L'ordre public comme limite au droit
applicable par l'arbitre 52
TITRE 2 : Maintien effectif de l'arbitrage face aux
procédures collectives 62
Chapitre 1 : Résistance de l'institution de
l'arbitrage face aux procédures collectives 63
Section 1 : La consécration de la
compétence de l'arbitre 63
Section 2 : L'appréciation des règles
impératives assouplie en matière arbitrale 72
Chapitre 2 : Vers une coordination des procédures
collectives et arbitrales 77
Section 1 : Des moyens procéduraux de coordination
77
Section 2 : Le contentieux post-arbitral 88
Conclusion 99
Bibliographie 101
Index lexical 110
INTRODUCTION
1. L'arbitrage a été
révélé aux yeux du grand public par la très
médiatisée affaire Tapie1. Mais c'est une bien
mauvaise presse qui a été faite à cette institution
arbitrale en plein essor. Elle s'est réduite aux yeux des profanes
à une justice privée ayant pour seul objectif d'échapper
à la justice étatique. Il convient dès à
présent de sortir de ce climat de suspicion dans lequel on enferme trop
vite l'arbitrage. Si au premier abord, il peut para»tre choquant que
l'arbitrage conduise à écarter la justice2, il
convient ici de faire la lumière sur cette pratique qui se
développe.
2. L'adage selon lequel Ç un mauvais arrangement vaut
mieux qu'un long procès È est inapproprié pour justifier
le recours à l'arbitrage. Son utilisation est motivée par des
avantages qui lui sont propres bien que méconnus. Pourtant, nul doute
que l'arbitrage gagnerait à plus de transparence. C'est pourquoi,
l'objet de cette étude sera d'envisager l'arbitrage de façon la
plus objective possible. En s'attachant à examiner les relations qu'il
entretient avec la justice étatique, tout particulièrement dans
le cas oü une procédure collective est ouverte. En effet, cette
procédure implique inévitablement le recours au juge
étatique et on entrevoit déjà les complications qui
pourraient survenir entre justice privée et justice étatique,
entre juge et arbitre.
3. Dans nos sociétés contemporaines,
l'entreprise est la clef de voüte de l'économie, à la fois
Ç utilisateur de ressources, créateur de richesses et pourvoyeur
d'emplois3 È. Aussi, le droit des procédures
collectives a-t-il pour finalité d'apporter des solutions aux
entreprises en difficulté qui, de ce fait, mettraient en péril
nombre d'enjeux économiques et sociaux.
Le recours à l'arbitrage recouvre quant à lui
une réalité sociale particulière, à savoir la
volonté des parties de soustraire leur litige à la
compétence des tribunaux étatiques. En outre, il est lui aussi
intimement lié au développement de l'économie. En effet,
l'arbitrage est très utilisé dans le domaine des affaires oü
il Ç cherche à maintenir les plaideurs dans leurs
capacités industrielles et commerciales sans appliquer pleinement les
rigueurs de la loi4 È.
4. L'arbitrage et les procédures collectives se
développent donc dans le monde des affaires, à cette
différence près mais non des moindres, qu'ils proposent un
traitement différent des difficultés. En effet, l'arbitrage
relève d'une justice privée, qui se propose de résoudre
des litiges loin du regard de la justice étatique. Tandis que le droit
des procédures collectives se caractérise par un traitement
collectif des difficultés des entreprises, aux mains des seuls juges
étatiques5. Or l'efficacité des procédures
collectives et arbitrales tiennent justement à leurs modes propres de
règlement.
1 CDR c/ Tapie, Tribunal arbitral du 7 juillet 2008, sentence
disponible sur l'url
www.lexinter.net/JPTXT4/JP2005/tapie.pdf.
2 En ce sens, C. Vasseur-Thévenot, Culture Droit,
Spécial arbitrage, mars 2009, n° 19, p. 32 et s.
3 D. Vidal, Droit des procédures collectives, Gualino, 2e
éd. 2009, n°117, p 19.
4 X. Linant de Bellefonds, L'arbitrage et la médiation,
Que sais-je ?, 2003, p 3.
5 En ce sens, D. Mouralis, L'arbitrage face aux procédures
conduites en parallèle, thèse Aix, 2008, p. 389 et s.
5. Le Professeur Charles Jarrosson définit l'arbitrage
comme << l'institution par laquelle un tiers règle le
différend qui oppose deux ou plusieurs parties en exerçant la
mission juridictionnelle qu'elles lui ont confié1 È.
Ainsi, les parties décident de se passer du système judiciaire
pour investir un ou plusieurs arbitres du pouvoir de juger.
Lorsque les parties décident de recourir à
l'arbitrage, on dit qu'elles compromettent. La convention d'arbitrage peut
prendre la forme d'une clause compromissoire, définie à l'article
1442 du nouveau Code de procédure civile2, elle est alors
rédigée en vue d'un éventuel futur litige. Mais l'article
1447 du nouveau Code de procédure civile3 prévoit que
la convention peut porter sur un litige déjà né, la
convention conclue par les parties est alors appelée compromis.
En présence d'une procédure collective, la
juridiction arbitrale peut donc se trouver saisie par l'effet d'une clause
compromissoire, conclue avant l'ouverture d'une procédure collective, ou
en vertu d'un compromis, passé après le jugement d'ouverture.
Mais il se peut également qu'une clause compromissoire soit
passée après le jugement d'ouverture d'une procédure
collective dès lors qu'elle porte sur un éventuel futur
litige4. On parlera alors de convention d'arbitrage, terme
générique qui recouvrira l'une ou l'autre des deux
hypothèses, oü les deux, en fonction du contexte.
6. Quant au droit des procédures collectives, il tend
à traiter les difficultés des entreprises mais aussi à les
prévenir. Et dans cet objectif de prévention, se développe
un traitement non judiciaire des entreprises. Ainsi est
privilégié un traitement conventionnel des difficultés,
via l'utilisation du mandat ad hoc ou de la conciliation. Mais en
l'espèce, la notion de procédure collective utilisée sera
cantonnée au traitement judiciaire des difficultés des
entreprises. De sorte que l'utilisation du terme de procédure collective
ne recouvrera dans nos propos que la procédure de sauvegarde, la
procédure de redressement et de liquidation judiciaires.
7. La procédure de sauvegarde introduite en France par
la loi du 26 juillet 2005 a pour caractéristique d'intervenir avant la
cessation de paiement de l'entreprise. Au contraire, l'ouverture d'une
procédure de redressement judiciaire, n'est possible que lorsque
l'entreprise est dans l'impossibilité de faire face à son passif
exigible avec son actif disponible, mais que le redressement de
l'activité est encore envisageable. A défaut, s'ouvrira une
liquidation judiciaire consistant à réaliser les actifs de
l'entreprise. Aussi, la procédure de sauvegarde et de redressement
judiciaires ont-elles pour objectif de << permettre la poursuite de
l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement
1 Ch. Jarrosson, << La notion d'arbitrage È,
thèse, LGDJ, 1987, n° 785.
2 Art 1442 NCPC : << La clause compromissoire est la
convention par laquelle les parties à un contrat s'engagent à
soumettre à l'arbitrage les litiges qui pourraient na»tre
relativement à ce contrat È.
3 Art 1447 NCPC << Le compromis est la convention par
laquelle les parties à un litige né soumettent celui-ci à
l'arbitrage d'une ou plusieurs personnes È.
4 cf infra Titre 1, Chapitre 1, Section 2, Sous-section
2, §1, B.
du passif1 È. Quant à la liquidation
judiciaire, elle Ç est destinée à mettre fin à
l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du
débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits
et de ses biens2 È. Ces trois procédures
relèvent du monopole du juge étatique, ce qui se traduit par une
centralisation des contentieux entre ses mains. De sorte que tous les litiges
liés à une procédure collective relèvent des
juridictions étatiques. Le but est d'assurer une meilleure
efficacité des procédures collectives face aux divers
intérêts économiques et sociaux en jeu. En effet, les
défaillances des entreprises peuvent avoir de nombreuses
conséquences sur l'économie d'une société. Et de ce
fait, sur les hommes, acteurs incontournables de tout modèle social.
Pourtant, les juridictions étatiques ne sont pas seules
compétentes pour régler les litiges d'une
société.
8. En effet, l'institution d'arbitrage semble être de
tous les temps et nos ancêtres manifestaient déjà le
désir de résoudre leurs litiges, qu'ils soient d'ordre
économique ou social, loin de la justice d'Etat. Aussi, certains
auteurs3 se sont demandés si ce n'était pas
l'arbitrage qui serait à l'origine même du jugement juridique. Il
est difficile d'apporter une réponse à cette interrogation car
l'histoire montre, qu'à l'origine, il n'existait pas une ligne de
séparation nette entre justice privée et justice
étatique.
9. Sous le droit Romain, la justice se trouve sous
l'autorité publique, pourtant, elle présente des points commun
avec la notion d'arbitrage. Sans remettre en question l'existence d'une justice
d'Etat, on notera néanmoins que ce sont les parties qui avaient
l'initiative du procès et se présentaient spontanément
devant le préteur pour résoudre leur litige. En outre, les
parties ne pouvaient compter que sur elles mêmes pour rendre
exécutoire la sentence4. On ne peut pas parler pour autant
d'arbitrage au sens moderne du terme mais il semble toutefois que cela en
constitue des prémices. Sous le Bas Empire, l'arbitrage est
demandé aux évêques en marge de leurs fonctions ; mais
c'est surtout au Moyen Age que l'arbitrage se développe car il
présente l'avantage pour les parties d'échapper aux justices
seigneuriales et il permet aux familles de ne pas étaler au grand jour
leur litige. Ce caractère confidentiel, déjà
apprécié en ce temps, en fait aujourd'hui encore son
succès.
10. En outre, un des traits caractéristiques de l'actuel
arbitrage est l'exequatur et il convient ici d'en dire quelques mots car
l'exequatur trouve son origine dans le Moyen Age.
Auparavant, la faiblesse du système arbitral provenait
du fait que l'exécution de la sentence n'était pas
obligatoire. Sous l'époque médiévale, il est possible de
demander l'exécution de la sentence.
1 Art L 620-1 et L 631-1
C. Com.
2 Art L 640-1
C. Com.
3 V.X. Linant de Bellefonds, L'arbitrage et la médiation,
Que sais-je ?, 2003, p. 14.
4 V.X. Linant de Bellefonds, op. cit.
On parle alors d'emologare1 car
l'obligation d'exécuter la sentence ne résulte que de
l'homologation de l'acquiescement donné par les parties à la
sentence. Ainsi, en cas de non exécution de la sentence, il était
possible de demander au juge d'intervenir afin qu'il la fasse
exécuter2. Notons qu'à cette époque, l'arbitre
est souvent un juge et, qui plus est, un juge
ecclésiastique3. Aussi, dès lors que les parties ont
prêté serment, elles devront exécuter la sentence sous
peine d'excommunication. La justice ecclésiastique était donc une
forme de justice arbitrale qui venait combler la carence de la justice
étatique.
11. Au cours de la Révolution française, les
révolutionnaires hostiles à l'ordre dirigeant, voient dans
l'arbitrage un formidable remède. Aussi, érigent-ils en principe
constitutionnel4 le droit de recourir à l'arbitrage. Mais les
affaires d'arbitrage forcé se multiplient notamment en matière de
partage des biens commerciaux et la médiocrité des arbitrages
rendus explique, dans la période qui suivie, la réticence des
juristes face à cette justice privée5. Aussi, le Code
civil de 1807, marqué par une aversion envers l'arbitrage, interdit de
compromettre sur les questions intéressant l'ordre public en
général6.
12. Or l'histoire des procédures collectives a conduit
à l'élaboration d'un véritable ordre public des
procédures collectives, dans le but de protéger
l'entreprise7. Mais cet objectif n'a pas toujours été
poursuivi.
Sous le droit romain, si la venditio bonorum
traduisait déjà le caractère collectif de la
procédure, en organisant la vente collective des biens du
débiteur, il avait avant tout pour but de sanctionner le débiteur
commerçant8. A ce système succède le droit de
la faillite, présent au Moyen Age, et qui se caractérise par la
mise en place de procédures répressives. Il sera consacré
par le Code de commerce et aura le double effet de sanctionner le
commerçant et de l'éliminer du commerce. Puis, des
réformes successives vont finalement conduire à la
procédure de redressement et de liquidation judiciaires telles qu'on les
conna»t aujourd'hui.
A la fonction disciplinaire des procédures collectives
visant d'abord à écarter les débiteurs défaillants
puis à sanctionner les seuls débiteurs fautifs, s'ajoute une
fonction de sauvetage. Ainsi le droit des procédures collectives tente
de sauver le débiteur méritant et surtout, quand cela est
possible, son entreprise9. Cette volonté de protéger
l'entreprise s'est accompagnée d'une réhabilitation des droits
des créanciers. L'introduction de la procédure de sauvegarde par
la loi du
1 Terme appartenant au latin médiéval qui signifie
approuver.
2 En ce sens, A. Lefebvre-Teillard, Ç L'arbitrage de
l'histoire È,, L'arbitrage, Dalloz, Arch. Phil. dr., tome 52, p. 8.
3 V.A. Lefebvre-Teillard, op. cit., p.6.
4 Constitution du 3 septembre 1791.
5 En ce sens, K. Ribahi, L'arbitrage commercial, Fiche
pédagogique virtuelle, Faculté de droit de Lyon, 2009.
6 Art 1004 C. Civ. dans sa rédaction de 1806.
7 En ce sens, S. D, Les Echos Judiciaires Girondains, journal
n° 5428, 2008.
8 En ce sens, C. Saint-Alary-Houin, Cours sur la liquidation
judiciaire, M2 Droit fondamental des affaires, 2010.
9 En ce sens, D. Vidal, Droit des procédures collectives,
Gualino, 2e éd. 2009, p. 21 et s.
26 juillet 2005 représente l'apogée de la
prévention des difficultés. C'est ainsi qu'on est passé
d'un système tout répressif consacré par le Code de
commerce de 1807 à l'actuelle politique d'anticipation des
difficultés des entreprises.
13. Ainsi, la procédure de sauvegarde, bien que ne
représentant que 2,31 % des procédures collectives ouvertes en
2009, gagne du terrain puisque en l'espace d'un an son nombre a doublé.
Et on compte 1452 procédures collectives ouvertes en 2009. Globalement,
la crise financière aura largement contribué à
l'augmentation du nombre de procédures de redressement et de liquidation
judiciaires qui ont augmenté en 2009, de 11,4 % contre 10,5 %
l'année précédente et seulement 5,7 % en 20071.
Et c'est, de loin, la procédure de liquidation judiciaire qui est le
plus souvent prononcée. On peut conclure de ces statistiques, d'une part
un accroissement général du recours aux procédures
collectives et d'autre part l'émergence de la procédure de
sauvegarde. Il en résulte que le droit des procédures
collectives, qui tente de résoudre les difficultés des
entreprises, correspond à un réel besoin. Ce qui explique les
nombreuses réformes dont il a fait l'objet et qui tendent à
améliorer son efficacité.
14. Parallèlement, l'arbitrage a connu un essor. Il
est aujourd'hui pratique courante même s'il est en principe toujours
interdit de compromettre sur les matières intéressant l'ordre
public. Le législateur a légalisé l'arbitrage par une loi
du 31 décembre 1925 qui rend la clause compromissoire licite. Mais il
faut attendre une réforme du 14 mai 19802 pour que
l'arbitrage soit considéré comme un mode, à part
entière, de règlement des conflits privés. Cet essor de
l'arbitrage s'est accompagné d'une démarcation plus forte entre
justice privée et justice étatique.
Enfin, la loi dite NRE du 15 mai 20013
étend le domaine de validité de la clause compromissoire à
tous les contrats conclus en raison d'une activité professionnelle. Il
résulte de cette extension du champ de l'arbitrage une introduction de
plus en plus fréquente de clauses compromissoires dans les
contrats4.
15. Non seulement l'arbitrage se développe mais il
jouit d'une reconnaissance internationale. Différents centres
d'arbitrage naissent aux quatre coins de la planète et l'arbitrage ne
cesse de progresser tout particulièrement en Asie, en Amérique
latine et dans le monde arabe. Madame Geneviève Augendre,
présidente de l'association française d'arbitrage, affirme que
Ç l'arbitrage est devenu le mode inévitable de résolution
des conflits en matière de commerce international5 È,
comme en témoigne l'important tissu de conventions internationales en la
matière.
1 Source internet:
www.altares.fr
2 Décret du 14 mai 1980, suivi d'un décret du 12
mai 1981.
3 Réforme de l'actuel art 2061 C. Civ.
4 B. Cressard, Le Bulletin des avocats de Rennes, avril 2010,
p.18.
5 V.Culture Droit, Spécial arbitrage, mars 2009, n°
19, p. 32.
16. Ainsi, parmi les nombreuses sources internationales du
droit de l'arbitrage on peut citer notamment le Protocole de Genève de
1923 qui admet la validité de la clause compromissoire et du compromis
en matière internationale. En 1927, la convention de Genève a
quant à elle déterminé les conditions d'exécution
et de reconnaissance de la sentence arbitrale. Aujourd'hui, ces deux
conventions ne s'appliquent que pour les Etats qui n'ont pas ratifié la
convention de New-York du 10 juin 1958. Outre la reconnaissance et
l'exécution des sentences étrangères cette convention
prévoit le principe d'autonomie de l'arbitrage international. La
convention de Genève de 1961 qui précise les règles de
déroulement de l'arbitrage réaffirme elle aussi le principe d'
autonomie de l'arbitrage. Ces principes généraux ont
été complétés par la mise en place du CIRDI,
créé en 1965 par la convention de Washington afin de
régler exclusivement les litiges relatifs aux investissements entre
Etats et investisseurs étrangers.
Par conséquent, la politique visant à
encourager l'arbitrage se manifeste tant par la mise en place d'un ensemble de
règles visant à régir l'arbitrage que par la
création d'institutions qui sécurisent le recours à
l'arbitrage en offrant des garanties d'impartialité.
17. Mais la singularité de l'arbitrage tient à
sa pluralité de sources. Il présente à la fois des sources
d'origine étatique et des sources d'origine privée, mettant en
évidence la complexité de l'arbitrage. Les sources
étatiques peuvent être internes ou internationales et les unes ou
les autres s'appliqueront selon que l'arbitrage est interne ou international.
L'arbitrage international est défini comme celui mettant << en
cause les intérêts du commerce international1 È.
A contrario, l'arbitrage interne est celui qui ne met pas en jeu les
intérêts du commerce international, c'est le cas lorsque l'origine
du litige a lieu intégralement en France, sans que soit pris en compte
la nationalité des parties. En droit français, les règles
applicables sont d'origines réglementaires ou légales. Ainsi
s'appliqueront essentiellement les principes et règles posés par
le Code civil, le Code de commerce ou le nouveau Code de procédure
civile.
18. A cela s'ajoutent de nombreuses sources d'origine
privée, qui se traduisent aujourd'hui par un recours de plus en plus
fréquent aux conventions d'arbitrage-type, rédigées par
les centres d'arbitrage, et aux règlements d'arbitrage
élaborés par l'AFA ou la Chambre arbitrale de Paris.
Parallèlement, les institutions arbitrales se multiplient. Au
coté des traditionnels organismes internationaux tels que la Chambre de
commerce internationale ou l'American Arbitration Association, on compte
désormais nombre d'institutions arbitrales créées au
niveau régional ou dédiées à un secteur
d'activité particulier. On peut citer à titre d'exemple la
Chambre d'arbitrage de la Charente ou la Chambre nationale d'arbitrage des
médecins.
1 Art 1492 NCPC << Est international l'arbitrage qui met en
jeu les intérêts du commerce international È.
19. Cette pluralité de sources met en avant toute
l'ambivalence de l'institution arbitrale qui est partagée entre une
indépendance vis-à-vis de la justice étatique, avec des
règles qui lui sont pour l'essentiel propres, et une
institutionnalisation de l'arbitrage qui tend à la rapprocher de la
justice ordinaire1.
Le double fondement contractuel et juridictionnel de
l'arbitrage manifeste aussi ses tendances contradictoires, intrinsèques
à l'arbitrage. En effet, l'arbitrage repose avant tout sur la
volonté des parties. Pourtant, le pouvoir de l'arbitre ne peut
être réduit à cette seule volonté contractuelle des
parties car il a, à l'instar du juge, le pouvoir de dire le droit et ses
sentences ont, au même titre que les décisions de justice,
l'autorité de la chose jugée.
20. On peut en déduire, comme le souligne depuis
plusieurs années déjà Monsieur Gouiffès, que
l'évolution de l'arbitrage tend vers deux orientations : d'une part
à une institutionnalisation avec << la multiplication des centres
d'arbitrage >>, d'autre part à une judiciarisation comme le
traduit l'augmentation du formalisme et << l'alourdissement du cadre
processuel de l'arbitrage >>2. Pourtant, il serait inexact
d'en conclure que l'arbitrage est un phénomène juridique car
l'arbitrage << est dans son essence un phénomène distinct
du droit, antagoniste du droit3 >>. Et par là
même, il s'oppose aux procédures collectives,
caractérisées par l'impérialisme de la justice
étatique.
21. Le succès de l'arbitrage présente l'avantage
d'apporter une solution concrète à l'encombrement des
juridictions. C'est pourquoi la volonté politique tend à
encourager son développement. Par ailleurs, on constate en France, les
efforts faits par le législateur pour aider les entreprises en
difficulté à se redresser. Cela passe par une protection du
débiteur, en prenant en compte le plus en amont possible l'existence de
ses difficultés afin d'optimiser ses chances de redressement. Il y a
là une volonté de tout mettre en oeuvre pour pérenniser
les entreprises, car elles constituent un formidable moteur de
l'économie4. Mais cet objectif des procédures
collectives doit se concilier avec la préservation des autres
intérêts en présence, notamment ceux des créanciers.
Quoi qu'il en soit, les réformes se succèdent pour
améliorer l'efficacité du droit des procédures
collectives.
22. Il résulte de ce constat, que les deux thèmes
en présence - arbitrage et procédures collectives -
bénéficient d'un fort engouement. Pourtant ces sujets semblent au
premier abord n'avoir aucun
1 En ce sens, A. Lefebvre-Teillard, << L'arbitrage de
l'histoire >>, L'arbitrage, Dalloz, Arch. Phil. dr., tome 52, p. 2
2 L. Gouiffès, << L'arbitrage international
propose-t-il un modèle original de justice ? >>, Recherche sur
l'arbitrage en droit international et comparé, mémoire, LGDJ,
1997, p. 5
3 R. David, <<Arbitrage et droit comparé >>,
Revue internationale de droit comparé, vol. 11, 1959, p. 12.
4 En ce sens, D. Meledo-Briand, <<Procédures
collectives et droit économique, l'exemple français >>,
Rev. int. dr. éco 1994, p. 265, << De tout temps, en effet, on a
considéré que les procédures collectives avaient partie
liée avec l'économique. Les différentes lois ont toujours
tenté de proposer des méthodes d'endiguement des
défaillances afin de préserver l'équilibre
économique d'une place ou d'un pays >>.
lien, leur objet est tellement différent qu'elles
pourraient coexister tout en s'ignorant1. De ce fait, la question de
leur interaction para»t marginale. En réalité, il n'en est
rien car dans les faits, ces procédures coexistent et se rencontrent.
Aussi l'objet de ce mémoire sera d'en examiner les conditions.
23. La question qui se pose est donc de savoir quelles
relations entretiennent les procédures collectives avec l'institution
arbitrale ? Car s'il est vrai qu'elles apparaissent comme des procédures
indépendantes et antagonistes, les occasions oü elles coexistent ne
manquent pas. Aussi, de prime abord, c'est un rapport de défiance qui
prédomine leurs relations. Il se traduit inévitablement par un
conflit qui illustre l'opposition plus large de la justice privée et de
la justice étatique. Mais leurs points communs et leurs
complémentarités sont plus nombreux qu'il n'y para»t. Et ils
constituent un premier rapprochement de ces deux procédures qui, en
pratique, ne peuvent s'ignorer.
24. Nombreux sont les avantages qui poussent les parties
à recourir à l'arbitrage plutôt qu'à la justice
étatique. Ainsi, le caractère confidentiel de l'arbitrage suffit
souvent à convaincre les parties, notamment dans les relations
d'affaires oü les entreprises s'attachent tout particulièrement
à ne pas dévoiler leurs différends. En outre,
l'institution arbitrale permet aux parties, si elles le souhaitent, d'enfermer
l'arbitrage dans un délai ou de renoncer à l'application de
règles légales ou procédurales auxquelles les juges
étatiques ne peuvent déroger. Gage de rapidité et de
souplesse, l'arbitrage est aussi percu dans le cadre du commerce international
comme un terrain neutre. En effet, le choix du ou des arbitres, appartient aux
parties, ce qui a pour effet d'instaurer un climat de confiance entre les
différents acteurs de l'arbitrage. De plus, les parties choisiront des
personnes ayant une fine connaissance ou un intérêt particulier
pour leur litige ou leur domaine d'activités. C'est pourquoi, les
arbitres sont percus comme plus compétents, plus tolérants et on
constate souvent qu'ils rendent des décisions moins tranchées que
celles des juges.
25. Néanmoins, le risque d'impartialité peut
à juste titre être soulevé, tout comme le coüt
élevé d'une telle procédure. Mais ce sont principalement
des incertitudes quant à l'arbitrabilité de certains litiges qui
subsistent, notamment lorsqu'une procédure collective est
ouverte2. En effet, les procédures collectives sont
caractérisées par leur caractère collectif qui << se
manifeste à plusieurs points de vue3 È. Ainsi,
dès lors qu'une procédure collective est ouverte, les
créanciers ne peuvent plus agir individuellement afin qu'ils soient
placés sur un plan d'égalité. En outre, ils doivent
produire et faire vérifier leurs créances par le juge
commissaire. Toutes les législations étrangères
prévoient cette soumission à la déclaration de
créances même si les modalités varient d'un pays
à
1 Ph. Fouchard, <<Arbitrage et faillite È, Rev. arb.
1998, p. 472.
2 cf infra Titre 1, Chapitre 1, Section 1.
3 C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en
difficulté, Montchrestien, 6e éd., p. 16, n° 28.
l'autre1. Tous les créanciers sont donc soumis
à une discipline commune, soulignant le caractère collectif des
procédures collectives.
26. Mais la complexité de l'arbitrage réside
dans le fait que ce domaine n'est pas réellement unifié. Les
arbitres jouissent d'une indépendance vis-à-vis de la justice
étatique mais aussi à l'intérieur même de leur
institution. C'est ce qu'illustre l'absence de publication systématique
des sentences arbitrales. Chaque arbitre est libre de rendre la décision
qui lui appara»t la plus appropriée, en respectant toutefois la
volonté des parties qui lui ont confié le litige. De sorte que
l'arbitre rend sa sentence sans réelle connaissance des décisions
prises par ses homologues dans des situations similaires. Cette situation
s'explique par le caractère confidentiel de l'arbitrage, très
apprécié des parties. Mais corrélativement se pose le
problème de l'absence d'une véritable cohérence de
l'ensemble des décisions arbitrales, même si des tendances se
dégagent.
27. Cette indépendance des arbitres trouve son
paroxysme lors du prononcé de la sentence arbitrale. Il semble qu'il
importe peu aux arbitres de conna»tre le retentissement de leur
décision sur l'ensemble de la société. Ce qui s'explique
aisément puisque leur sentence n'est pas opposable aux tiers. Il n'en
reste pas moins que ces solutions ne sont pas sans impact sur
l'évolution du droit. Ne serait-ce que parce qu'elles soustraient le
litige à la compétence de la justice étatique. Si
l'arbitrage est indépendant, et si les arbitres font peu de cas de la
portée de leurs décisions sur l'évolution
générale du droit2, en réalité les
sentences arbitrales ne sont pas sans conséquences et le juge
étatique le sait bien.
28. Aussi, la justice étatique n'a t-elle pas
intérêt à méconna»tre cette justice
privée qui pourrait quant à elle être tentée de
l'ignorer. En effet, l'institution d'arbitrage n'a que peu de
bénéfice à retirer d'une reconnaissance mutuelle, si ce
n'est un sentiment de reconnaissance doublé aussitôt d'une
inquiétude. Il semble que l'arbitre se satisfasse tout à fait
d'une indépendance maximale et la reconnaissance de son existence par
les institutions étatiques appara»t avant tout comme une menace
à son bon fonctionnement.
Cette crainte est partagée, car les organes judiciaires
voient quant à eux d'un mauvais oeil l'extraordinaire potentiel de
l'arbitrage de porter atteinte à leur compétence exclusive. Mais
plus encore, dans le cadre des procédures collectives, la centralisation
des contentieux aux mains des seuls juges étatiques se justifie par la
volonté de maintenir les équilibres difficilement mis en place
dans le cadre des entreprises en difficulté3. Et l'arbitrage
représente un danger en ce qu'il pourrait
1 En ce sens, C. Saint-Alary-Houin, op. cit., p. 429, n°
682.
2 En ce sens, Y. Derains, Ç Les normes d'application
immédiate dans la jurisprudence arbitrale internationale È, Le
droit des relations économiques internationales, Mélanges offerts
à B. Goldman, 1982, p. 29.
3 En ce sens, D.Vidal, Procédures collectives et
procédures d'arbitrage : quelle rencontre ?, Gaz. Pal. 31 octobre 2009,
n° 304, p. 3.
porter atteinte à la fragile coordination des
intérêts sociaux et économiques que tentent de mettre en
place les juges étatiques dans le cadre d'une procédure
collective.
29. Face à cette défiance originaire des
procédures collectives et arbitrales le chemin vers une reconnaissance
mutuelle présage d'être long. Car si cette reconnaissance est
nécessaire à leur efficacité, cela implique au
préalable qu'elles dépassent leur peur et leur
incompréhension mutuelle. Or la dissension de ces institutions est
intrinsèque à leur nature, ce qui explique selon la formule de
Maître Bruno Cressard, l'inévitable <<confrontation des deux
fortes têtes du droit des affaires1 È. Il en
résulte de fait un conflit d'objectifs et d'intérêts mais
aussi un conflit de moyens.
30. L'arbitre a pour seul objectif de trancher un
différend, conformément à la mission que les parties lui
ont confiée. Le juge étatique a quant à lui une mission
beaucoup plus large puisque il doit << résoudre une situation
économique2 È. C'est pourquoi, il entend éviter
toute dispersion du contentieux et s'oppose donc à ce que l'arbitre en
connaisse. Cette compétence exclusive des juges étatiques rentre
donc inévitablement en conflit avec la compétence exclusive
confiée à l'arbitre. Mais la source de leur pouvoir diverge
aussi, car en matière de procédures collectives les règles
applicables sont posées par la loi alors que l'arbitre est libre de s'en
affranchir. Ce qui est d'autant plus vrai lorsqu'il reçoit pour mission
de statuer en amiable composition.
31. Pourtant, le Professeur Henri Motulsky soutenait avec
force conviction que << l'arbitrage procède moins d'un refus de
l'Etat, de ses lois et de ses juridictions, que d'un désir d'une justice
administrée différemment : justice étatique et arbitrage
poursuivent par des voies distinctes mais complémentaires le même
idéal de justice3 È.
Pour mieux comprendre cette conception de l'arbitrage, il
convient d'envisager ce concept autrement que sous l'angle juridique. S'il est
naturel pour le juriste d'enfermer l'institution arbitrale dans des concepts
juridiques, le Professeur René David critique cette approche au motif
que ces concepts << trop précis, trop tranchés, ne
conviennent pas pour analyser le phénomène de
l'arbitrage4 È. Cela ne signifie pas pour autant qu'il faille
renoncer totalement à une analyse juridique de l'arbitrage. Car dans le
cadre de la coexistence des procédures collectives et arbitrales, une
éventuelle coordination, voir unicité, n'est concevable que si
l'approche de ces notions se fait d'un même point de vue.
Aussi, l'évocation de l'approche du Professeur
René David, évoquée précédemment, n'est
pas destinée à faire une approche extra-juridique de la notion
d'arbitrage car ce mémoire a pour objet
1 B. Cressard, Le Bulletin des avocats de Rennes, avril 2010, p.
16.
2 G. C. Giorgini, << Méthode conflictuelles et
règles materielles dans la faillite internationale È, Nouvelle
Bibliothèque de Thèses, Dalloz, thèse Nice 2004, p.
539.
3 B. Oppetit, <<Justice étatique et justice
arbitrale È, Etudes offertes à P. Bellet, Paris, 1991, p. 415.
4 R. David, <<Arbitrage et droit comparé È,
Revue internationale de droit comparé, vol. 11, 1959, p. 13.
d'analyser les rapports entre procédures collectives et
arbitrales sous l'angle des instruments et concepts juridiques existants. Elle
permet simplement de souligner que l'arbitrage ne doit pas se concevoir
à < l'image de la justice1 È.
32. En effet, le recours à l'arbitrage ne se justifie
pas par la seule volonté des parties de palier à la
cherté, la lenteur ou la rigidité de la justice étatique.
Elle résulte souvent de la volonté des parties d'obtenir une
justice différente de celle qui résulterait de la seule
application des lois nationales2. En ce sens, la justice
étatique, le < Droit È, ne sont plus représentatifs
d'une supériorité quelconque sur les modes alternatifs de
règlement des litiges. Car les parties en ayant recours à
l'arbitrage ne renoncent en aucune façon à un idéal de
justice.
Cela traduit la distorsion mise en évidence par le
Professeur Bruno Oppetit : < avec l'ascension des intérêts
particuliers et de la puissance de l'Etat s'est opérée une
dissociation entre le juste et la justice3 È. Et cela peut
justifier l'engouement pour l'arbitrage oü semble prévaloir <
les droits naturels4 È puisque l'arbitre peut exclure les
règles de droit et statuer en équité.
33. Quoi qu'il en soit, procédures collectives et
procédures arbitrales présentent le point commun de partager la
même éthique, qui prend la forme du concept de < procès
équitable5 È. Cette philosophie du procès
transcende les clivages qui peuvent exister entre procédures collectives
et arbitrales, découlant de l'opposition entre justice étatique
et justice privée. Ainsi, le principe de contradiction, gage d'un
procès équitable gouverne les deux procédures.
En outre, procédures collectives et arbitrales sont
des procédures juridictionnelles. A ce titre, elles ont toutes deux
l'autorité de la chose jugée, ce qui peut engendrer une certaine
compétition entre elles. Mais si leurs points communs tendent à
les rapprocher et de ce fait à introduire un certaine concurrence, leurs
différences conduisent certes à une opposition mais aussi parfois
à une complémentarité.
34. En effet, si l'arbitrage se caractérise par une
certaine liberté et indépendance, il peut à certaines
occasions être tributaire de la juridiction étatique. C'est le
cas, lorsque la sentence n'a pas fait l'objet d'une exécution
spontanée et qu'il est demandée au juge étatique
d'ordonner l'exécution de la sentence. En outre, lorsque
procédures collectives et arbitrales coexistent, une collaboration est
le plus souvent nécessaire. Certains parlent de <justice mixte, faite
d'un va-et-vient incessant entre enceintes arbitrales et palais de
justice6 È.
1 V.R. David, op.cit.
2 En ce sens, R. David, op. cit.
3 B. Oppetit, op.cit., p. 415.
4 En ce sens, V.B. Oppetit, op. cit.
5 Droit garanti par l'article 6§1 de la CEDH.
6 V.B. Oppetit, op. cit., p. 418.
35. On peut conclure que si procédures collectives et
arbitrales relèvent de concepts de justice différents, il n'en
résulte pas une incompatibilité. Leur dualité met en
exergue nombre de points d'oppositions mais aussi nombre de convergences.
Ainsi, poursuivent elles le même idéal de justice et une
même éthique. C'est pourquoi, si chacune procède selon sa
propre voie en matière de procédure ou de règles
applicables, elles bénéficient d'un potentiel de convergence
lorsque la situation l'impose. Il conviendra d'examiner les conditions de leur
coexistence mais en ayant une vision objective, affranchie de
préjugés sur l'arbitrage.
C'est pourquoi, sans méconna»tre leurs oppositions
et leurs rapports de force, il conviendra de rechercher comment évoluent
leurs relations. Car la jurisprudence proclame et garantit la primauté
des règles des procédures collectives sur l'arbitrage (Titre I)
mais, récemment, elle tend de plus en plus à réaffirmer le
poids de l'arbitrage en présence d'une procédure collective
(Titre II). De sorte que, au-delà d'une reconnaissance mutuelle de
procédures antagonistes, leur rapport de force tend à un
rééquilibrage, pour une meilleure coordination et par là
même une meilleure administration de la Justice, en ce sens oü
serait conciliés la volonté des parties et l'intérêt
collectif.
TITRE 1 : SUPRÉMATIE DE PRINCIPE DES
PROCÉDURES COLLECTIVES SUR L'ARBITRAGE
36. Dès lors qu'une procédure collective et un
arbitrage coexistent, la prédominance des procédures collectives
est double : elle se manifeste tant au niveau procédural que dans les
règles de droit applicables.
La coexistence des procédures collectives et
arbitrales (Chapitre 1) ne se fait pas sans confrontation et prend diverses
formes : soit la procédure collective fait l'objet d'un arbitrage, soit
les deux procédures se déroulent concomitamment. Mais dans les
deux cas, le domaine de l'arbitrage ne cesse de s'étendre, manifestant
la reconnaissance par les pouvoirs publics de cette justice privée.
Néanmoins, cette confiance des Etats envers l'arbitrage ne se fait pas
sans garde fou. Aussi, les développements tendront à
démontrer, d'une part que l'arbitrabilité des procédures
collectives est possible mais encadrée ; d'autre part, que
procédures collectives et arbitrales peuvent se dérouler
concomitamment. En effet, l'ouverture d'une procédure collective ne met
pas fin au déroulement d'une instance arbitrale en cours et inversement,
une instance arbitrale peut être ouverte en cours de procédure
collective. Ces deux situations témoignent d'une reconnaissance mutuelle
des deux procédures ; même si les procédures collectives,
largement empreintes d'ordre public, commandent largement le déroulement
de l'instance arbitrale.
37. En effet, les règles de droit qui régissent
leurs relations laissent appara»tre une nette prédominance des
procédures collectives (Chapitre 2). C'est le caractère d'ordre
public des règles des procédures collectives qui explique cette
domination. Afin de protéger les intérêts sociaux et
économiques d'un Etat, ces règles ne s'imposent pas qu'aux
acteurs de la procédure collective. Elles commandent aussi les parties
qui recourent à l'arbitrage pour régler leurs différends,
dès lors qu'une procédure collective est ouverte contre l'une
d'elles. Ces règles impératives des procédures collectives
résultent de la volonté de sauvegarder l'entreprise en
difficulté, tout en tentant de protéger de façon
égalitaire ses créanciers. Cela a pour effet de limiter les
solutions rendues par l'arbitre au respect des règles d'ordre public
régissant les procédures collectives, que ce soit dans le cadre
d'un arbitrage interne ou d'un arbitrage qualifié d'international.
Il en résulte une suprématie des procédures
collectives tant sur le déroulement de l'instance arbitrale que sur les
règles applicables par l'arbitre.
Chapitre 1 : Coexistence des procédures
collectives et arbitrales
38. La coexistence des procédures arbitrales et
collectives s'exerce de deux façons, que le Professeur Dominique Vidal a
évoquées1 lors d'un colloque en parlant << de
l'arbitrage dans la faillite à l'arbitrage de la faillite È.
Cette citation traduit deux réalités qui seront
étudiées successivement, en distinguant << l'arbitrage de
la faillite È qui recouvre la question de l'arbitrabilité des
procédures collectives (Section 1), puis << l'arbitrage dans la
faillite È qui correspond à la situation oü une
procédure collective et une procédure arbitrale se
déroulent concomitamment (Section 2). Lorsque procédures
collectives et arbitrales coexistent, la ligne de séparation n'est pas
figée mais évolue. Cette évolution peut se faire au fil du
temps comme c'est le cas pour l'arbitrabilité des procédures
collectives. Mais dans le cas oü les procédures sont concomitantes,
c'est un critère chronologique qui détermine la
prédominance plus ou moins forte des procédures collectives.
Section 1 : L'évolution de
l'arbitrabilité des procédures collectives
39. L'arbitrage de la faillite recouvre la notion
d'arbitrabilité, définie par Monsieur Bucher comme <<
l'aptitude d'une cause à constituer l'objet d'un arbitrage2
È. Cette question de savoir si une procédure collective peut
faire l'objet d'un arbitrage a donné lieu à une évolution
jurisprudentielle importante. Si dans un premier temps le législateur a
été très hostile à admettre l'arbitrabilité
des procédures collectives (Sous-section 1), la jurisprudence et la
doctrine l'ont progressivement consacrée, tout en l'encadrant
(Sous-section 2).
Sous-section 1 : Les obstacles légaux à
l'arbitrabilité des procédures collectives
40. Le domaine des procédures collectives est
fortement empreint d'ordre public et ce dernier constitue l'obstacle majeur
à l'arbitrabilité des procédures collectives (1). Par
conséquent, les procédures collectives font l'objet d'une
attribution exclusive de compétence au profit des juridictions
étatiques dont il convient d'examiner les raisons (2).
§ 1 L'ordre public comme limite à la
compétence de l'arbitre
41. Bien que l'institution arbitrale bénéficie
d'une véritable autonomie, l'ordre public limite la compétence de
l'arbitre en bridant l'indépendance de cette justice privée (A)
et en excluant l'arbitrage des matières qui sont fortement
marquées par l'ordre public (B).
1 Rapport de synthèse, colloque de Nice Sophia-Antipolis
sur les entreprises en difficulté, LPA, 9 janvier 2002, n° 7, p
76.
2 A. Bucher, Le nouvel arbitrage international en Suisse,
éd. Helbing et Lichtenhahn, Théorie et pratique du droit, 1988,
n° 86, p. 37.
A - L'ordre public : rempart contre l'autonomie de
l'arbitrage
42. L'arbitrage est un mode alternatif de règlement
des litiges distinct de la justice étatique. Par conséquent, il
doit en principe obéir à des règles qui lui sont propres,
sans que l'Etat puisse lui imposer ses règles légales.
Néanmoins, si les Etats reconnaissent pleinement l'autonomie de
l'arbitrage (1°), leur ordre public constitue un garde fou efficace pour
limiter ou interdire l'arbitrage de certains litiges (2°).
1 Le principe d'autonomie de l'arbitrage
43. L'arbitrage laisse une place importante à la
volonté des parties qui peuvent ainsi librement décider de
soustraire un litige à la compétence des juridictions
étatiques. Mais leur volonté peut aller encore plus loin car le
concept d'autonomie de l'arbitrage couvre deux réalités : d'une
part, l'indépendance de l'institution arbitrale vis-à-vis des
juges étatiques, mais aussi l'autonomie de l'arbitrage vis-à-vis
des lois1. Ainsi, la convention d'arbitrage peut être soumise
à une loi différente de celle qui régit le contrat
principal. Les règles de droit applicables à l'arbitrage sont
donc détachées de celles du droit étatique.
De ce fait, les arbitres sont libres de s'affranchir des
règles de droit de la procédure judiciaire, en vertu de l'article
1460 alinéa 1 du nouveau Code de procédure civile2. En
outre, ils disposent de pouvoirs étendus quant à la
détermination des règles applicables aux litiges car leur pouvoir
dépend de la volonté des parties. Ils peuvent recevoir mission de
statuer en appliquant les règles de droit ou de statuer en amiable
composition, dans ce cas les règles de droit s'appliquant normalement
sont écartées et les arbitres statuent en équité.
Ils choisissent alors la solution qui leur appara»t la plus juste eu
égard à l'équité ou encore aux usages du
commerce3. Mais si les parties n'ont rien prévu4,
les arbitres doivent appliquer les règles de droit.
44. L'arbitrage international étant lui aussi
autonome, l'arbitre peut ne pas avoir recours aux lois nationales et retenir
des normes non étatiques, ou bien appliquer des lois qui ne sont
rattachées à aucun ordre juridique étatique5.
Par conséquent, la convention d'arbitrage internationale n'a pas
à être rattachée à une loi étatique pour
être valable. Elle est donc décrite comme un << contrat sans
conflits de lois È sans être << un contrat sans
lois6 È. De sorte que la validité de la convention
1 En ce sens, Ph. Fouchard, préface thèse <<
L'arbitrage commercial international et l'ordre public È, J-B Racine,
LGDJ, 1999.
2 Art 1460 al 1 NCPC : << Les arbitres règlent la
procédure arbitrale sans être tenus de suivre les règles
établies pour les tribunaux, sauf si les parties en ont autrement
décidé dans la convention d'arbitrage È.
3 X. Linant de Bellefonds, L'arbitrage et la médiation,
Que sais-je ?, 2003, p. 61.
4 Art 1474 NCPC : << L'arbitre tranche le litige
conformément aux règles de droit, à moins que, dans la
convention d'arbitrage, les parties ne lui aient conféré mission
de statuer comme amiable compositeur È.
5 En ce sens, J-B. Racine, op. cit.
6 P. Fouchard, E. Gaillard, B. Goldman, Traité de
l'arbitrage commercial international, Litec, 1996, p. 251.
d'arbitrage est appréciée indépendamment de
toute loi étatique.
Néanmoins, la compétence de l'arbitre est
subordonnée au respect des règles d'ordre public. Car si
l'arbitrage est autonome, il ne doit pas être un moyen de porter atteinte
à l'ordre public d'un Etat.
2° L'autonomie de l'arbitrage limitée par
l'ordre public
45. La notion d'ordre public recouvre l'ensemble des Ç
valeurs fondamentales d'une société auxquelles les parties
à un acte juridique ne peuvent déroger par des stipulations
contraires1 È. C'est un concept difficile à
appréhender dans la mesure oü chaque pays a son propre ordre
public. En effet, l'ordre public correspond à un ensemble de valeurs
jugées essentielles, dans une société donnée -
à un moment donné. C'est pourquoi, l'ordre public est à la
fois Ç relatif et évolutif2 È : non seulement
il est propre à chaque Etat, mais il est aussi progressivement
modifié en fonction de l'évolution de la société.
Notons qu'il existe aussi un ordre public international, qui permet
d'évincer toute législation étrangère3
qui heurterait Ç manifestement È les valeurs d'une
société et qui serait alors remplacé par la loi du
for4. Il a pour effet de limiter la compétence de l'arbitre
lorsqu'il doit statuer en droit.
46. On peut avancer que l'ordre public est avant tout une
manifestation de la suprématie de l'Etat et de sa justice
étatique. Il vient contrecarrer l'indépendance de cette justice
privée qu'est l'arbitrage afin d'en limiter les excès. C'est
pourquoi, le Professeur Philippe Fouchard parle de Ç rempart contre
l'autonomie5 È de l'arbitrage.
Il en résulte que la compétence de l'arbitre est
limitée par le respect de l'ordre public, qui impose des normes
impératives, que la seule volonté des parties ne peut exclure. Or
les procédures collectives sont fortement marquées par l'ordre
public, ce qui limite ipso facto la compétence de l'arbitre. Et
fait également peser une suspicion légitime
d'inarbitrabilité des procédures collectives6.
1 Dictionnaire du vocabulaire juridique, Objectif droit, Litec,
2004.
2 Cours de droit international privé, UT1, 2010.
3 P. Mayer, La sentence contraire à l'ordre public au
fond, Rev. arb. 1994., n°29, p. 639.
4 La loi du for dite aussi lex fori signifie que la loi
appliquée est celle du lieu oii la juridiction a été
saisie.
5 Ph. Fouchard, préface thèse Ç L'arbitrage
commercial international et l'ordre public È, J-B Racine, LGDJ, 1999.
6 Ç Certaines matières éveillent la
méfiance quand il est question d'arbitrabilité car elles sont
empreintes de nombreuses dispositions contraignantes È, O. Caprasse, Les
sociétés et l'arbitrage, LGDJ, 2002.
B - L'inarbitrabilité des matières
intéressant l'ordre public 1° L'inarbitrabilité
légale des procédures collectives
47. Les conditions de validité d'une convention
d'arbitrage peuvent être classées en deux catégories, les
conditions relatives à la capacité de compromettre et les
conditions relatives à l'arbitrabilité du litige. La question de
savoir si les litiges concernant les procédures collectives peuvent
faire l'objet d'un arbitrage est d'importance car le non respect de cette
condition de validité est sanctionné par la nullité de la
convention d'arbitrage1.
Pendant longtemps, l'inarbitrabilité des litiges
concernant une procédure collective semblait ne pas faire de doute. En
effet, la justification n'était autre que légale, puisque
l'article 2060 du Code civil affirme : << on ne peut compromettre sur les
questions d'état et de capacité des personnes, sur celles
relatives au divorce et à la séparation de corps ou sur les
contestations intéressant les collectivités publiques et les
établissements publics et plus généralement dans toutes
les matières qui intéressent l'ordre public È. Nul doute
que les procédures collectives intéressent l'ordre public. Elles
étaient donc interprétées comme étant, de ce seul
fait, inarbitrables.
2° Consécration jurisprudentielle de
l'inarbitrabilité des procédures collectives
48. Cette règle selon laquelle la seule
présence d'ordre public exclut l'arbitrabilité a
été consacrée par la jurisprudence pour qui << le
compromis est nul chaque fois que l'arbitrage suppose l'interprétation
et l'application d'une règle d'ordre public2 È. Cette
solution a pour objectif de faire primer les valeurs essentielles d'une
société, transcrites dans son ordre public, sur la volonté
des parties.
49. Or il est difficile de concilier le caractère
autonome de l'arbitrage avec la nécessaire protection de
l'intérêt général qu'implique l'ouverture d'un
procédure collective. L'inarbitrabilité des procédures
collectives met en exergue cette confrontation entre procédures
collectives et arbitrales. Mais elle permet aux Etats de protéger
certains domaines face au développement de la justice privée.
Ainsi, les litiges concernant des procédures collectives ne peuvent se
voir appliquer des règles détachées du système
étatique, du fait de la présence d'ordre public. Cette
interprétation de l'article 2060 du Code civil, qui a aujourd'hui
évoluée, justifiait l'inarbitrabilité des
procédures collectives et traduisait une manifestation concrète
de la suprématie des procédures collectives.
1 X. Linant de Bellefonds, L'arbitrage et la médiation,
Que sais-je ?, 2003, p. 44.
2 Paris, 9 février 1954, D. 1954, p. 192.
§ 2 Les justifications à l'attribution
exclusive de compétence au profit des juridictions
étatiques
50. Il résulte de l'inarbitrabilité des
procédures collectives, que tout litige concernant une procédure
de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire
relève exclusivement de la compétence judiciaire, dans cette
conception oü la seule présence d'ordre public suffisait à
écarter l'arbitrage. Cependant, d'autres raisons se cachent
derrière l'inarbitrabilité du fait de la présence d'ordre
public. En effet, il para»t opportun de confier les litiges
intéressant les procédures collectives aux seules juridictions
étatiques afin de centraliser les contentieux (A). Mais l'arbitrage des
procédures collectives est aussi exclu dans le but de protéger
l'intérêt des tiers, et plus largement l'intérêt
collectif (B).
A - Centralisation des contentieux pour en faciliter le
règlement
51. L'arbitrabilité des procédures collectives
trouve un autre obstacle d'origine légale1. En effet, selon
l'article L620-1 du Code de commerce concernant la procédure de
sauvegarde et l'article L631-1 visant le redressement judiciaire, ces deux
procédures collectives ont pour objectif Ç de permettre la
poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et
l'apurement du passif È. Elles ont également pour but, tout comme
la liquidation judiciaire, d'assurer l'égalité des
créanciers. Pour satisfaire à ses objectifs et rendre ainsi les
procédures collectives efficaces, il est nécessaire de Ç
centraliser2 È ces procédures aux mains des seuls
juges étatiques.
52. Les procédures collectives sont
indépendantes afin d'assurer leur objectif de protection. En effet, pour
éviter toute rupture d'égalité des créanciers,
l'arbitre n'a pas le pouvoir de contraindre un débiteur à payer
un certain créancier. Le juge étatique est le plus à
même à se prononcer sur tout litige concernant une
procédure collective car il est le seul à avoir une réelle
connaissance de la situation du débiteur. L'inarbitrabilité des
procédures collectives semble justifiée car le risque est grand
que l'arbitre anéantisse les objectifs de la procédure
collective, en ruinant les chances de redressement du débiteur ou en
rompant l'égalité des créanciers.
53. Cette centralisation de tous les contentieux touchant
à la procédure collective permet une meilleure prise en compte de
la situation du débiteur car le juge a des pouvoirs larges qui lui
permettent d'aller au delà de la résolution d'un litige ou d'une
difficulté. Il peut se renseigner sur la
1 Autre obstacle que l'article 2060 du Code Civil, vu
précédemment.
2 En ce sens, D. Mouralis, L'arbitrage face aux procédures
conduites en parallèle, thèse Aix, 2008. J-B. Racine, L'arbitrage
commercial international et l'ordre public, LGDJ, 1999.
situation économique et financière de
l'entreprise concernée par la procédure collective, il a un rTMle
de surveillance de la mission de l'administrateur... C'est pourquoi, le
Professeur Charles Jarrosson qualifie le juge << d'expert
économique1 >>. Et en tant que tel, il est le seul
habilité à résoudre un litige portant sur une
procédure collective. Ainsi, il n'y a pas de dispersion du contentieux,
ce qui a pour effet de faciliter et d'accélérer le
règlement des litiges.
B - Volonté de protéger l'intérêt
public et l'intérêt des tiers
54. L'interdiction de l'arbitrage en matière de
procédures collectives s'explique également par la volonté
de protéger les tiers lorsque leurs intérêts sont en jeu,
ce qui explique que << seul un juge étatique peut ouvrir,
surveiller ou clore une telle procédure, décider de l'admission
des créances, du sort des biens du débiteur...2
>>.
Le Professeur Dominique Vidal compare les entreprises en
difficulté faisant l'objet d'une procédure collective à un
jeu de Mikado®, oü << chaque touche d'un
élément risque d'avoir une ou plusieurs répercussions sur
les autres3 >>. Cela souligne la nécessité de
conférer aux juridictions étatiques une compétence
exclusive.
55. En outre, l'objectif des procédures collectives
est de permettre, autant que possible, la survie des entreprises ou le cas
échéant le rebond de l'entrepreneur. Elles doivent donc
défendre les intérêts généraux qui
<<transcendent les intérêts des parties à la
convention d'arbitrage et des créanciers4 >>. Les
contentieux des procédures collectives présentent donc <<
un caractère objectif5 >>, leur résolution passe
en premier lieu par la prise en compte de l'intérêt de la
société. Or on peut considérer que l'intérêt
général est de sauvegarder une entreprise, moteur de
l'économie d'une société. Et si on permettait aux parties
de s'adresser à d'autres juridictions, cet objectif risquerait
d'être méconnu6.
Cependant, la doctrine et la jurisprudence ont
évolué. Elles considèrent désormais que
l'attribution exclusive de compétence au profit d'une juridiction
étatique, afin de satisfaire aux objectifs d'efficacité des
procédures collectives et de protection de l'intérêt
général, ne suffit pas à exclure l'arbitrage.
1 Ch. Jarrosson, << La notion d'arbitrage >>,
thèse, LGDJ, 1987, p. 89, << Le droit des procédures
collectives est sans conteste un domaine dans lequel le juge appara»t
aussi très souvent comme un expert économique >>.
2 << Le droit des procédures collectives
intéressant également les tiers, seul un juge étatique
peut ouvrir, surveiller ou clore une telle procédure, décider de
l'admission des créances, du sort des biens du débiteur...
>>, P. Fouchard, E. Gaillard, B. Goldman, Traité de l'arbitrage
commercial international, Litec, 1996, p. 359.
3 D.Vidal, Procédures collectives et procédures
d'arbitrage : quelle rencontre ?, Gaz. Pal. 31 octobre 2009, n° 304, p.
3.
4 D. Mouralis, L'arbitrage face aux procédures conduites
en parallèle, thèse Aix, 2008.
5 J-B. Racine, L'arbitrage commercial international et l'ordre
public, LGDJ 1999, p. 111.
6 En ce sens, D. Cohen, <<Arbitrage et
société >>, 1993, LGDJ, p. 112.
Sous-section 2 : L'encadrement de l'arbitrabilité
des procédures collectives
56. La doctrine est aujourd'hui unanime pour affirmer que
l'attribution d'une compétence exclusive ne fait pas ipso facto
obstacle à l'arbitrage. Ainsi le champ d'arbitrabilité des
litiges s'étend (1) même s'il conna»t des limites strictes
(2).
§ 1 L'extension de l'arbitrabilité des
procédures collectives
57. La jurisprudence consacre désormais, sous le
respect de certaines limites, le principe d'arbitrabilité d'un litige
même en présence d'ordre public (A). En outre, les litiges
purement contractuels, du fait d'un traitement conventionnel des
difficultés des entreprises, sont eux aussi arbitrables (B).
A - Consécration de l'arbitrabilité des
procédures collectives
58. Les procédures collectives bien qu'empreintes
d'ordre public peuvent faire l'objet d'un arbitrage (1°). Il en
résulte un reconnaissance de la compétence des arbitres (B) pour
trancher d'un litige portant sur une procédure collective (2°).
1° La seule présence d'ordre public ne
suffit pas à faire obstacle à l'arbitrabilité d'un
litige
59. Malgré l'attribution exclusive de
compétence au profit des juridictions étatiques, Ç les
arbitres peuvent se prononcer sur des litiges qui mettent en cause les
règles du droit des procédures collectives1 È.
L'arbitre n'est donc pas automatiquement incompétent du seul fait qu'un
litige porte sur une procédure collective.
Selon Monsieur Caprasse, le fait qu'une matière se
rattache à l'ordre public ne signifie pas pour autant que toutes les
règles qui la composent soient d'ordre public2. Ce qui
justifie l'assouplissement de l'appréciation de l'arbitrabilité.
Il n'en reste pas moins que les procédures collectives contiennent une
part irréductible d'ordre public.
60. Cette évolution de l'arbitrabilité a
été consacrée pour la première fois dans un
arrêt Tissot en date du 29 novembre 19503. La Cour de
Cassation affirme Ç que la nullité du compromis ne découle
pas de ce que le litige touche à des questions d'ordre public, mais
uniquement du fait que l'ordre
1 P. Fouchard, E. Gaillard, B. Goldman, Traité de
l'arbitrage commercial international, Litec, 1996, p. 359.
2 O. Caprasse, op cit.
3 Cass., 29 novembre 1950 - Tissot -D. 1951, p. 170.
public a été violé È. Cette
jurisprudence selon laquelle l'ordre public n'écarte plus
nécessairement l'arbitrabilité est devenue constante1.
Le Professeur Jean-Baptiste Racine en conclut que l'article 2060 du Code Civil
<< ne correspond plus à aucune réalité È et
prone purement et simplement son abrogation. Cette solution radicale semble
susciter l'approbation de la doctrine mais il n'en reste pas moins que
l'article 2060 du Code civil est toujours en vigueur. Aussi faut-il
délimiter la compétence de l'arbitre en présence d'ordre
public.
2° Compétence de l'arbitre en présence
d'ordre public
61. L'arbitre peut retenir sa compétence sur un litige
portant sur une procédure collective pourtant marquée par l'ordre
public. Néanmoins, il ne doit pas méconna»tre l'ordre public
et statuer contre les règles impératives. Mais le Professeur
Jean-Baptiste Racine considère que cette obligation de respecter l'ordre
public ne résulte pas de l'article 2060 du Code civil mais de l'article
6 du même Code2.
En outre, l'arbitre peut lui même faire application de
l'ordre public à la cause arbitrée. Et dès lors que la
mission de l'arbitre est licite, il a le pouvoir de sanctionner la violation
à l'ordre public3. Quant aux parties, si elles violent
l'ordre public, la convention est nulle et par conséquent le litige est
inarbitrable.
Cette évolution de l'appréciation de
l'arbitrabilité révèle une reconnaissance de l'arbitrage
par la justice étatique qui accepte d'ouvrir le champ de
compétence de l'arbitre dans le domaine des procédures
collectives. Elle traduit une acceptation croissante de l'arbitrage dont il
résulte une augmentation sensible du nombre de sentences concernant une
procédure collective. Mais cet assentiment des Etats envers les arbitres
doit avoir pour contre-partie le respect des règles d'ordre public.
B - L'arbitrabilité du traitement conventionnel des
difficultés des entreprises
62. Peuvent faire l'objet d'un arbitrage les litiges purement
contractuels même s'ils sont liés à une procédure
collective (1°), de même que les litiges portant non pas sur une
procédure collective judiciaire mais sur un traitement conventionnel des
entreprises en difficulté (2°).
1 CA Paris, 19 mai 1993, sté Labinal c/ stés Mors
et Westland Aerospace,<< l'arbitrabilité d'un litige n'est pas
exclue du seul fait qu'une réglementation d'ordre public est applicable
au rapport de droit litigieux È
CA Paris, 16 février 1989, Sté Almira Films c/
Pierrel, ès qualités.
Cass. Com., 14 janvier 2004 - Sté
Prodim et autres c/ Sté Evolys - n°02-15.541, Bull., 2004,
IV,n° 10, p. 12.
2 Article 6 Code Civil : << On ne peut déroger, par
des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre
public et les bonnes mÏurs È.
3 << L'arbitre doit appliquer l'ordre public, voire
sanctionner sa violation È, O. Caprasse, op cit.
1° Les litiges purement contractuels peuvent faire
l'objet d'un arbitrage
63. Tous les litiges d'ordre contractuel, nés entre le
débiteur et les tiers, qui ne trouvent pas leur origine dans
l'application d'une règle propre à la procédure collective
sont arbitrables1. En effet, le litige d'origine purement
contractuel, même s'il est lié à la procédure
collective, ne relève pas de la compétence exclusive des
tribunaux étatiques. Sont par exemple arbitrables les demandes en
paiement d'une somme d'argent ou les actions en résolution du contrat
conclues avant l'ouverture d'une procédure collective2.
2° Arbitrage du traitement conventionnel des
entreprises en difficulté
64. L'évolution des procédures collectives
montre une volonté du législateur de prendre en compte les
difficultés des entrepreneurs le plus en amont possible afin d'optimiser
leurs chances de redressement. Aussi le Professeur Dominique Vidal distingue
selon que la procédure collective est ouverte alors que l'entreprise est
ou non en cessation de paiement. En l'absence de cessation de paiement,
<< un traitement conventionnel est possible et ce mode de traitement est
cohérent avec un arbitrage car ils ont tous deux un fondement
contractuel3 È. Ainsi, on peut considérer que tout
litige sur un accord amiable ou une conciliation, dans le but de mettre fin aux
difficultés de l'entreprise, peut faire l'objet d'un arbitrage. Mais il
ne s'agit pas à proprement parler de procédures collectives.
Reste que les procédures collectives de sauvegarde ou de redressement
judiciaire sont ouvertes en l'absence de cessation de paiement mais cela ne
suffit pas à justifier leur arbitrabilité car elles ne sont pas
constitutives d'un traitement conventionnel des entreprises en
difficulté.
§ 2 Délimitation de l'arbitrabilité
des procédures collectives
65. Si la seule présence d'ordre public ne suffit pas
à rendre un litige inarbitrable, il n'en reste pas moins que certains
litiges demeurent inarbitrables en raison de leur nature ou du fait de
l'influence juridique des procédures collectives (A). Par
conséquent, un litige est arbitrable même si une procédure
collective est ouverte dès lors qu'il ne trouve pas son origine directe
dans la procédure collective (B).
1 P. Ancel, <<Arbitrage et procédures collectives
après la loi du 25 janvier 1985 È, Rev. arb. 1987, p. 127-132.
2 J-B Racine, op. cit.
3 D.Vidal, Procédures collectives et procédures
d'arbitrage : quelle rencontre ?, Gaz. Pal. 31 octobre 2009, n° 304, p.
3.
A - Litiges exclus de l'arbitrage en raison de leur
nature ou de l'impact des procedures collectives
66. L'inarbitrabilité du fait de la seule présence
d'ordre public reste néanmoins pertinente dans les matières qui
sont inarbitrables par nature1. Ainsi, on peut considérer que
certaines matières sont intrinsèquement inarbitrables car le
Professeur Dominique Vidal rappelle que s'impose parfois une Ç
constatation d'inarbitrabilité générale et
absolue2 È inhérente à la matière.
L'arbitre est incompétent dès lors que le recours à
l'arbitrage risque d'affecter les intérêts des tiers. On distingue
deux types de litiges qui relèvent exclusivement du juge étatique
: Ç les litiges nés de la procédure collective et ceux sur
lesquels la procédure collective exerce une influence juridique
È3.
67. Concrètement, l'arbitre ne peut pas appliquer une
règle spécifique aux procédures collectives car cette
compétence est attribuée exclusivement aux juridictions
étatiques, ainsi il ne peut pas se prononcer sur l'ouverture d'une
procédure collective. Dans cette conception, Ç
l'inarbitrabilité d'un litige ne tient donc pas à l'intervention
de l'ordre public mais à la réservation expresse d'un contentieux
à une juridiction étatique4 È.
Le Professeur Jean-Baptiste Racine5
détaille le domaine d'incompétence de l'arbitre dès lors
qu'un litige est né de la procédure collective. Car l'arbitre ne
peut pas appliquer une règle spécifique à la faillite.
Ainsi, il ne peut pas se prononcer sur l'ouverture d'une procédure
collective, ni annuler les actes passés pendant la période
suspecte, ni se prononcer sur la qualification ou la nature de la
créance. Le litige est donc inarbitrable par nature parce qu'il porte
sur une règle ou une situation qui appara»t du fait de la
procédure collective. Il doit donc être
déféré devant la juridiction compétente. Il en est
de même pour les litiges sur lesquels la procédure collective a
des répercussions importantes.
68. En effet, les litiges sur lesquels la procédure
collective exerce une influence juridique sont inarbitrables. Cela correspond
aux contestations qui ne seraient pas survenues si le débiteur n'avait
pas été soumis à une procédure
collective6. L'inarbitrabilité est donc étroitement
liée aux difficultés traitées par la procédure
collective.
Certains litiges sont donc inarbitrables du fait de leur
nature, d'autres en raison de l'impact des procédure collectives. Dans
ce cas, il convient d'examiner l'influence de l'ordre public des
procédures collectives sur le litige afin de déterminer s'il est
ou non arbitrable.
1 D. Vidal, Droit francais de l'arbitrage commercial
international, Gualino, 2004, p. 75 et s.
2 D. Vidal, op. cit.
3 J-B Racine, op. cit.
4 Ph. Fouchard, ÇArbitrage et faillite È, Rev. arb.
1998, p. 471 et s.
5 J-B. Racine, L'arbitrage commercial international et l'ordre
public, LGDJ 1999, p. 111 et s.
6 En ce sens, J-B. Racine, op. cit., p 114.
B - L'arbitrabilité des litiges ne trouvant pas
leur origine directe dans la procédure collective
69. En réalité, l'article 2060 du Code Civil,
interdisant l'arbitrage en présence d'ordre public, est appliqué
avec discernement selon le cas d'espèce. De sorte que, tantôt
l'ordre public n'écarte pas l'arbitrabilité du litige,
tantôt la portée de la règle impérative sur la
situation du litige est telle que le litige est inarbitrable. Il convient de
faire un examen au cas par cas afin de déterminer si l'ordre public des
procédures collectives s'oppose à ce que l'arbitre connaisse du
litige. Mais dès lors que le litige ne trouve pas sa source dans
l'application d'une règle des procédures collectives, il est
arbitrable1. Néanmoins, le litige arbitrable sera
subordonné au respect des règles d'ordre public des
procédures collectives2.
70. La question de l'arbitrabilité du litige peut
être soulevée soit par la partie qui l'invoque, soit par le
tribunal arbitral lui même. Dans le cadre d'un arbitrage international,
l'arbitre peut soulever d'office la question de l'arbitrabilité mais la
difficulté réside dans le fait de savoir, en fonction de quelle
loi l'arbitre devra déterminer si le litige est ou non arbitrable. En
effet, les règles d'inarbitrabilité d'un litige lié
à une procédure collective vu précédemment
correspondent à une conception française. Mais il se peut que la
question de l'arbitrabilité se pose en raison de l'ouverture d'une
faillite contre la partie à la convention d'arbitrage dans un pays
étranger.
71. En principe, l'arbitre doit statuer sur
l'arbitrabilité du litige en fonction de la loi applicable à la
convention d'arbitrage3. Mais il se peut que la convention
d'arbitrage ne prévoit pas l'application d'une loi étatique.
Aussi, le Professeur Bernard Hanotiau avance que l'arbitre statuera sur
l'arbitrabilité du litige par référence à l'ordre
public international du lieu du siège de l'arbitrage4. Ainsi,
si le tribunal arbitral est saisi en France, même si la procédure
collective a été ouverte à l'étranger, le litige
est inarbitrable dès lors qu'il est né de la procédure ou
que celle-ci exerce sur lui une grande influence juridique.
En outre, dans le cadre d'un arbitrage international, il est
fort probable que l'arbitre statue sur l'arbitrabilité du litige en
prenant également en compte les règles d'ordre public
international du lieu de l'exécution de la sentence5.
1 En ce sens, B. Hanotiau, << La loi applicable par
l'arbitre en cas de faillite d'une des parties à la procédure
>>, Rev. droit. aff. Int. 1996, p. 32.
2 infra Titre 1, Chapitre 2.
3 Art II (1)Convention de New-York: << 1. Each Contracting
State shall recognize an agreement in writing under which the parties undertake
to submit to arbitration (...) in respect of a defined legal
relationship>>
Art VI (2) Convention de Genève du 21 avril 1961:
<< Quand ils auront à se prononcer sur l'existence ou la
validité d'une convention d'arbitrage, les tribunaux des Etats
contractants statueront en ce qui concerne la capacité des parties,
selon la loi qui leur est applicable et en ce qui concerne les autres questions
: selon la loi à laquelle les parties ont soumis la convention
d'arbitrage >>.
4 B. Hanotiau, op. cit., p. 33.
5 V.B. Hanotiau, op. cit., p 33 et s.
Section 2 : La concomitance des procédures
collectives et des procédures arbitrales
72. Une procédure arbitrale et une procédure
collective peuvent être << menées en
parallèle1 È. Cette expression semble avoir
interpellé le Professeur Dominique Vidal qui précise qu'en
réalité, ces deux procédures se rencontrent2.
En effet, lorsque ces deux procédures se déroulent
concomitamment, elles ne se méconnaissent pas. Il convient d'examiner
leurs effets selon un critère chronologique, car les incidences d'une
procédure collective sont différentes selon que l'instance
arbitrale lui est antérieure (Sous-section 1) ou postérieure.
Dans ce second cas, seront étudiées les conditions dans
lesquelles une instance arbitrale peut être ouverte alors qu'une
procédure collective est en cours (Sous section 2).
Dans ces deux hypothèses, la procédure
collective perturbera l'instance arbitrale en cours ou à venir. Mais
l'inverse n'est pas vrai, c'est pourquoi Phillipe Fouchard parle de
<<relation juridique à sens unique3 È.
Sous-section 1 : Les effets de l'ouverture d'une
procédure collective en cours d'arbitrage
73. Le cas oü la procédure arbitrale est en cours
lorsque survient une procédure collective est le plus fréquent.
Les effets de l'ouverture d'une procédure collective sur l'arbitrage
illustrent bien la prédominance de cette première
procédure, car bien que l'arbitrage se maintienne (1), la
procédure collective interrompt temporairement l'instance arbitrale
(2).
§ 1 Le maintien de l'arbitrage antérieur
à l'ouverture d'une procédure collective
74. Il convient d'examiner le maintien de l'arbitrage en
présence des différentes procédures collectives afin d'en
comprendre les motivations (A) puis de s'attarder sur la question du point de
départ de la sentence arbitrale (B) qui sera déterminante du
maintien de l'arbitrage.
A - Le maintien justifié de l'arbitrage 1
Principe
75. Une partie à un arbitrage peut en cours d'instance
arbitrale être soumise à une procédure collective. Dans ce
cas, bien que la procédure collective soit impérialiste, elle ne
met pas fin à l'arbitrage et l'arbitre pourra tout de même rendre
sa sentence. Cette solution est valable, quelque
1 D. Mouralis, L'arbitrage face aux procédures conduites
en parallèle, thèse Aix, 2008, p. 389 et s.
2 << Drôles de parallèles puisqu'il advient en
pratique que les deux procédures se rencontrent È, D.Vidal, Gaz.
Pal., op. cit.
3 Ph. Fouchard, <<Arbitrage et faillite È, Rev. arb.
1998, p. 473.
soit la procédure collective ouverte : procédure de
sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires.
76. L'article L 632-1 du Code de Commerce1
énumère les actes qui sont nuls dès lors qu'ils sont
intervenus à compter de la date de cessation de paiement. Cette liste
est exhaustive et la convention d'arbitrage n'en fait pas partie. Par
conséquent, la convention d'arbitrage valablement passée avant
l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation
judiciaires doit être respectée.
En outre, le Professeur Pascal Ancel souligne qu'elle doit
être prise en compte par les différents organes de la
procédure2. Car elle est opposable à l'administrateur
judiciaire, au mandataire judiciaire ou au liquidateur, au débiteur
lui-même ainsi qu'aux créanciers, voire à un repreneur (si
la clause compromissoire est contenue dans un contrat nécessaire
à l'activité et si le juge ordonne son maintien lors de la
cession de l'entreprise).
De plus, l'arbitre peut valablement rendre sa sentence quelque
soit la procédure collective ouverte en cours d'instance, même en
l'absence de cessation de paiement. Ainsi, la procédure arbitrale sera
maintenue malgré l'ouverture d'une procédure de sauvegarde contre
une partie. En effet, quelle que soit la procédure collective ouverte,
le Professeur Phillipe Fouchard considère que << la clause
compromissoire est un acte de gestion normale en matière commerciale et
doit être respectée3 È. Par conséquent,
l'ouverture d'une procédure collective, caractérisée ou
non par une cessation de paiement du débiteur, n'anéantit pas la
procédure arbitrale en cours.
La jurisprudence étatique4 et nombre de
sentences arbitrales5 vont dans ce sens, puisqu'elles rappellent
de manière constante que la convention d'arbitrage survit à
l'ouverture d'une procédure
1 L 632-1
C. Com : I. - Sont nuls, lorsqu'ils sont
intervenus depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants :
1° Tousles actes à titre gratuit translatifs de
propriété mobilière ou immobilière ;
2° Tout contrat commutatif dans lequel les obligations du
débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie ; 3°
Tout paiement, quel qu'en ait été le mode, pour dettes non
échues au jour du paiement ;
4° Tout paiement pour dettes échues, fait
autrement qu'en espèces, effets de commerce, virements, bordereaux de
cession visés par la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le
crédit aux entreprises ou tout autre mode de paiement communément
admis dans les relations d'affaires ;
5° Tout dépôt et toute consignation de sommes
effectués en application de l'article 2075-1 du code civil (1), à
défaut d'une décision de justice ayant acquis force de chose
jugée ;
6° Toute hypothèque conventionnelle, toute
hypothèque judiciaire ainsi que l'hypothèque légale des
époux et tout droit de nantissement ou de gage constitués sur les
biens du débiteur pour dettes antérieurement contractées
;
7° Toute mesure conservatoire, à moins que
l'inscription ou l'acte de saisie ne soit antérieur à la date de
cessation de paiement ;
8° Toute autorisation, levée et revente d'options
définies aux articles L. 225-177 et suivants du présent code;
9° Tout transfert de biens ou de droits dans un patrimoine
fiduciaire en application des articles 2011 et suivants du code civil.
II. - Le tribunal peut, en outre, annuler les actes à
titre gratuit visés au 1° du I faits dans les six mois
précédant la date de cessation des paiements.
2 P. Ancel, <<Arbitrage et procédures collectives
après la loi du 25 janvier 1985 È, Rev. arb. 1987, p. 130 et
s.
3 Ph. Fouchard, <<Arbitrage et faillite È, Rev. arb.
1998, p. 486 et p. 487, n° 35.
4
Cass. com, 10 janvier 1984,
n°83-10066, Rev. arb. 1984, p. 492.
5 CCI, n° 6057 de 1991 << le tribunal arbitral
constate que quel qu'en soit le stade actuel, la liquidation de l'entreprise ne
saurait le dispenser de rendre sa sentence È.
collective et reste opposable à ses différents
acteurs.
Cette solution tient compte de la volonté des parties
exprimée avant l'ouverture d'une procédure collective. Elle
traduit en outre une reconnaissance de l'institution arbitrale par les pouvoirs
publics, mais cette acceptation de la poursuite de l'instance arbitrale
conna»t néanmoins des limites.
2° Limites
77. Les litiges qui ne trouvent pas leur source dans un
contrat mais << dans des règles propres à la
procédure1 È ne pourront pas être soumis aux
arbitres car ils sont inarbitrables. Il s'agit en l'espèce des litiges
inarbitrables en raison de leur nature, évoqués
précédemment2, ainsi que les litiges sur lesquels la
procédure collective exerce une influence juridique3. Par
conséquent, le fait qu'une instance arbitrale soit déjà
ouverte ne permet pas davantage aux arbitres de conna»tre des litiges qui
sont inarbitrables.
78. En outre, si l'arbitrage antérieur à une
procédure collective jouit d'une reconnaissance et reste opposable,
l'exécution de l'arbitrage peut être affectée par
l'ouverture soudaine d'une procédure collective. En effet, une
disposition légale4 prévoit l'interruption temporaire
de l'arbitrage en cours, dès lors qu'une procédure collective est
ouverte. Mais avant d'examiner les conditions et les effets de cette
interruption5, il convient de fixer le point de départ de
l'instance arbitrale afin de déterminer les règles à
mettre en oeuvre. Car l'interruption de l'arbitrage est une règle
légale qui bien entendu ne s'applique que dans le cas oü
l'arbitrage est antérieur à l'ouverture d'une procédure
collective.
B - Le point de depart de l'instance arbitrale
79. La détermination du point de départ de
l'instance arbitrale est essentielle afin de déterminer si elle est ou
non préalable à l'ouverture d'une procédure collective.
Pourtant, cette appréciation a longtemps fait l'objet de
désaccords de la doctrine. Et les hésitations de la jurisprudence
mettent en exergue ces difficultés d'interprétations.
Dans un arrêt en date du 30 mars 1999, la Cour de Paris
considère que l'instance arbitrale est en
1 P. Ancel, <<Arbitrage et procédures collectives
après la loi du 25 janvier 1985 È, Rev. arb. 1987, p. 131.
2 cf supra, Titre 1, Chapitre 1, Section 1, Sous-section
2, §2, A.
3 cf supra, Titre 1, Chapitre 1, Section 1, Sous-section
2, §2, A.
4 Art L 622-21 (I)
C. Com. : << I.-Le jugement d'ouverture
interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les
créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de
l'article L 622-17 et tendant : à la condamnation du débiteur au
paiement d'une somme d'argent ;à la résolution d'un contrat pour
défaut de paiement d'une somme d'argent È.
5 cf supra, Titre 1, Chapitre 1, Section 2, Sous-section
1, §2.
cours dès lors que la demande d'arbitrage a
été faite par une des parties avant l'ouverture de la
procédure collective. Par conséquent, le point de départ
de l'instance arbitrale est fixé à la date d'introduction de la
procédure arbitrale - qui est précisée être, en
l'espèce, la date de << réception de la demande1
È et non la date à laquelle les arbitres acceptent leur mission.
Le Professeur Eric Loquin approuve cette solution et souligne qu'elle permet de
distinguer << le lien d'instance de l'existence de la juridiction
arbitrale2 È. La constitution du tribunal arbitral est le
résultat de la requête d'arbitrage. Mais cette demande d'arbitrage
ouvre d'ores et déjà, avant même l'existence de la
juridiction arbitrale, l'instance arbitrale. Et ce, par le seul fait que la
demande d'arbitrage suffit à définir << l'objet du litige
et sa cause3 È. Cette interprétation a pour effet de
conférer aux parties le choix quant au point de départ de
l'instance arbitrale et d'aucuns s'interrogent sur l'opportunité d'une
telle solution4.
80. Mais cette solution n'est plus d'actualité. En
effet, la Cour de cassation dans un arrêt du 30 mars 2004 a mis <<
fin aux incertitudes5 È subsistantes et considère
désormais que << l'instance arbitrale est en cours à partir
du jour oü le tribunal est définitivement constitué, c'est
à dire à partir de l'acceptation par tous les arbitres de leur
mission6 È. Il en résulte qu'il n'est plus fait
référence à la date de saisine des arbitres mais seulement
à la constitution du tribunal arbitral, qui n'est parfaite que si les
arbitres ont accepté leur mission, conformément à
l'article 1452 du nouveau Code de procédure civile7.
Néanmoins, certains auteurs continuent de
considérer que l'introduction de l'instance provoque la constitution du
tribunal arbitral, faisant ainsi coincider le début de l'instance
à la demande d'arbitrage par l'une des parties8.
On peut cependant soutenir, comme nombre d'auteurs, qu'il
résulte de cet arrêt que : << la saisine du tribunal
arbitral, la constitution de ce dernier et l'acceptation de leur mission par
les arbitres È sont trois événements <<
fusionnés dans un temps unique9 È. Il n'en reste pas
moins que le critère déterminant du point de départ de
l'instance arbitrale est l'acceptation de leur mission par les arbitres. Mais
l'on considère que cette date correspond également à la
saisine et à la constitution du
1 Cour d'appel de Paris, 30 mars 1999, Consorts de Coninck c/ M.
Zanzi et société Torelli ès qual., Rev. arb. 2003, p.
207.
2 E. Loquin, RTD Com 1999, p. 650.
3 E. Loquin, op. cit.
4 En ce sens, Ph. Fouchard, Rev. arb. 2003, p. 207.
5 T. Clay, D. 2004, p. 3184.
6 Cass. 1re civ., 30 mars 2004 - Rambour ès qual. Eta. c/
Sté Frabaltex - n° 01-11.951, Bul. Civ. 2004, I, n° 98, p.
79.
7 Art 1452 NCPC : La constitution du tribunal arbitral n'est
parfaite que si le ou les arbitres acceptent la mission qui leur est
confiée. L'arbitre qui suppose en sa personne une cause de
récusation doit en informer les parties. En ce cas, il ne peut accepter
sa mission qu'avec l'accord de ces parties.
8 Conformément à la thèse de P. Fouchard, E.
Gaillard, B. Goldman, op. cit., n° 1211 et 1225.
9 T. Clay, D. 2004, p. 3183.
En ce sens, J. Vallasan, Act. proc. coll. 2004, n° 112,
<< il doit y avoir assimilation entre la saisine de l'arbitre et sa mise
en place È.
tribunal arbitral. Ainsi, la saisine des arbitres n'est effective
que lorsqu'ils acceptent leur mission et cette acceptation entra»ne
simultanément l'ouverture du tribunal arbitral.
81. Reste la question de savoir s'il est possible de
déroger à cette solution en Ç reportant
conventionnellement le point de départ du délai
d'arbitrage1 È. Car si tel est le cas, cela revient à
conserver la solution de la Cour d'appel de Paris du 30 mars 1999. Cependant,
il semble difficile de maintenir la distinction entre le début de
l'instance et la constitution du tribunal arbitral, même par
dérogation, car la Haute juridiction considère désormais
de façon constante2 que le tribunal arbitral ne peut
conna»tre d'une affaire que s'il est définitivement
constitué. Ce qui n'est le cas que lorsque les arbitres ont
accepté leur mission et la jurisprudence3 affirme qu'il n'est
pas possible d'y déroger.
§ 2 Interruption temporaire de l'arbitrage
antérieur à la procédure collective
82. Lorsqu'une convention d'arbitrage est conclue avant
l'ouverture d'une procédure collective, c'est à dire lorsque
l'ouverture d'une procédure collective intervient après
l'acceptation par les arbitres de leur mission : le déroulement de
l'instance arbitrale se poursuit et est opposable au juge étatique. Mais
la procédure arbitrale est temporairement contrariée par la
règle de l'arrêt des poursuites individuelles. Cette règle
d'ordre public interrompt, dans certaines conditions, l'arbitrage (A). Mais
l'inverse n'est pas vrai, de sorte qu'il en résulte que seule une
procédure collective a des effets sur l'arbitrage. L'arbitrage ne
perturbant pas quant à lui l'ouverture d'une procédure
collective. Aussi convient-il d'examiner les conséquences
unilatérales de l'ouverture d'une procédure collective sur une
instance arbitrale en cours, via l'examen des objectifs de cette interruption
et de ses délais (B).
A - Les cas d'interruption de l'instance arbitrale
83. L'instance arbitrale en cours est interrompue, soit parce
que le débiteur à la procédure collective est dessaisi de
ses pouvoirs ou assisté dans sa gestion (1°), soit parce que
l'action des créanciers de la procédure collective à
l'instance arbitrale tend au paiement d'une somme d'argent ou à la
résolution du contrat pour défaut de paiement d'une somme
d'argent (2°).
1 T. Clay, op. cit.
2 Cass. Civ. 1re, 25 avril 2006 - Sté SCF c/ Sté
Chays Frères - n°05-13.749, Bull. civ. 2006, I, n° 197, p.
173.
3 En ce sens, Cass. 1re civ., 30 mars 2004 - Rambour ès
qual. Eta. c/ Sté Frabaltex - n° 01-11.951, Bul. Civ. 2004, I,
n° 98, p. 79; D. 2004, p. 1425.
Cass. Civ. 1re, 25 avril 2006 - Sté SCF c/ Sté
Chays Frères - n°05-13.749, Bull. civ. 2006, I, n° 197, p.
173., G. Chabot, LPA, 27 juin 2006, n° 127, p. 18.
1 Interruption de l'instance arbitrale en cours, en
fonction de la situation du débiteur de la procédure
collective
84. L'article 1465 du nouveau Code de procédure civile
régissant l'instance arbitrale renvoie aux dispositions des articles 369
du même code. Dans le cadre d'une procédure de redressement ou de
liquidation judiciaires, l'article 369 du nouveau Code de procédure
civile1 prévoit l'interruption de l'instance, de sorte que
l'instance arbitrale en cours est interrompue dès lors que le
redressement ou la liquidation judiciaires emportent assistance ou
dessaisissement du débiteur.
85. L'interruption ne vise que Ç les instances
relatives à des droits patrimoniaux du débiteur2
È tel est le cas de la procédure d'arbitrage. Par
conséquent, l'instance arbitrale est interrompue dès lors que le
débiteur a besoin d'être assisté ou
représenté, ce qui est toujours le cas dans le cadre d'une
liquidation judiciaire Ç qui emporte de plein droit, à partir de
sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la
disposition de ses biens3 È. Le redressement judiciaire peut
quant à lui entra»ner l'assistance ou la représentation du
débiteur4, par un administrateur, afin d'assurer la gestion
de l'entreprise. Cette assistance interrompt donc l'instance arbitrale en
cours.
86. La procédure de sauvegarde n'entra»ne pas
quant à elle dessaisissement du débiteur ; et la nomination d'un
administrateur pour surveiller ou assister le débiteur étant
facultative, on peut s'interroger sur le point de savoir si elle interrompt
aussi l'instance arbitrale en cours. Monsieur Denis Mouralis avance prudemment
une réponse positive5. En ce sens, on peut concevoir la
procédure de sauvegarde comme une procédure d'assistance du
débiteur, même en l'absence d'administrateur. En effet, la
procédure de sauvegarde a pour but de parer au plus tTMt aux
difficultés du débiteur, il s'agit donc d'une procédure
d'aide, d'assistance. Et à ce titre, on peut considérer qu'elle
suspend l'instance arbitrale conformément à l'article 369 du
nouveau Code de procédure civile.
1 Art 369 NCPC Ç L'instance est interrompue par : la
majorité d'une partie ; la cessation de fonctions de l'avocat ou de
l'avoué lorsque la représentation est obligatoire ; l'effet du
jugement qui prononce le règlement judiciaire ou la liquidation des
biens dans les causes oii il emporte assistance ou dessaisissement du
débiteur È.
2 D. Mouralis, L'arbitrage face aux procédures conduites
en parallèle, thèse Aix, 2008, p. 394.
En ce sens, N. Fricerao, J-Cl-Pr. Civ., p.678, n°19.
3 Art 641-9
C. Com.
4 Art 631-12
C. Com.
5 D. Mouralis, op. cit, p. 395, Ç L'article 369 du Code de
procédure civile (...) s'applique certainement à la
procédure de sauvegarde, dans la mesure oii elle emporte assistance du
débiteur È.
2° Interruption de l'instance arbitrale en cours, en
fonction de la nature de l'action des créanciers de la procédure
collective
87. En procédure de sauvegarde, l'article L 622-21 (I) du
Code de commerce dispose << I.-Le jugement d'ouverture interrompt [...]
toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la
créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et
tendant : à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme
d'argent ; à la résolution d'un contrat pour défaut de
paiement d'une somme d'argent >>. Cette << action en
justice>> inclut l'arbitrage, en tant que procédure
juridictionnelle. Les articles L 631-141 et L 641-32 du
Code de commerce attribuent les mêmes effets au jugement ouvrant une
procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, par renvoie
à l'article L 622-21 du Code de commerce. Ainsi, en vertu de la
règle de l'arrêt des poursuites individuelles, l'instance
arbitrale en cours est interrompue chaque fois que la demande soumise aux
arbitres tendra au paiement d'une somme d'argent par le débiteur ou
à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement du
débiteur3.
88. Notons que l'instance arbitrale n'est pas interrompue
dans l'hypothèse oü la procédure collective est ouverte
contre un tiers à l'arbitrage car elle n'a aucune incidence sur
l'instance arbitrale. Cette hypothèse est dite <<
neutre4 >> car le respect du principe d'égalité
des créanciers n'implique pas, dans ce cas uniquement, d'interrompre
l'instance arbitrale.
B - Objectifs et délai de l'interruption de
l'instance arbitrale
89. L'objectif de l'interruption de l'instance arbitrale en
cours, en cas d'ouverture d'une procédure collective, est donc double.
D'une part, l'interruption permet à l'organe compétent
chargé de surveiller, d'assister ou de représenter le
débiteur, d'être présent à l'instance
arbitrale5. D'autre part, elle impose aux créanciers de
déclarer leurs créances << ce qui permet de conna»tre
le passif du débiteur et de traiter tous les créanciers à
égalité6 >> mais aussi de défendre les
intérêts du débiteur de façon appropriée.
90. En outre, dès lors que l'instance arbitrale est en
cours lors de l'ouverture de la procédure collective, et si les
conditions précitées sont remplies, l'instance arbitrale doit
être suspendue mais
1 Art L 631-14 al1
C. Com: << Les articles L. 622-3
à L. 622-9, à l'exception de l'article L. 622-6-1, et L. 622-13
à L. 622-33 sont applicables à la procédure de
redressement judiciaire, sous réserve des dispositions qui suivent
>>.
2 Art L 641-3 al1
C. Com : << Le jugement qui ouvre la
liquidation judiciaire a les mêmes effets que ceux qui sont prévus
en cas de sauvegarde par les premier et troisième alinéas du I et
par le III de l'article L. 622-7, par les articles L. 622-21 et L. 622-22, par
la première phrase de l'article L. 622-28 et par l'article L. 622-30
>>.
3 P. Ancel, <<Arbitrage et procédures collectives
après la loi du 25 janvier 1985 >>, Rev. arb. 1987, p. 131.
4 D. Mouralis, L'arbitrage face aux procédures conduites
en parallèle, thèse Aix, 2008, p. 399.
5 On peut y voir, outre la prédominance des
procédure collectives qui interrompt l'instance arbitrale et permet
à certains organes de la procédure collective d'être
présent, un prémisse de coordination entre procédures
collectives et arbitrales.
6 D. Mouralis, op. cit.
seulement jusqu'à ce que le créancier ait
déclaré sa créance et qu'il en soit justifié aux
arbitres1. L'instance pourra reprendre immédiatement
après cette déclaration mais le tribunal arbitral ne pourra
statuer que sur le principe et le montant de la créance, sans pouvoir
condamner le débiteur. Cette interdiction consacrée par la
jurisprudence2, garantie le respect des objectifs de la
procédure collective, à savoir : tenter de sauvegarder
l'entreprise et traiter égalitairement les créanciers. Or si le
débiteur était condamné par l'arbitre à payer sa
dette, on méconna»trait le principe d'égalité des
créanciers.
91. On peut conclure que la paralysie de l'instance arbitrale
du fait de l'ouverture d'une procédure collective, même si elle
est limitée dans le temps, met en avant la primauté des
procédures collectives sur l'arbitrage en cours.
Mais il y a des cas oü la prédominance des
procédures collectives va encore plus loin. Elles ne se contentent pas
d'interrompre l'instance arbitrale, elles rendent le prononcé d'une
sentence impossible. Ainsi, une sentence3 a considéré
que l'ouverture d'une procédure collective réduisait à
néant l'objet de l'arbitrage contre une partie. En l'espèce, une
partie à un pacte d'actionnaires comportant une clause d'arbitrage est
contrainte, du fait de l'ouverture d'une procédure collective, de
céder ses actions et de mettre fin à sa participation au pacte.
Elle n'est donc plus partie au pacte et de ce fait, elle n'est plus partie non
plus à la convention d'arbitrage. Par conséquent, elle ne peut en
aucun cas faire l'objet d'une condamnation arbitrale.
Sous-section 2 : Les possibilités d'ouvrir une
instance arbitrale en cours de procédures collectives
encadrées
92. Lorsqu'une procédure collective est ouverte,
l'ouverture d'une instance arbitrale pose des difficultés. En effet, il
est en principe légalement impossible d'ouvrir une instance arbitrale en
cours de procédure collective, mais cette interdiction conna»t
néanmoins des dérogations. Aussi, convient-il d'examiner deux
hypothèses oü, au cours d'une procédure collective, est
manifestée la volonté d'ouvrir une instance arbitrale. Ainsi, les
organes de la procédure collective peuvent revendiquer leur
faculté de compromettre (1). Mais il se peut également qu'une
convention d'arbitrage conclue entre les parties existe préalablement
à l'ouverture d'une procédure collective. Dans ce cas, les
parties peuvent faire valoir, postérieurement à l'ouverture d'une
procédure collective, leur accord contractuel antérieur afin
d'obtenir l'ouverture d'une instance arbitrale (2). Il convient donc d'examiner
successivement les effets de la procédure collective dans ces deux
situations.
1 En ce sens, Ph. Fouchard, ÇArbitrage et faillite
È, Rev. arb. 1998, p. 488 et s.
2 Sentence CCI n° 7205, 1993, JDI 1993, p. 1054.
3 Sentence CCI, n°12452.
§ 1 La volonté des organes de la
procédure collective de compromettre en cours de procédure
collective
93. En principe, le Code de commerce interdit l'ouverture
d'une instance arbitrale en cours de procédure collective. Il en
résulte, pour les organes de la procédure collective, une
interdiction légale de compromettre en cours de procédure. Mais
cette interdiction est affaiblie (A). En effet, lorsqu'une procédure
collective est ouverte, les acteurs de cette procédure peuvent
manifester leur volonté de compromettre sur un litige qui ne serait pas
inarbitrable1. Mais cela ne signifie pas pour autant qu'ils aient
systématiquement la possibilité de compromettre.
Néanmoins, il existe une mesure d'habilitation du juge commissaire (B)
qui élargit considérablement la possibilité des organes de
la procédure collective de compromettre.
A - Interdiction légale de compromettre en cours de
procédure collective affaiblie
94. L'impossibilité de principe des organes de la
procédure collective de compromettre pendant le déroulement de la
procédure se justifie (1°) du fait de l'existence d'une disposition
légale mais aussi par la nature même de l'acte qui tend à
saisir l'institution arbitrale. Cependant, cette interdiction légale de
compromettre conna»t des limites (2°) qui tiennent à la
possibilité d'arbitrer certains litiges malgré l'ouverture d'une
procédure collective. Il en résulte une faculté de
compromettre sur les litiges qui ne relèvent pas de la compétence
exclusive des juridictions étatiques. Mais cette faculté sera
elle-même limitée par l'impossibilité faite au
débiteur de compromettre lorsqu'il est dessaisi de l'administration de
son patrimoine. Cependant, même dans ce cas, un mécanisme
d'habilitation judiciaire permettra de compromettre.
1 Justifications à l'interdiction de compromettre
en cours de procédure collective
95. L'article L 622-21 (I) du Code de commerce dispose :
Ç I.-Le jugement d'ouverture [...] interdit toute action en justice de
la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas
mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant : à la
condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; à la
résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme
d'argent È.
Il en résulte que dès lors qu'une
procédure collective est ouverte, on applique la règle selon
laquelle il est interdit d'ouvrir une action en justice. Or l'arbitrage est
considéré comme une action en justice. Par conséquent,
l'ouverture d'une procédure collective interdisant de saisir un tribunal
arbitral, s'oppose à ce que les organes de la procédure
collective puissent compromettre.
1 C'est à dire sur un litige qui ne serait pas directement
lié à la procédure collective et qui peut par
conséquent faire l'objet d'un
arbitrage. cf supra Titre 1,
Chap 1, Sect 1, Sous-section 2, A.
Cette solution semble conforme à la centralisation des
contentieux des procédures collectives1, en ce qu'elle
implique une attribution exclusive de compétence aux seuls tribunaux
étatiques.
96. En outre, si compromettre est considéré
comme un acte de gestion normale de l'entreprise2, il n'en est pas
de même dans le cadre d'une entreprise en difficulté. Ainsi le
Professeur Le Corre souligne que << la gravité de certains actes
pour l'entreprise justifie leur interdiction, tant pour l'administrateur
judiciaire que pour le débiteur3 >>4. Dans
le même sens, le Professeur Philippe Fouchard affirme que la conclusion
d'une convention d'arbitrage, après le jugement d'ouverture d'une
procédure collective, n'est pas une simple <<opération de
gestion5 >>6. Elle est considérée
comme un acte grave car elle peut altérer la consistance du patrimoine
ou rompre l'égalité des créanciers.
97. Par conséquent, l'interdiction de compromettre,
faite aux organes de la procédure collective, semble doublement
justifiée. D'une part, car elle rejoint l'interdiction légale
d'ouvrir une instance arbitrale en cours de procédure collective;
d'autre part, parce que compromettre est un acte grave qui ne doit pas mettre
en péril les objectifs des procédures collectives. Pourtant,
cette argumentation conna»t des limites.
2° Limites à l'interdiction : la
possibilité de compromettre sur les litiges arbitrables
98. Si l'interdiction légale de compromettre
résultant de l'article L 622-21 du Code de commerce n'est pas
contestable, il n'en reste pas moins que l'argument, consistant à dire
que cette solution est conforme à l'objectif de centralisation des
contentieux des procédures collectives, est imparfait. En effet, il a
été démontré précédemment7
qu'il ne résultait pas une inarbitrabilité générale
des litiges liés à la procédure collective. En effet,
lorsque le litige est d'ordre contractuel8, il n'est pas directement
lié à la procédure collective car le litige ne trouve pas
son origine dans une règle propre à la procédure
collective.
Par conséquent, on peut tout à fait concevoir la
possibilité pour les acteurs de la procédure de
1 En ce sens, P. Ancel, <<Arbitrage et procédures
collectives après la loi du 25 janvier 1985 >>, Rev. arb. 1987, p.
128.
2 En ce sens, T. Clay, << L'arbitre >>, Nouvelle
Bibliothèque de Thèses, Dalloz, 2001, p. 175 et s.
3 P-M Le Corre, Droit et pratique des procédures
collectives, Dalloz action, 2009, n°422-11.
4 En ce sens, C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en
difficulté, Montchrestien, 6e éd., p.316, n°535.
5 Ph. Fouchard, <<Arbitrage et faillite >>, Rev. arb.
1998, p. 493, n°51.
6 NB : Il ne faut pas voir de contradiction entre le fait que
le Professeur Phillipe Fouchard qualifie la clause compromissoire comme
<< acte de gestion normale >> (P. Fouchard, op. cit., 187,
n°35 ; cf supra, Titre 1, Chapitre 1, Section 2, Sous-section 1,
§1, A, 1°) qui doit être respecté par la
procédure collective qui survient en cours d'arbitrage ; et qui par
ailleurs considère que la conclusion d'une clause compromissoire ou d'un
compromis postérieurement à l'ouverture d'une procédure
collective << n'est pas (...) un acte de gestion courante >> (P.
Fouchard, op. cit, p 483, n°51). En effet, la qualification de la clause
compromissoire est appréciée différemment selon le
contexte.
7 cf supra, Titre 1, Chap 1, Sect 1, Sous-section 2,
§1, A.
8 En ce sens, P. Ancel, <<Arbitrage et procédures
collectives après la loi du 25 janvier 1985 >>, Rev. arb. 1987, p.
128. En ce sens, Ph. Fouchard, <<Arbitrage et faillite >>, Rev.
arb. 1998, p. 492.
compromettre, mais uniquement pour les litiges qui ne rentrent
pas dans le champ d'application de la compétence exclusive des tribunaux
étatiques1.
99. Pourtant, le Professeur Pascal Ancel précise que
le débiteur n'a pas toujours le pouvoir de passer une convention
d'arbitrage en cours de procédure collective, même si le litige
n'est pas directement lié à la procédure
collective2.
En effet, le débiteur ne dispose pas de la
faculté de compromettre dans la liquidation judiciaire, du fait de son
dessaisissement. Il en est de même dans le cadre d'un redressement
judiciaire, car si le débiteur n'est pas dessaisi de ses fonctions, des
lors qu'il est assisté dans sa gestion de l'entreprise, il n'a plus le
pouvoir de compromettre seul3. Ainsi, la jurisprudence a jugé
nul un compromis passé par le débiteur sans l'assistance de
l'administrateur4, au motif que la présence de ce dernier
était imposée dans le jugement d'ouverture de la procédure
collective.
Pour autant, le débiteur, à l'instar de
l'administrateur judiciaire ou du liquidateur, va se voir accorder la
possibilité de compromettre sur habilitation judiciaire .
B - La possibilité de compromettre sur autorisation
du juge commissaire
100. Le législateur a prévu des habilitations
judiciaires afin d'assouplir l'interdiction faite aux organes de la
procédure collective de compromettre. Ainsi, certains acteurs de la
procédure collective peuvent, en cours d'instance, conclure une
convention d'arbitrage sur autorisation du juge commissaire. Ils peuvent alors
conclure un compromis ou une clause compromissoire5. Cette
habilitation permet de passer outre l'interdiction légale et complete
ainsi la possibilité de compromettre sur les litiges arbitrables.
Déjà sous la loi du 25 janvier 1985, des
dispositions légales prévoyaient la possibilité pour le
débiteur, l'administrateur ou le liquidateur de compromettre en cours de
procédure collective sur autorisation du juge commissaire. Seules les
procédures de redressement et de liquidation judiciaires étaient
alors concernées6, dans des conditions propres à
chacune. Aujourd'hui, cette habilitation a été étendue
à la procédure de sauvegarde.
101. Selon le Professeur Le Corre, cette faculté de
compromettre est parfois nécessitée par << le redressement
de l'entreprise ou l'intérêt collectif des
créanciers7 È eux mêmes. Mais le compromis est
un acte soumis à l'autorisation du juge commissaire car il pourrait
<< altérer la consistance du
1 En ce sens, P. Ancel, << op.cit., p. 128.
2 En ce sens, P. Ancel, op. cit.
3 En ce sens, P. Ancel, op. cit., p. 129.
4 Paris, 10 février 1994, Rev. arb., 1998, p. 549.
5 En ce sens, P. Fouchard, op. cit., p. 492, n°51.
6 Art 33 al 2 et art 158 de la loi du 25 janvier 1985.
7 P-M Le Corre, Droit et pratique des procédures
collectives, Dalloz action, 2009, p.289 et s.
patrimoine du débiteur 1>> ou rompre
l'égalité des créanciers. Cette subordination à
l'autorisation du juge commissaire manifeste la prédominance des
procédures collectives, mais son consentement permet
corrélativement de donner pleine efficacité à la
compétence des arbitres.
102. Cette solution a été consacrée dans
la liquidation judiciaire par l'article L 642-24 alinéa 1 du Code de
commerce qui dispose: << le liquidateur peut, avec l'autorisation du
juge-commissaire et le débiteur entendu ou düment appelé,
compromettre et transiger sur toutes les contestations qui intéressent
collectivement les créanciers même sur celles qui sont relatives
à des droits et actions immobiliers >>. En outre, cette
autorisation du juge commissaire peut, dans certaines conditions, être
soumise à l'homologation du tribunal2.
103. De même, cette habilitation peut être
donnée dans le cadre de la période d'observation d'une
procédure de sauvegarde. Selon l'article L 622-7 (II) du Code de
commerce : << le jugecommissaire peut autoriser le débiteur
à faire un acte de disposition étranger à la gestion
courante de l'entreprise, à consentir une hypothèque, un gage ou
un nantissement ou à compromettre ou transiger. >>. Cette
disposition s'applique également à la période
d'observation du redressement judiciaire. L'article L 622-7 (II), tel qu'il est
cité ici, est en vigueur depuis le 15 février 2009.
Auparavant ce même article était
rédigé ainsi : << le juge-commissaire peut autoriser le
chef d'entreprise ou l'administrateur à faire un acte de disposition
étranger à la gestion courante de l'entreprise, à
consentir une hypothèque ou un nantissement ou à compromettre ou
transiger >>. De sorte que l'autorisation du juge commissaire variait,
elle pouvait être donnée au seul débiteur ou au seul
administrateur ou aux deux selon que l'administrateur avait reçu une
mission d'assistance, de surveillance ou de représentation3.
La nouvelle rédaction du texte laisse désormais penser que
l'habilitation du juge commissaire peut être donnée au seul
débiteur même si un administrateur a été
désigné4.
§ 2 Le sort d'une convention d'arbitrage
après l'ouverture d'une procedure collective
104. Une clause compromissoire conclue avant l'ouverture
d'une procédure collective n'échappe pas à la règle
stipulée par l'article L 622-21 du Code de Commerce qui interdit toute
action en justice une fois la procédure collective ouverte. Par
conséquent, une instance arbitrale ne peut être ouverte en cours
de procédure collective en vertu d'une clause compromissoire qui lui est
pourtant
1 C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en
difficulté, Montchrestien, 6e éd., p.289 et s.
2 Art L 642-24 al 2 : << Si l'objet du compromis ou de la
transaction est d'une valeur indéterminée ou excède la
compétence en dernier ressort du tribunal, le compromis ou la
transaction est soumis à l'homologation du tribunal >>.
3 P-M Le Corre, Droit et pratique des procédures
collectives, Dalloz action, 2009, p. 289 et s.
4 Cette position n'est pas une affirmation car elle ne repose sur
aucune position doctrinale et n'engage donc que son auteur.
antérieure (A). Mais ce principe est lui aussi affaibli
car sa portée est limitée par la jurisprudence. Il en
résulte que dans certains cas, il est possible d'ouvrir une
procédure collective en cours d'arbitrage (B).
A - Interdiction légale d'ouvrir une instance
arbitrale en cours de procédure collective
105. La solution interdisant l'ouverture d'une instance
arbitrale est conforme à la loi et a été consacrée
par la jurisprudence dans le cadre d'une clause compromissoire, invoquée
postérieurement à l'ouverture d'une procédure collective,
et portant sur des créances antérieures. Ainsi, dans un
arrêt dit Gaussin contre Alstom Power Turbomachines, en date du 2 juin
20041, la Cour de cassation interdit la saisine d'un tribunal
arbitral au cours d'une procédure collective par un créancier
dont la créance est antérieure au jugement d'ouverture.
En l'espèce, suite à l'ouverture d'une
procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la
société Gaussin, la société Alstom se
prévoit d'une clause compromissoire insérée dans un
contrat conclu avant l'ouverture de la procédure collective.
En première instance, la demande de désignation
d'un arbitre est rejetée. Mais la Cour d'appel infirme le jugement et
considère que << le principe de suspension des poursuites
individuelles et l'obligation du créancier de se soumettre à la
vérification des créances ne font pas obstacle à la mise
en oeuvre de la clause d'arbitrage >>. Elle considérerait,
conformément à une jurisprudence antérieure2,
que l'article L 621-40 devenu l'article L 622-21 du Code de commerce n'avait
pas pour effet de rendre nulle une clause d'arbitrage valablement conclue avant
l'ouverture de la procédure collective. Par conséquent, en
dépit de l'ouverture d'une procédure collective, l'arbitre
pouvait se prononcer. Cette solution était conforme à l'article
1466 du nouveau Code de procédure civile3 selon lequel seul
l'arbitre est compétent pour statuer sur la validité et les
limites de son investiture. Pourtant, ce n'est pas cette conception qui a
été retenue par la Haute juridiction.
En effet, en 2004, la Cour de Cassation censure l'arrêt
de la Cour d'appel et considère sur le fondement de l'actuel article
L622-21, que le principe d'arrêt des poursuites en cas
d'ouverture d'une procédure collective, interdit la saisine d'un
tribunal arbitral pour un litige portant sur une
1
Cass. Com., 2 juin 2004, Sté
Gaussin et a. c/ Sté Alston Tower Turbomachines - n° 02-13.940,
Bull. civ. 2004, IV, n° 112, p. 115 . Selon la Cass. : << Le
principe d'ordre public de l'arrêt des poursuites individuelles interdit
après l'ouverture de la procédure collective, la saisine du
tribunal arbitral par un créancier dont la créance à son
origine antérieurement au jugement d'ouverture, sans qu'il soit soumis
au préalable à la procédure de vérification des
créances >>.
2 CA Paris, 13 février 2002, n° 2001/21101,
<< La règle d'ordre public de la suspension des poursuites
individuelles et l'obligation pour le créancier de se soumettre à
la procédure de vérification de sa créance ne s'opposent
pas à la mise en oeuvre de la clause d' arbitrage pour
l'opération de constitution du tribunal arbitral, celui-ci étant,
en application de l'article 1466 du nouveau code de procédure civile,
seul juge pour statuer sur la validité et les limites de son
investiture>> , V.JCP, éd. entreprise, 2003, p. 447.
3 Art 1466 NCPC : << Si, devant l'arbitre, l'une des
parties conteste dans son principe ou son étendue le pouvoir
juridictionnel de l'arbitre, il appartient à celui-ci de statuer sur la
validité ou les limites de son investiture >>.
créance antérieure et tendant soit à la
condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, soit à
la résolution du contrat pour défaut de paiement d'une somme
d'argent.
On peut donc conclure à la primauté des
procédures collectives, car elles peuvent empêcher la mise en
oeuvre d'une procédure arbitrale.
106. En réalité, cette primauté n'est
pas tant fondée sur le caractère d'ordre public de la
règle de l'arrêt des poursuites que sur Ç
l'antériorité de l'ouverture de la procédure collective
(...) qui paralyse les effets de la clause compromissoire1 È.
En effet, c'est davantage une approche chronologique qu'une approche
hiérarchique qui prime2.
Cette solution de la Cour de Cassation est critiquée
par certains auteurs3 qui plaident pour permettre à l'arbitre
de se prononcer malgré l'ouverture de la procédure collective. En
effet, cette solution semble porter atteinte au principe de Ç
compétence-compétence È en vertu duquel l'arbitre est seul
compétent pour statuer sur sa propre compétence, puisque en
l'espèce, il ne peut être saisi et donc ne peut pas se
prononcer.
107. Cependant, Monsieur Touchent considère qu'il ne
s'agit pas Ç de faire prévaloir la règle des poursuites
sur celle de la compétence-compétence4 È mais
simplement de respecter les dispositions légales de l'actuel article L
622-21 du Code de commerce. D'autres auteurs considèrent quant à
eux que cette solution est justifiée car Ç il n'y avait aucune
raison de soustraire les instances arbitrales aux règles restrictives
imposées par la discipline collective5 È.
Quoi qu'il en soit, cette prédominance des
procédures collectives sur l'arbitrage, dès lors qu'une
procédure collective est ouverte, n'est pas totale. En effet, lorsque
l'instance arbitrale n'est pas en cours, la Haute juridiction affirme la
primauté de la compétence arbitrale sur celle du juge commissaire
une fois la procédure de déclaration et de vérification
des créances effectuée6.
B - L'interdiction d'ouvrir une instance arbitrale en
cours de procedure collective affaiblie
108. Dès lors que le créancier, invoquant la
saisine d'un tribunal arbitral, a déclaré sa créance et
qu'elle a été vérifiée par le juge commissaire, la
jurisprudence considère que la convention d'arbitrage retrouve son
empire et qu'une instance arbitrale peut être ouverte malgré
l'ouverture préalable d'une procédure collective7. Par
conséquent, la mise en oeuvre de la procédure arbitrale
1 D. Touchent, Petites affiches, 21 juillet 2004 n° 145, p.
15.
2 En ce sens, . Touchent, op. cit.; A. Lienhard, D. 2004, act.
jur., p. 1732.
3 Ph. Fouchard, Rev. arb. 2003, n°1, p. 209.
4 D. Touchent, op. cit.
5 M.-H. Monsèrié-Bon, Droit et patrimoine 2004,
n°130, p. 119.
6
Cass. Com., 2 juin 2004 - Sté
Industry et autres c/ Sté Alstom Power Turbomachines - n°
02-18.700, Bull. civ. 2004, IV,n° 110, p. 114.
7 cf supra, Titre 2, Chapitre 1, Section 1, Sous-section
2, §1.
en cours de procédure collective est interdite mais
seulement temporairement. Une fois les créances déclarées
et vérifiées, la clause compromissoire peut jouer.
109. C'est la solution retenue par la Cour de Cassation dans
un arrêt dit Industry contre Alstom rendu le même jour que
l'arrêt Gaussin contre Alstom et concernant le même
défendeur1. Elle considère qu'une fois que le juge
commissaire a vérifié la régularité de la
déclaration des créances, il ne peut conna»tre d'une
contestation qui fait l'objet d'une clause compromissoire. Il doit donc se
déclarer incompétent si la clause compromissoire est valable. Une
instance arbitrale pourra alors être ouverte pour trancher la
contestation. Ces solutions consacrant un retour de la compétence
arbitrale seront examinées plus en détail
ultérieurement2.
110. Pour l'instant, on peut néanmoins conclure qu'une
procédure arbitrale peut être ouverte alors même qu'une
procédure collective est en cours. Soit, pour satisfaire à la
volonté des organes de la procédures collective de compromettre
dès lors que le juge commissaire les y autorise ; soit, en vertu d'une
convention d'arbitrage conclue entre les parties, préalablement à
l'ouverture d'une procédure collective. Mais dans ce cas, pour que la
convention d'arbitrage soit efficace, il est nécessaire de respecter
certaines conditions3.
111. Par conséquent, procédures collectives et
arbitrales ne se méconnaissent pas même si leur coexistence semble
parfois être un véritable rapport de force oü
prédomine les procédures collectives puisqu'elle a des effets
tant sur le déroulement que sur l'ouverture d'une instance arbitrale.
Mais cet assujetissement n'est pas total puisque l'instance arbitrale peut le
plus souvent exister.
Néanmoins, lorsque les procédures coexistent,
l'arbitre ne doit pas porter atteinte aux principes fondamentaux des
procédures collectives. Ce qui explique une hiérarchisation des
règles oü prédominent largement les procédures
collectives.
1
Cass. Com., 2 juin 2004 - Sté
Industry et autres c/ Sté Alstom Power Turbomachines - n°
02-18.700, Bull. civ. 2004, IV, n° 110, p. 114.
2 cf infra, Titre 2, Chapitre 1, Section 1, Sous-section
2, §2.
3 cf infra, Titre 1, Chapitre 2.
Chapitre 2 : La prédominance des règles
des procédures collectives
112. Il a été démontré
précédemment que la procédure collective entra»ne une
interruption de l'instance arbitrale ou une limitation de son ouverture. Mais
au delà de cet effet procédural, s'imposent aussi des
règles de droit d'ordre public régissant les procédures
collectives. En effet, les procédures collectives veillent aux
intérêts généraux. Ainsi, si elles tendent à
sauvegarder l'entreprise défaillante, elles doivent également
s'assurer de protéger les autres intérêts en
présence, notamment ceux des créanciers. C'est pourquoi, le
principe d'égalité des créanciers gouverne le droit des
procédures collectives. Il est vrai que l'expression
d'égalité des créanciers ne figure nul part dans le Code
de commerce, elle est pourtant consacrée de façon
indirecte1 et la Cour de Cassation reconna»t depuis longtemps
ce principe2 comme une règle d'ordre public3.
Certes, il conna»t des atteintes comme l'illustre le droit des
süretés et il ne convient donc de ne pas l'ériger en
<< dogme4 È. Néanmoins, ce principe a de larges
conséquences (Section 1) et justifie nombre de dispositions
impératives, consacrées par la jurisprudence. En outre, les
règles qui découlent de ce principe s'imposent aux arbitres et
ont pour effet de limiter leurs pouvoirs quant au droit applicable (Section
2).
Section 1 : Les conséquences du principe
d'ordre public d'égalité des créanciers
113. Le principe d'égalité des
créanciers est le pilier du droit des procédures collectives. Son
objectif est d'éviter que le débiteur d'une procédure
collective favorise un créancier au détriment d'un autre ou tente
de léser les créanciers dans leurs droits. Aussi, il en
découle le principe d'arrêt des poursuites individuelles
(Sous-section 1) dont le corollaire est la déclaration des
créances et leur vérification par le juge commissaire
(Sous-section 2).
Sous-section 1 : Principe de l'arrêt des
poursuites individuelles
114. L'arrêt des poursuites individuelles a une
portée large. Ses effets sur l'arbitrage interne (1) ne peuvent faire de
doute. Mais en matière d'arbitrage international, ce principe conserve
toute sa force car la jurisprudence considère que l'arrêt des
poursuites est aussi un principe d'ordre public international (2). Dans les
deux cas, il en résulte une diminution du rTMle de l'institution
arbitrale.
1 Art 2093 C. Civ : << Les biens du débiteur sont le
gage commun de ses créanciers ; et le prix s'en distribue entre eux par
contribution, à moins qu'il n'y ait entre les créanciers des
causes légitimes de préférence È.
2
Cass. com, 3 octobre 2006, n°
04-13.987, non publié au Bulletin, cf légifrance.
3 << portait atteinte à la règle d'ordre
public de l'égalité des créanciers È,
Cass. com, 19 avril 1985,
n°83-15258.
<< Le principe de l'égalité des
créanciers dans la masse est à la fois d' ordre public interne et
international È, Cass. Civ. 1re, 4 février 1992 - Sté. de
recherches et d'études techniques c/ SBBM - n° 90-12.569, Bull.
Civ. I, n° 38, p. 28.
4 Selon l'expression du Professeur Derrida.
§ 1 Portée de l'arrêt des poursuites
sur l'arbitrage interne
115. L'objet de la règle de l'arrêt des
poursuites individuelles consacrée par l'article L 622-21 du Code de
commerce est double ; d'une part, il permet << de fixer le passif au jour
du jugement d'ouverture È de la procédure collective. D'autre
part, il <<donne un répit au débiteur È pour
élaborer, si possible, un plan visant à améliorer sa
situation1. Ce principe, interdisant ou limitant les initiatives
individuelles, est indispensable pour faire respecter le caractère
collectif des procédures collectives et l'égalité des
créanciers. Il interdit toute action en justice afin de mettre le
patrimoine du débiteur, pour un temps au moins, hors d'atteinte des
créanciers. Il n'en résulte pas une impossibilité totale
d'ouvrir une procédure arbitrale2 mais il implique que
même l'arbitre, dans le cadre d'une justice privée, ne peut
méconna»tre cette règle.
116. En effet, si ce principe a pour effet d'interrompre
l'instance arbitrale menée en parallèle3 afin de
permettre aux organes de la procédure collective de participer à
l'instance, une fois que le créancier poursuivant le débiteur a
déclaré sa créance, l'instance arbitrale pourra reprendre.
De plus, le principe d'arrêt des poursuites peut avoir pour effet
d'interdire l'ouverture d'une instance arbitrale dès lors qu'une
procédure collective est ouverte. Mais le tribunal arbitral peut
valablement statuer sur certains litiges dès lors qu'ils ne sont pas
liés à la procédure collective4. Par
conséquent, le principe de l'arrêt des poursuites n'interdit pas
systématiquement au tribunal arbitral de statuer sur certains litiges
mais il subordonne toutefois l'arbitre au respect de certaines obligations.
117. Ainsi, même si le tribunal arbitral est
régulièrement saisi pour conna»tre de la contestation d'une
créance, il ne peut que constater l'existence d'une créance
contre le débiteur. En effet, dès lors que la créance est
antérieure5 à l'ouverture d'une procédure
collective, du fait de la règle de suspension des poursuites
individuelles, les jurisprudences étatique6 et
arbitrale7 affirment de façon constante que si l'arbitre peut
statuer sur le principe et le montant de la créance, il ne peut en aucun
cas
1 C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en
difficulté, Montchrestien, 6e éd., p. 384, n° 620.
2 << L'arrêt des poursuites individuelles ne rend pas
le litige inarbitrable, ni l'arbitre incompétent. La procédure
arbitrale sera très largement poursuivie È, Ph. Fouchard, op.
cit.
3 cf infra, Titre 1, Chapitre 1, Section 2, Sous-section
1, §2.
4 cf infra, Titre 1, Chapitre 1, Section 2, Sous-section
2, §1, A.
5 L'appréciation de la créance pour
déterminer si elle est antérieure ou postérieure
relève, selon la Cour d'appel de Paris dans l'arrêt Sohm contre
Simex du 27 février 1992, de la compétence exclusive du juge
commissaire. En ce sens, B. Hanotiau, rev. droit. aff. Int., 1996, p. 29 et
s.
6 Cass. Civ. 1re, 8 mars 1988 - Thinet - n° 86-12.015, Bull.
1988, I, n° 65 p. 42.
CA Paris, 27 février 1992, Me Sohm ès qual. c/
sté Simex
Cass. Civ. 1re, 4 février 1992 - Sté de recherches
et d'études techniques c/ SBBM- n° 90-12.569, Bull. Civ. I, n°
38, p. 28. CA Paris, 3 mars 1998, sté toulousaine d'exploitation
cinématographique c/ sté Polygram Film Distribution
CA Paris, 30 mars 1999,Consorts de Coninck c/ M. Zanzi et
société Torelli ès qual.
7 Sentence CCI n° 10687.
condamner le débiteur à payer. Car cela reviendrait
à rompre l'égalité des créanciers et pourrait
mettre en échec les solutions retenues par le juge pour tenter de
sauvegarder l'entreprise.
Par conséquent, la sentence qui prononce une
condamnation pécuniaire du débiteur, encourt l'annulation ou le
refus d'exequatur. Mais la règle de l'arrêt des poursuites
individuelles n'est pas seulement un principe d'ordre public interne.
§ 2 Principe d'ordre public international
consacré par la jurisprudence
118. Le principe de l'arrêt des poursuites
individuelles a été, parmi d'autres, consacré comme un
principe d'ordre public interne et international (A). Mais reste à
savoir quelle est la portée de cette consécration
jurisprudentielle afin de déterminer si l'ensemble des règles des
procédures collectives sont d'ordre public international (B).
A - L'arrêt des poursuites individuelles, un
principe d'ordre public international étendu
119. Dès 1988, dans le célèbre arrêt
Thinet1, la Cour de cassation affirme pour la première fois
que le principe de l'arrêt des poursuites qui s'applique dans le cadre
des procédures collectives n'est pas seulement une règle d'ordre
public interne mais aussi une règle d'ordre public international. Cette
solution ne surprend guère étant donné que les principes
d'égalité des créanciers et d'arrêt des poursuites
sont consacrés par nombre de législations, autres que la
législation française2. Cette solution implique que
l'arrêt des poursuites Ç s'impose même à l'encontre
d'une décision étrangère ou d'une sentence arbitrale
internationale, dès lors que cette décision ou cette sentence
interfère avec la procédure ouverte en France3
È. Par conséquent, même en matière d'arbitrage
international, les règles françaises des procédures
collectives peuvent difficilement être remises en cause4.
120. La Cour de cassation est allée encore plus loin
dans un arrêt dit Almira Film du 5 février 1991. Elle retient une
formule plus large en considérant que Ç les principes de
l'arrêt des poursuites individuelles des créanciers, de
dessaisissement du débiteur et d'interruption de l'instance en cas de
faillite sont d'ordre public interne et international5 È. Si
toutes ces règles font parties de l'ordre public international, le
Professeur Pascal Ancel souligne que cela Ç n'a aucunement pour but de
faire prévaloir la conception française des procédures
collectives sur celles des législateurs
1 Cass. Civ. 1re, 8 mars 1988 - Thinet - n° 86-12.015, Bull.
1988, I, n° 65 p. 42.
2 En ce sens, P. Ancel, Rev. arb. 1989, 473.
3 V.P. Ancel, op. cit.
4 En ce sens, J.C. Dubarry et E. Loquin,
RTD. Com 1992, p. 795.
5 Cass. Civ. 1re, 5 février 1991 - Sté Almira Films
c/ Pierrel, ès qualités - n° 89-14.382, Bull. Civ. 1991, I,
n° 44, p. 28.
étrangers1 È. Mais l'arbitrage doit
respecter ces principes dès lors qu'il interfère avec une
procédure collective se déroulant en France. Cette solution a
été réitérée à plusieurs reprises par
la Haute juridiction et encore récemment la Cour de Cassation a
rappelée que l'arrêt des poursuites individuelles est un principe
d'ordre public interne et international2.
Cette prédominance des règles des
procédures collectives consacrée par la jurisprudence est
essentielle à la protection des différents intérêts
du débiteur et des créanciers. Car en cas de non respect de l'une
d'elles, le risque est de compromettre le fragile équilibre qu'a voulu
instaurer le législateur français.
B - Le droit des procedures collectives, un droit d'ordre
public international
121. Il ne fait pas de doute que le principe de l'arrêt
des poursuites individuelles, tout comme celui de dessaisissement du
débiteur ou d'interruption de l'instance soient d'ordre public. Mais on
peut penser qu'il ne s'agit pas d'une liste exhaustive et qu'en
réalité, la totalité des règles des
procédures collectives sont à la fois d'ordre public interne et
d'ordre public international. C'est la position défendue par le
Professeur Pascal Ancel qui se fonde sur un arrêt de la Cour d'appel de
Paris du 27 février 19923 qui déclare, à propos
d'une procédure de redressement judiciaire, que << ...les textes
relatifs à cette procédure sont d'ordre public interne et
international È. Il en déduit que c'est la totalité des
règles des procédures collectives qui sont d'ordre public interne
et international4. Cette position n'est pas surprenante dans la
mesure oü l'ensemble des règles des procédures collectives
est nécessaire à la protection de l'intérêt
collectif. Il semble donc logique qu'elles bénéficient toutes de
la qualification de règles d'ordre public interne et international afin
qu'elles prédominent. Permettant ainsi de ne pas contrarier l'ensemble
des mesures prises par le juge étatique pour tenter de sauvegarder
l'entreprise en difficulté.
122. Mais cette position, outre le fait qu'elle n'ait pas
été reprise par la juridiction suprême, fait l'objet de
controverses. Le Professeur Jean-Baptiste Racine affirme quant à lui que
<< seules les règles fondamentales du droit des procédures
collectives sont d'ordre public international5 È, sans pour
autant les énumérer. Son argumentation tient dans le fait que la
solution prononcée par la Cour d'appel dans l'arrêt dit Sohm ne
concerne en réalité pas toutes les règles attachées
à la procédure de redressement judiciaire mais seulement celles
liées << à l'administration ou au rejet des créances
È6.
1 P. Ancel, Rev. arb. 1992, p. 596.
2 << Le principe de suspension des poursuites
individuelles en matière de faillite est à la fois d' ordre
public interne et international È, Cass. Civ. 1re, 6 mai 2009 -
Mandataires judiciaires associés c/ Sté International Company for
Commercial Exchanges Income - n°08-10.281.
3 CA Paris, 27 février 1992, Me Sohm ès qual. c/
sté Simex
4 P. Ancel, Rev. arb. 1992, p. 590 et s.
5 J.-B. Racine, op. cit, p. 502, n°900.
123. Pour autant, il semble difficile de distinguer entre les
règles des procédures collectives << fondamentales
È, qui peuvent à ce titre être qualifiées de
règles d'ordre public international ; et celles qui ne le sont pas.
En outre, on peut considérer que ce sont l'ensemble
des règles des procédures collectives qui concourent à la
réussite de la procédure collective. Car si, comme l'avance le
Professeur Dominique Vidal1, la procédure collective est
semblable à un jeu de Mikado®2, on peut penser que
toutes les règles des procédures collectives sont essentielles et
qu'elles méritent toutes la qualification de règle d'ordre public
international afin d'optimiser les chances de réussite de la
procédure collective.
Sous-section 2 : Obligation de déclaration et de
vérification des créances
124. L'obligation de déclarer ses créances est
une règle d'ordre public des procédures collectives, aussi il
n'est pas possible d'y déroger. Il conviendra dans un premier temps
d'examiner la portée de cette obligation (§1), puis d'examiner le
rTMle et l'impact du juge commissaire, à qui il incombe de
vérifier la déclaration des créances (§2).
§ 1 Portée de l'obligation de
déclarer ses créances
125. A partir de la publication d'un jugement ouvrant une
procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires,
tous les créanciers, à l'exception des salariés doivent
déclarer leurs créances nées avant le jugement
d'ouverture.
La Cour de cassation a affirmé à de nombreuses
reprises3 le caractère impératif de la
déclaration des créances auprès du juge commissaire.
Ainsi, la chambre commerciale dans un arrêt du 8 janvier 20024
affirme : <<tout créancier dont la créance a son origine
antérieurement au jugement d'ouverture, doit se soumettre à la
procédure de vérification des créances È.
Il ne fait donc pas de doute que la déclaration de
créance auprès du juge commissaire ait un caractère
impératif. Mais elle doit en outre s'effectuer dans les conditions
légalement prévues et c'est le juge commissaire qui
appréciera la régularité de la déclaration. Et s'il
s'avère que la
6 La Cour d'appel déclare << Considérant
que l'article 101 de la loi de 1985 donne compétence au juge commissaire
pour décider de l'administration ou du rejet des créances et que
les textes relatifs à cette procédures sont d'ordre public
interne et international È;
1 D.Vidal, Procédures collectives et procédures
d'arbitrage : quelle rencontre ?, Gaz. Pal. 31 octobre 2009, n° 304, p.
3.
2 cf supra Titre 1, Chapitre 1,Section 1, Sous-section
1, §2, B.
3
Cass. com, 14 mars 1995, n°93-12489,
<< seule une instance en cours devant un juge du fond au jour du jugement
d'ouverture enlève au juge-commissaire le pouvoir de décider de
l'admission ou du rejet È.
4
Cass. com., 8 janvier 2002, Bull. Civ.
2002, IV,p. 3.
déclaration de la créance a été
faite hors délai ou que les formes requises n'ont pas été
respectées, il devra constater l'extinction de la
créance1, de sorte que la procédure engagée
devant le tribunal arbitral sera sans objet.
126. On peut légitimement penser que c'est le principe
d'égalité des créanciers qui sous-tend cette obligation
afin de leur permettre d'être admis au passif de la
procédure2. En outre, cette discipline collective est un
moyen de juger du passif de l'entreprise afin de mieux cerner ses
difficultés et de pouvoir ainsi élaborer des solutions
adaptées au sauvetage de l'entreprise. L'article L 622-26 du Code de
commerce3 introduit par l'ordonnance du 18 décembre 2008,
précise que les créances non déclarées sont
inopposables au débiteur. Cette règle << permet de
déjouer la stratégie consistant à ne pas déclarer
afin de pouvoir poursuivre le débiteur4 È. Par
conséquent, le créancier qui désire saisir le tribunal
arbitral ou reprendre l'instance arbitrale interrompue par l'ouverture de la
procédure collective, a l'obligation de déclarer sa
créance. Cette solution récente sera exéminée plus
en détail ultérieurement5.
127. En effet, un tribunal arbitral, même s'il est
compétent pour statuer sur le litige opposant les parties, ne peut pas
être directement saisi d'une demande en paiement dirigée contre le
débiteur. Au préalable, la loi impose au créancier de
déclarer sa créance et ce n'est qu'une fois la procédure
de vérification de la créance accomplie que le tribunal arbitral
pourra conna»tre du litige6, à condition que ce dernier
n'entre pas dans le champ de compétence exclusive de la juridiction
étatique. Par conséquent, lorsque la saisine du tribunal arbitral
est postérieure à l'ouverture de la procédure collective,
cette saisine n'est possible qu'après la vérification des
créances devant le juge commissaire.
128. Dans le cas oü la procédure arbitrale est
antérieure à l'ouverture de la procédure collective, cette
obligation s'impose également puisque l'absence de déclaration
empêche la reprise de l'instance arbitrale. Ainsi, une
sentence7 considère << que l'arbitre ne peut
conna»tre d'une contestation formulée contre un défendeur en
procédure d'insolvabilité tant que n'a pas été
effectuée la déclaration de la créance8
È. La domination des procédures collectives ne fait pas de doute
puisque
1 En ce sens, E. Loquin, RTD Com. 2009, p. 546.
2 P. Delmotte, L'égalité des créanciers dans
les procédures collectives, Rapport de la Cour de cassation, 2003,
www.courdecassation.fr
3 Art L 622-26 al 2 : << Les créances non
déclarées régulièrement dans ces délais sont
inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et
après cette exécution lorsque les engagements
énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont
été tenus. Pendant l'exécution du plan, elles sont
également inopposables aux personnes physiques coobligées ou
ayant consenti une süreté personnelle ou ayant affecté ou
cédé un bien en garantie È.
4 C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en
difficulté, Montchrestien, 6e éd., p. 408, n° 646-5.
5 cf infra, Titre 2, Chapitre 1, Section 1, Sous section
2.
6 En ce sens, Cass. Civ. 1re, 8 mars 1988 - Thinet - n°
86-12.015, Bull. 1988, I, n° 65 p. 42.
7 Sentence CCI n° 10687.
8 Bulletin de la Cour internationale d'arbitrage de la CCI,
Vol.20/1, 2009. p. 70.
en l'espèce, elle neutralise le déroulement de
l'instance arbitrale.
En outre, le tribunal arbitral devra se déclarer
incompétent aussi longtemps que se déroule la procédure de
vérification des créances1. De sorte que si la
décision du juge commissaire est frappée d'appel, le tribunal
arbitral n'est pas compétent pour conna»tre du litige pendant toute
la durée de l'appel2.
Dans le cas oü le créancier ne peut pas saisir le
tribunal arbitral, il doit tout de même déclarer sa créance
et se soumettre à la procédure de vérification des
créances3.
§ 2 Suprématie du rTMle du juge commissaire
et domination des procédures collectives
129. En principe4, seul le juge commissaire a le
pouvoir de décider de l'admission ou du rejet d'une créance. Il a
un rTMle central dans le déroulement de la procédure collective,
il prend d'importantes décisions, assure le bon déroulement de la
procédure en surveillant notamment certains acteurs comme les
mandataires de justice. Aussi est-il souvent désigné comme
Ç l'homme-orchestre5 È de la procédure. En
outre, sa décision a un caractère juridictionnel et en tant que
telle, elle est subordonnée aux règles légales encadrant
tout jugement6, et s'imposent ainsi les exigences du droit à
un procès équitable. Cela démontre, une fois de plus le
caractère incontournable du juge commissaire, qui s'il peut autoriser le
recours à l'arbitrage, exclut en principe la compétence de
l'arbitre pour conna»tre de l'admission d'une créance.
L'interdiction faite à l'arbitre de condamner le débiteur se
comprend aisément car elle est indispensable au maintien de
l'égalité des créanciers. Il en résulte une
prédominance des règles des procédures collectives.
130. La caractéristique du juge commissaire est qu'il
arrête seul l'état des créances. Mais nous avons vu
précédemment que lorsqu'une procédure collective est
ouverte, il peut autoriser les organes de la procédure collective
à compromettre7. Reste la question de savoir sur quels types
de créances peut porter cette habilitation judiciaire. En effet,
l'article L 622-7 alinéa (II) du Code de commerce prévoit que
Ç le juge-commissaire peut autoriser le débiteur à faire
un acte de disposition étranger à la gestion courante de
l'entreprise, à consentir une hypothèque, un gage ou un
nantissement ou à compromettre ou transiger È. Mais il
soulève des difficultés d'interprétation car le texte ne
distingue pas selon que le compromis intéresse des créanciers
antérieurs ou postérieurs. Le Professeur Corinne
Saint-Alary-Houin souligne que Ç s'il est sans aucun doute possible
de
1 Sentence n °13845.
2 En ce sens, D. Vidal, Bulletin de la Cour internationale
d'arbitrage de la CCI, Vol.20/1, 2009, p 68, n° 45.
3 CA Paris, 3 mars 1998, sté toulousaine d'exploitation
cinématographique c/ sté Polygram Film Distribution CA Paris, 30
mars 1999,Consorts de Coninck c/ M. Zanzi et société Torelli
ès qual.
4 cf infra, Titre 2, Chapitre 1, Section 1, Sous-section
2, §2.
5 D. Vidal, Droit des procédures collectives, Gualino, 2e
éd., 2009, p. 112.
6 Art 450 et s. CPC.
7 cf supra, Titre 1, Chapitre 1, Section 2, Sous-section
2, §1, B.
compromettre [...] à propos de créances
postérieures, admettre le compromis [...] pour des créances
antérieures conduit à déposséder le juge
commissaire de ses prérogatives puisqu'il arrête normalement seul
l'état des créances1 È. Mais les auteurs sont
divisés sur la réponse à apporter.
131. Ainsi, le Professeur Pierre-Michel Le Corre
considère quant à lui qu'il est possible de compromettre sur des
créances antérieures car si le juge commissaire voit ses
prérogatives diminuer ce n'est que << parce qu'il l'a
décidé en autorisant (...) le compromis2 È. Par
conséquent, l'autorisation donnée par le juge commissaire de
compromettre, même sur des créances antérieures, n'entache
en rien son rTMle prépondérant dans la procédure
collective. Néanmoins, l'obligation de déclaration et de
vérification des créances est d'ordre public. Aussi, <<
certains auteurs estiment qu'il n'est pas possible même au juge
commissaire d'y déroger3 È.
132. Il ne convient pas ici de prendre position pour l'un ou
l'autre des courants doctrinaux, les deux pensées étant
justifiées par une argumentation solide. Il convient néanmoins de
noter, que si l'on admet la possibilité de compromettre sur des
créances antérieures, cela ne remet pas en cause la jurisprudence
constante qui limite le rTMle de l'arbitre lorsque celui si est
compétent pour statuer sur l'admission des créances4.
Il ne peut pas ordonner le paiement de la créance mais se borne à
en fixer le montant5.
En effet, le fait de compromettre sur une créance
antérieure à l'ouverture d'une procédure collective
n'anéantit pas les objectifs de ces dernières, à savoir :
préserver l'égalité des créanciers, protéger
le débiteur et tenter de sauver l'entreprise. Donc, même en
admettant que le juge commissaire autorise à compromettre sur des
créances antérieures, il n'est pas concevable que l'arbitre
puisse prononcer une condamnation à paiement, car cela risquerait de
compromettre les équilibres que tentent de mettre en place les
procédures collectives. Par conséquent, quelque soit la solution
retenue, cela ne remet pas en cause la domination des procédures
collectives sur l'arbitrage.
Section 2 : L'ordre public comme limite au droit
applicable par l'arbitre
133. L'ordre public a pour but << de régler les
conflits entre règles générales et spéciales,
qu'elles soient de droit interne, communautaire ou international6
È. Il convient d'examiner le rTMle de l'ordre
1 C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en
difficulté, Montchrestien, 6e éd., p. 316, n° 535.
2 P-M Le Corre, Droit et pratique des procédures
collectives, Dalloz action, 2009, p. 644, n° 422.31.
3 cf C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en
difficulté, Montchrestien, 6e éd., p. 316, n° 535, qui fait
référence aux propos de F. Derrida, P. Godé, J;-P.
Sortais, << Redressement et liquidation judiciaire des entreprises : cinq
années d'application de la loi du 25 janvier 1985 È, note
1539.
4 cf infra, Titre 2, Chapitre 1, Section 1, Sous-section
2.
5 cf supra, Titre 1, Chapitre 1, Section 1, Sous-section
1, §1.
6 D. Meledo-Briand, <<Procédures collectives et
droit économique, l'exemple français È, Rev. int. dr.
éco 1994, p. 265.
public lorsque la sentence arbitrale est rendue en matière
interne (Sous-section 1) puis lorsque la sentence est internationale
(Sous-section 2) car les problématiques qui se posent sont
différentes.
Sous-section 1 : Procédure collective et arbitrage
interne
134. La loi applicable par l'arbitre pose peu de
difficultés lorsque la sentence est interne, néanmoins l'arbitre
est tenu de respecter les règles d'ordre public (1) sinon sa sentence
encourt annulation. En outre, le respect de l'ordre public par l'arbitre est
apprécié strictement par l'autorité judiciaire (2),
démontrant une fois de plus la suprématie des procédures
collectives et de la justice étatique sur l'arbitrage.
§ 1 Conformité impérative de la
sentence interne à l'ordre public
135. La sentence rendue par l'arbitre dans le cadre d'un
arbitrage interne doit impérativement respecter les règles
d'ordre public interne (A). Néanmoins, il convient en outre d'analyser
l'évolution de la notion d'ordre public (B) avant d'examiner les
conditions dans lesquelles la conformité de la sentence interne à
l'ordre public est contrôlée.
A - Soumission des sentences internes à l'ordre
public interne
136. Cette conception est retenue par la jurisprudence
française en matière de validité des sentences arbitrales.
Ainsi, la sentence qui méconna»t une règle d'ordre public
est nulle1. Car conformément à l'article 1484-6 du
nouveau Code de procédure civile2, la violation de l'ordre
public est une cause d'annulation de la sentence. Il s'agit en l'espèce
de la violation des règles d'ordre public interne des procédures
collectives.
137. Dans le cadre d'un arbitrage interne, le juge examinera
la conformité de la sentence à l'ordre public interne, et non
l'ordre public international. Le Professeur Jean Baptiste Racine précise
Ç qu'il n'existe pas de césure précise entre l'ordre
public interne et l'ordre public international È, bien qu'il ajoute que
Ç le premier alimente le second È3. Par
conséquent, si toutes les règles d'ordre public international
sont nécessairement des règles d'ordre public interne, les
règles d'ordre public interne ne sont pas forcément des
règles d'ordre public international4.
1 V.P. Mayer, Ç La sentence contraire à l'ordre
public au fond È, Rev. arb. 1994, p. 620.
2 Art 1484-6° NCPC : Ç Lorsque, suivant les
distinctions faites à l'article 1482, les parties ont renoncé
à l'appel, ou qu'elles ne se sont pas expressément
réservées cette faculté dans la convention d'arbitrage, un
recours en annulation de l'acte qualifié sentence arbitrale peut
néanmoins être formé malgré toute stipulation
contraire : si l'arbitre a violé une règle d'ordre public
È.
3 En ce sens, J.-B. Racine, op. cit., p. 483.
4 En ce sens, J.-B. Racine, op. cit., p. 483 et s.
B - L'évolution de la notion d'ordre public
138. Selon l'article 1484-6° du Code de procédure
civile, la sentence de l'arbitre est annulée si celui-ci a violé
une règle d'ordre public. L'ordre public n'est pas défini dans
cet article mais par référence à l'article 6 du Code
civil1, il a longtemps été interprété
comme l'interdiction faite aux parties de déroger par convention
à une règle nécessaire à sauvegarder les
intérêts d'une société. Or on peut penser que toutes
les règles des procédures collectives tendent à l'objectif
supérieur de protéger la société face aux effets
néfastes des entreprises défaillantes.
139. Mais la notion d'ordre public a évoluée.
Aujourd'hui, elle n'est plus la conséquence de la nécessaire
protection des intérêts de la société. En effet, une
règle est d'ordre public dès lors que le législateur
interdit d'y déroger2. Monsieur Jacques Ghestin3
en conclut que dès lors qu'une loi est impérative elle est
d'ordre public. Cette conception de l'ordre public semble reléguer au
second plan l'idée selon laquelle l'ordre public correspond aux <<
valeurs fondamentales d'une société4 È. Ce
constat est critiqué par le Professeur Pierre Mayer, car selon lui
l'ordre public est alors << vidé de sa substance5
È.
140. Néanmoins, si l'ordre public ne correspond plus
aux valeurs essentielles d'une société mais davantage à la
volonté de faire primer certaines règles, plus rien ne s'oppose
à la thèse du Professeur Pascal Ancel qui considère toutes
les règles françaises des procédures collectives comme
étant d'ordre public interne et international. En effet, le principal
argument contre cette affirmation consiste à dire que sont d'ordre
public international, seulement les règles fondamentales des
procédures collectives6, c'est à dire celles
correspondant aux valeurs essentielles d'une société. Mais
puisque ce critère n'est plus aujourd'hui constitutif de l'ordre public,
on peut conclure que la seule volonté du législateur et de la
jurisprudence suffisent à qualifier une règle des
procédures collectives d'ordre public interne et international afin
qu'il n'y soit pas dérogé. Cependant, on peut avancer
l'idée que les règles des procédures collectives se
veulent impératives justement parce qu'elles correspondent aux valeurs
fondamentales de la société.
Quoi qu'il en soit, l'arbitre est tenu de rendre une sentence
conforme aux règles d'ordre public des procédures collective. Et
en matière d'arbitrage interne, ce contrôle est plus strict qu'en
matière internationale.
1 Art 6 C. Civ : << On ne peut déroger, par des
conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre
public et les bonnes mÏurs È.
2 En ce sens, P. Mayer, << La sentence contraire à
l'ordre public au fond È, Rev. arb. 1994, p. 618.
3 J. Ghestin, Traité de droit civil, la formation du
contrat, LGDJ, 3e éd., 1993, n°110
4 Dictionnaire du vocabulaire juridique, Objectif droit, Litec,
2004.
5 En ce sens, P. Mayer, << La sentence contraire à
l'ordre public au fond È, Rev. arb. 1994, p. 619.
6 cf infra, Titre 1, Chapitre 2, Section 1, Sous-section
1, B, 2°.
§ 2 Contrôle de la sentence interne à
l'ordre public
141. Le contrôle des règles de droit
appliquées par l'arbitre est impossible car les arbitres disposent d'une
grande liberté dans le choix des règles applicables et ne sont
pas forcément tenus d'appliquer des règles étatiques.
Aussi, seul un contrôle du respect de l'ordre public par les arbitres est
effectué. Et le Professeur Pierre Mayer souligne qu'Ç un
contrôle n'est justifié que lorsque l'ordre public est
réellement en jeu1 È.
142. Si l'arbitre se doit d'appliquer les règles
d'ordre public, il n'en est pas le gardien2. Aussi, est-ce au juge
de remplir cette tâche en exerçant un contrôle sur les
sentences arbitrales. Cette vérification ne se fait pas au niveau du
raisonnement juridique de l'arbitre mais selon l'impact de la solution rendue
par les arbitres. Selon le Professeur Pierre Mayer, le juge vérifie non
pas que la règle d'ordre public a été bien
appliquée mais que la solution consacrée ne heurte pas l'ordre
public. De sorte qu'une simple erreur de droit peut être
tolérée, mais si les principes fondamentaux de l'ordre juridique
ne sont pas respectés, la sentence encourt l'annulation3. Car
le juge ne peut en aucun cas ordonner l'exécution d'une sentence qui
heurterait l'ordre public.
143. Mais la caractéristique de l'ordre public interne
est, qu'il doit être apprécié de façon rigoureuse
par le juge, alors que le respect par l'arbitre de l'ordre public international
est désormais apprécié de façon souple par le
juge4. Cette solution résulte d'une interprétation
a contrario de la solution donnée par la première
chambre civile de la Cour de Cassation dans un arrêt du 19 novembre
19915. La juridiction suprême déclare Ç l'ordre
public français applicable dans les relations internationales doit
être apprécié de manière moins rigoureuse que
l'ordre public interne È. Par conséquent, le juge
contrôlant le respect de l'ordre public interne par l'arbitre, dans le
cadre d'un arbitrage interne, doit effectuer un contrôle plus strict que
dans le cadre d'un arbitrage international.
144. On peut conclure que si l'arbitre doit avant tout
respecter l'esprit des règles des procédures collectives,
puisqu'une simple erreur de droit peut être tolérée, il
n'en reste pas moins qu'il devra examiner les conséquences des
règles d'ordre public des procédures collectives sur l'instance
arbitrale s'il ne veut pas que sa sentence soit annulée. Cette
obligation est renforcée par le contrôle du juge étatique
qui, s'il est saisi, ne se contentera pas d'un contrôle sommaire de la
conformité de la sentence aux règles d'ordre public des
procédures collectives.
1 P. Mayer, Ç La sentence contraire à l'ordre
public au fond È, Rev. arb. 1994, p. 620.
2 En ce sens, P. Mayer, Ç La sentence contraire à
l'ordre public au fond È, Rev. arb. 1994, p. 620.
3 En ce sens, P. Mayer, op. cit.
4 cf infra, Titre 2, Chapitre 1, Section 2, §2,
B.
5 Cass. civ. 1re, 19 novembre 1991, n° 89-22042.
Sous-section 2 : Procédure collective et arbitrage
international
145. Dans le cadre d'un arbitrage international, comme pour
l'arbitrage interne, l'arbitre est tenu de respecter l'ordre public. Mais
l'ordre public pouvant varier d'un Etat à un autre, il sera tenu de
respecter l'ordre public qualifié d'international (1).
Mais malgré cette subordination à l'ordre
public, l'arbitre conserve sa liberté de choix quant à la
règle applicable au litige dont il conna»t. Néanmoins, en
présence d'une procédure collective, le choix de la règle
peut s'avérer plus délicat (2).
§ 1 Le respect de l'ordre public international dans
le cadre d'un arbitrage international
146. Il convient tout d'abord de préciser les contours
de l'arbitrage qualifié d'international (A) afin de délimiter la
compétence des arbitres, qui dans le cadre d'un arbitrage international
sont subordonnés au respect de l'ordre public international (B).
A - La qualification élargie de l'arbitrage
international
147. Selon l'article 1492 du nouveau Code de procédure
civil, << est international l'arbitrage qui met en cause des
intérêts du commerce international È. Ce qui implique en
principe la présence d'un élément
d'extranéité apprécié en fonction de
critères juridiques. Mais on admet couramment que
l'internationalité de l'arbitrage résulte << de
critères purement économiques, tirés du fond du
litige1 È. Ainsi, la jurisprudence a retenu ce critère
économique pour définir un arbitrage comme étant
international2. Cette appréciation permet d'élargir la
qualification d'arbitrage international qui n'évalue pas
l'extranéité en fonction d'éléments purement
juridiques, ce qui permet d'inclure un nombre plus large d'affaires connues par
les arbitres comme étant internationales.
148. En outre, le Professeur Philippe Fouchard, souligne que
l'arbitrage international peut certes relever de lois nationales mais il
manifeste de plus en plus son autonomie et peut donc relever de règles
autres que celles des lois nationales3. Cette solution tend à
favoriser le règlement des litiges internationaux par l'application de
règles plus libérales lorsque les arbitres les estiment plus
adaptées.
1 Ph. Fouchard, Juris. cl. dr. int., fasc. 585-1 ou Juris. cl.
proc. civ., fasc. 1050, n° 68.
2 Cour d'appel de Paris, 20 septembre 1995,
société Matra Hachette c/ société Reteitalia. En
l'espèce la Cou d'appel considère que la participation de la
société française dans la société italienne
constitue un investissement au delà des frontières et justifie
donc l'internationalité de l'arbitrage.
3 En ce sens, Ph. Fouchard, Juris. cl. proc. civ., fasc. 1050,
n° 69 et 70.
B - La liberté des arbitres subordonnée au
respect de l'ordre public international
149. L'arbitre a un large pouvoir d'appréciation des
règles de droit applicable au litige qu'il doit trancher. Il peut
appliquer le droit national, qui est en principe celui oü l'institution
arbitrale à son siège, mais il peut aussi recourir à
l'application de règles qui ne relèvent pas d'un système
étatique. Ainsi, certaines sentences arbitrales appliquent des
règles consacrées par les conventions internationales ou par la
lex mercatoria.
150. Mais dans tous les cas, l'arbitre doit veiller à
ce que sa sentence soit valable dans l'Etat oü elle est rendue. Pour ce,
le Professeur Bernard Hanotiau précise Ç que la sentence ne doit
pas aller à l'encontre des principes d'ordre public international de
l'Etat du siège1 È.
Cette solution semble logique car au sens du droit
international privé, l'ordre public international recouvre Ç les
valeurs intangibles du for2 È, ce qui correspond aux
principes jugés essentiels au lieu du tribunal saisi du litige. De sorte
que, puisque l'arbitre doit respecter les règles d'ordre public
international, on peut penser qu'il doit trancher le litige en fonction de la
lex fori, c'est à dire la loi du lieu oü la juridiction a
été saisie.
Néanmoins, la loi applicable par l'arbitre n'est pas
nécessairement la lex fori car les parties peuvent
prévoir elles-mêmes la loi applicable pour régler leur
différend, l'arbitre appliquera alors la lex causae. Mais le
choix de la loi applicable se complexifie encore en présence d'une
procédure collective car l'arbitre ne peut pas ignorer la lex
concursus c'est à dire la loi de la faillite. Mais quelle que soit
la règle applicable dans le cadre d'un arbitrage international,
l'arbitre est tenu de respecter l'ordre public international.
151. C'est le juge qui veille au respect par l'institution
arbitrale de l'ordre public international. La particularité de ce
contrôle est que le respect de l'ordre public s'apprécie, non pas
au niveau de la sentence elle même, mais au niveau de sa reconnaissance
ou de son exécution3. Alors qu'en matière d'arbitrage
interne, le contrôle de la sentence se fait au niveau de la solution
consacrée dans la sentence. En outre, l'étude de la jurisprudence
montre une évolution quant à l'appréciation de l'ordre
public en matière d'arbitrage international, ce qui sera traité
ultérieurement4.
1 B. Hanotiau, Ç La loi applicable par l'arbitre en cas de
faillite d'une des parties à la procédure È, Rev. droit.
aff. Int. 1996, p 45.
2 J.-B. Racine, op. cit., p. 489.
3 P. Mayer, op. cit.
4 cf infra, Titre 2, Chapitre 1, Section 2, §2,
B.
§ 2 Loi applicable par les arbitres
152. Si les arbitres disposent d'une grande liberté
quant à la loi applicable, la sentence se doit de respecter les
règles d'ordre public international dans le cadre d'un arbitrage
international Aussi, seront étudiées successivement les
règles applicables par l'arbitre dans le cadre d'un arbitrage
international, selon qu'une procédure collective est ouverte
parallèlement en France (A) ou à l'étranger (B).
A - Arbitrage international et procedure collective
ouverte en France
153. Lorsqu'une procédure collective est ouverte et
que l'arbitre doit trancher un litige, le choix de la règle applicable
peut poser difficulté. Et l'arbitre peut hésiter entre la
règle applicable conformément au choix des parties ou à ce
qu'il estime approprié, et la loi de la procédure collective
d'une partie à l'arbitrage. << Un peu comme si la
compétence exclusive de la juridiction saisie de la procédure
collective pouvait entra»ner par une sorte de mimétisme, une
compétence au fond de la loi de la procédure
collective1 È.
154. Dans le cas oü l'arbitrage est international mais
que la procédure collective a été ouverte en France,
l'existence et l'efficacité de la sentence sont subordonnées au
respect du droit français. Ainsi, la loi française s'impose en
tant que loi de police du tribunal arbitral2. Le Professeur Phocion
Franceskakis définit les lois de police comme celles << dont
l'observation est nécessaire pour la sauvegarde de l'organisation
politique, sociale ou économique du pays3 È. Elles
permettent aux Etats de faire prévaloir leurs intérêts
fondamentaux, au besoin sur la volonté des parties.
155. Ainsi, l'organisation française des
procédures collectives doit être respectée dès lors
que le débiteur fait l'objet d'une procédure collective en
France. Peu importe que le créancier réside en France ou à
l'étranger et que la sentence soit rendue ou non en France4.
En outre, la jurisprudence affirme que les règles d'ordre public
internes et internationales s'appliquent, même si la créance
litigieuse n'est pas soumise à la loi française.
156. Ainsi, la Cour de cassation dans un arrêt Almira
Film contre Pierrel du 5 février 19915 rappelle l'obligation
pour les arbitres d'appliquer les principes qui dominent le droit de faillite
même si l'arbitrage n'est pas soumis à la loi française,
dès lors qu'il se déroule en France6. En
l'espèce, dans
1 D. Vidal, Bulletin de la Cour internationale d'arbitrage de la
CCI, Vol.20/1, 2009, p. 64.
2 En ce sens, E. Loquin, RTD Com. 2009, p. 546.
3 Répertoire Dalloz de droit international, v°
Conflit de lois, n° 137.
4 En ce sens, P. Mayer, << La sentence contraire à
l'ordre public au fond È, Rev. arb. 1994, p. 641.
5 Cass. Civ. 1re, 5 février 1991 - Sté Almira Films
c/ Pierrel, ès qualités - n° 89-14.382, Bull. Civ. 1991, I,
n° 44, p. 28.
6 En ce sens, B. Hanotiau, << La loi applicable par
l'arbitre en cas de faillite d'une des parties à la procédure
È, Rev. droit. aff.
le cadre d'un arbitrage international, les parties choisissent
de se référer au règlement d'arbitrage pour
résoudre leur litige. Il en résulte que la loi française
ne s'appliquait pas. Pourtant, la Haute juridiction considère que les
arbitres doivent appliquer les règles françaises de la
procédure collective dès lors qu'il y a une interférence
entre un arbitrage international et une procédure collective ouverte en
France.
De même, l'arbitrage soumis à une loi
étrangère mais qui met en cause un débiteur dont la
procédure collective est ouverte en France, devra respecter les
règles d'ordre public internationales d'arrêt des poursuites, de
dessaisissement du débiteur, d'interruption de l'instance qui sont
applicables.
157. Par conséquent, dès lors qu'une
procédure collective est ouverte en France, l'arbitre doit examiner son
influence sur l'instance arbitrale et se soumettre aux règles d'ordre
public internationales consacrées par le droit français.
B - Arbitrage international et procédure collective
ouverte à l'étranger
158. Dans les relations internationales, les parties
conviennent souvent d'un arbitrage pour éviter que leur différend
ne soit tranché par les juridictions étatiques de la partie
adverse. Pourtant, l'ouverture d'une procédure collective contre l'une
des parties à l'arbitrage peut venir complexifier cette volonté
initiale. L'arbitre se voit alors imposer le respect des règles des
procédures collectives (1°), car << la loi de l'Etat
d'ouverture d'une faillite régit en principe tous ses effets
juridiques1 È. En outre, ils doivent tenir compte des
règles d'ordre public du lieu oü la sentence peut faire l'objet
d'un exequatur (2°).
1 Le respect par l'arbitre de la lex
concursus2
159. En droit français, les règles d'ordre
public internes bien qu'ayant aussi la qualification de règles d'ordre
public international ne permettent pas d'évincer une règle
différente dans un pays étranger dès lors que la
procédure collective est ouverte à l'étranger.
Certes, dès lors qu'une procédure collective est
ouverte en France, les règles d'ordre public international qui la
régissent doivent être respectées. Mais si une
procédure collective est ouverte en dehors du territoire
français, ce sont les règles étrangères qui
s'appliquent, sans qu'elles puissent être exclues au nom de l'ordre
public international3. Car l'ordre public international n'est
<< pas un concept utilisé dans le cadre de l'éviction d'un
droit étranger4 È.
Int. 1996, p 45.
1 En ce sens, P. Mayer, << La sentence contraire à
l'ordre public au fond È, Rev. arb. 1994, p. 43.
2 La lex concursus correspond à la loi de la faillite. En
ce sens, B. Hanotiau, op. cit., p.30.
3 En ce sens, P. Mayer, << La sentence contraire à
l'ordre public au fond È, Rev. arb. 1994, p. 41.
4 J.-B. Racine, op. cit., p. 503.
160. Ainsi, un jugement étranger ayant appliqué
dans le cadre d'une procédure de failite ouverte à
l'étranger une loi étrangère ne connaissant pas les
principes français des procédures collectives, peut s'appliquer
en France. Car l'ordre public international ne s'oppose pas aux effets en
France d'un jugement étranger1. Donc le but de l'ordre public
international n'est pas d'évincer une décision
étrangère au for.
Cependant, dès lors qu'une procédure collective
est ouverte en France, l'arbitre étranger se doit de respecter les
règles du droit français des procédures collectives.
161. Il se peut que des procédures collectives
concurrentes soient ouvertes dans différents pays à l'encontre
d'un même débiteur. Cette hypothèse présente un fort
potentiel de multiplication des conflits, du fait de la pluralité de
règles et de compétences impératives. Néanmoins, il
est tout à fait possible d'ouvrir une procédure secondaire
à coté d'une procédure collective principale ouverte dans
un autre pays.
L'arbitre devra alors << appliquer les règles de
droit choisies par les parties ou à défaut par lui même,
sans être tenu de respecter les autres lois, fussent-elles des lois de
police2 È. Mais le Professeur Philippe Fouchard souligne
néanmoins qu'il est opportun pour l'arbitre de prendre en compte les
règles d'ordre public international du pays oü l'exécution
de sa sentence sera requise.
2° La prise en compte par l'arbitre de l'ordre
public du lieu oü est exécutée la sentence
162. L'arbitre étant dépourvu d'imperium
il peut avoir besoin du juge pour ordonner la mise en oeuvre de sa
décision. En effet, l'arbitre ne peut pas donner force exécutoire
à sa sentence mais on peut penser qu'il a pour objectif de
résoudre définitivement le litige des parties. Cependant le juge
du lieu d'exécution de la sentence n'autorisera son exécution sur
son territoire que si elle a été rendue conformément
à une loi de police de son for. C'est pourquoi l'arbitre a tout
intérêt à prendre en compte les règles d'ordre
public international oü sa sentence va être
exécutée3.
163. Ainsi, si la sentence doit prendre effet en France,
l'arbitre doit respecter les règles des procédures collectives
françaises faute de quoi le juge français chargé du
contrôle de la sentence rejettera son application. Par conséquent,
au nom de l'ordre public international, la jurisprudence française
impose à l'arbitre, qu'il soit étranger ou international, de
respecter les principes fondamentaux du droit français de la faillite,
pour peu que ce droit soit applicable en l'espèce.
1 J.-B. Racine, op. cit., p. 503 et s.
2 Ph. Fouchard, <<Arbitrage et faillite È, Rev. arb.
1998, p. 479 et s.
3 En ce sens, J.-B. Racine, op. cit., p. 292 et s.
164. En ce sens, une sentence dite Casa contre
Cambior1 rendue le 26 décembre 1990 souligne que Ç les
arbitres ne doivent pas prendre de décision qui violerait les principes
fondamentaux considérés par le juge de l'exequatur comme d'ordre
public international2 È.
En l'espèce, le tribunal arbitral rejette la demande
de Cambior d'obtenir une caution bancaire afin de garantir l'éventuelle
condamnation du défendeur, Casa. La sentence se fonde sur le droit
luxembourgeois alors même que les parties avaient choisi l'application du
droit suisse dans leur convention d'arbitrage. Les arbitres considèrent
que le droit des procédures collectives luxembourgeois prévoyant
le principe d'égalité des créanciers s'oppose à
cette demande. L'intérêt de cette solution réside dans le
fait que les arbitres écartent le droit suisse pour retenir les
règles d'ordre public du Luxembourg car c'est le lieu oü sera
exécuté la sentence. Ce qui justifie que l'arbitre écarte
la lex causae3 afin d'assurer l'efficacité de sa
sentence. Néanmoins, leur sentence n'est efficace que parce que sont
respectées les règles d'ordre public des procédures
collectives, même s'ils disposent d'une marge de manoeuvre quant au choix
de la législation étatique référente.
165. On peut conclure qu'en matière d'arbitrage
interne, la primauté des règles des procédures collectives
ne fait pas de doute et l'arbitre doit respecter ces règles d'ordre
public sous peine de nullité de sa sentence. En matière
internationale, les règles françaises des procédures
collectives s'appliquent dès lors que la procédure collective est
ouverte en France. Mais si la procédure collective est ouverte à
l'étranger, les règles françaises des procédures
collectives sont évincées sauf dans le cas oü la sentence
doit être effectuée en France. On peut donc conclure que la
primauté des procédures collectives est étendue. Mais la
mise sous Ç tutelle4 È de l'arbitrage n'est pas totale
et on constate une dynamique jurisprudentielle tendant à donner plus de
force à cette justice privée.
1 Sentence CCI, n°6697.
2 En ce sens, P. Mayer, Ç La sentence contraire à
l'ordre public au fond È, Rev. arb. 1994, p. 47.
3 Locution latine signifiant la loi de la cause.
4 Expression empruntée à F. Carpi, Ç
Ouverture È, Médiation et arbitrage, dir. L. Cadiet, Pratique
professionnelle, Litec, 2005, p. 205.
TITRE 2 : MAINTIEN EFFECTIF DE L'ARBITRAGE FACE
AUX PROCÉDURES COLLECTIVES
166. Si les règles des procédures collectives
prédominent largement les relations entre procédures collectives
et arbitrales, l'instance arbitrale ne se contente pas d'exister malgré
l'ouverture d'une procédure collective. Elle dispose de réelles
prérogatives, qui résultent en partie de la double nature
contractuelle et juridictionnelle de l'arbitrage. Ainsi, les pouvoirs publics
reconnaissent la validité d'une convention d'arbitrage. Cela s'explique
par la nécessité de respecter les engagements contractuels des
parties, mais aussi par le caractère juridictionnel de l'arbitrage, qui
lui confère une efficacité non contestable. Cependant, la
persistance de la compétence arbitrale face aux procédures
collectives (Chapitre 1) s'explique également par l'évolution de
la jurisprudence. En effet, cette dernière tend à renforcer la
compétence arbitrale, en la faisant parfois primer sur la
compétence des acteurs de la juridiction étatique.
Il en résulte un maintien effectif de l'arbitrage, qui
certes doit respecter les règles d'ordre public des procédures
collectives mais qui dispose parallèlement d'une grande autonomie. Cette
liberté de l'arbitre s'accompagne en matière internationale d'un
assouplissement du contrôle de la juridiction étatique. Par
conséquent, c'est la justice étatique elle même qui
contribue au renforcement de l'efficacité de la justice arbitrale.
167. Mais si l'arbitrage tend à réaffirmer sa
force en présence d'une procédure collective, il n'en
résulte pas un simple rapport de force entre ces deux procédures.
En effet, les juridictions étatique et arbitrale tentent de se
coordonner (Chapitre 2). Cela se manifeste via l'échange d'informations
mais aussi par la capacité du juge à contrôler la sentence
arbitrale, lui donner force exécutoire ou de conna»tre des voies de
recours. En effet, les pouvoirs du juge une fois la sentence arbitrale rendue
sont étendus. Mais l'examen de la pratique montre que la juridiction
étatique n'a pas pour but d'anéantir la sentence arbitrale. Son
droit de regard se fait dans une volonté de construction et
d'harmonisation afin de concilier l'efficacité de la sentence avec les
valeurs fondamentales de la justice étatique. Ainsi, justice
étatique et justice arbitrale apparaissent complémentaires car le
juge veille sur l'institution arbitrale et l'encourage. Néanmoins,
l'efficacité de la sentence arbitrale n'est pas totale. Ainsi, des
contentieux post-arbitraux subsistent et la jurisprudence actuelle n'est pas
encore enclin à recourir à la technique de Ç l'anti-suit
injunctionÈ pour faire prévaloir la volonté des parties de
recourir à l'arbitrage.
Pour autant, le maintien de l'arbitrage face aux
procédures collectives est effectif. Il manifeste une reconnaissance
mutuelle de la justice étatique et de la justice privée, et
s'accompagne d'une volonté de se coordonner.
Chapitre 1 : Résistance de l'institution de
l'arbitrage face aux procédures collectives
168. L'arbitrage est un mode alternatif de règlement
des litiges dont la nature juridictionnelle est depuis longtemps reconnue, cela
confère à l'arbitre des pouvoirs efficaces qui, bien que
limités, ne cessent de s'accro»tre. L'essor quantitatif de
l'arbitrage s'accompagne donc d'un regain d'efficacité comme en
témoigne l'évolution de la compétence de l'arbitre. La
consécration de la compétence arbitrale se manifeste tant dans
l'élargissement de sa compétence traditionnelle (section 1), que
dans l'appréciation assouplie des règles applicables par les
arbitres (section 2).
Section 1 : La consécration de la
compétence de l'arbitre
169. L'évolution de la compétence de l'arbitre
s'explique par la volonté de ne pas trop entraver l'arbitrage sans quoi
il perdrait de son intérêt. Après avoir
précisé les contours du pouvoir des arbitres (Sous-section 1),
l'examen de la jurisprudence récente permettra d'établir
l'élargissement de leurs compétences (Sous-section 2).
Sous-section 1 : Compétence traditionnelle de
l'arbitre
170. L'étendue des pouvoirs de l'arbitre dépend
en grande partie de la nature hybride de l'arbitrage, à la fois
procédure contractuelle résultant de la volonté des
parties, et procédure juridictionnelle reconnue de façon unanime
et incontestable (1). Il en résulte le principe de
compétencecompétence (2), en vertu duquel les arbitres sont seuls
compétents pour statuer sur leur compétence.
§ 1 Les effets de la double nature contractuelle et
juridictionnelle de l'arbitrage
171. Le maintien de la compétence arbitrale
malgré l'ouverture d'une procédure collective résulte du
caractère contractuel de l'arbitrage et de la volonté de donner
force obligatoire à la convention des parties (A). Mais la force de
l'arbitrage ne s'arrête pas là, et du fait de sa mission
juridictionnelle, les sentences de l'arbitre ont une portée telle
qu'elles se posent, dans une certaine mesure, en véritable concurrentes
des jugements étatiques (B).
A - La force obligatoire de la convention d'arbitrage
172. La caractéristique de l'arbitrage est de
soustraire aux juridictions étatiques un litige dont elles devraient
normalement conna»tre. Cette compétence arbitrale se justifie
d'abord par la force obligatoire de la convention d'arbitrage1. En
effet, l'article 1134 alinéa 1 dispose : << Les conventions
légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont
faites È. Ce principe connu sous la locution latine pacta sunt
servanda signifie que les conventions, parmi lesquelles celles
prévoyant le recours aux arbitres, doivent être respectées.
Par conséquent, dès lors que les parties ont convenu de recourir
à l'arbitrage, les arbitres sont compétents même en
présence d'une procédure collective.
173. Pourtant, on ne peut méconna»tre le principe
selon lequel, dès lors qu'une procédure collective est ouverte,
les litiges l'intéressant relèvent de la compétence
exclusive des juges étatiques afin d'éviter une dispersion du
contentieux et d'assurer l'efficacité des procédures collectives.
Cependant, comme nous l'avons vu précédemment2,
l'arbitrage n'est pas exclu du seul fait de l'ouverture d'une procédure
collective. C'est pourquoi Madame Giorgini souligne que, la vis attractiva
concursus, définie comme la force d'attraction qu'exercent les
procédures collectives sur toutes les questions l'intéressant,
<< n'a pas reçu une véritable
consécration3 È.
174. Il en résulte que l'arbitre, saisi valablement,
est compétent pour conna»tre des créances litigieuses
même en présence d'une procédure collective . Et dès
lors que l'arbitre est compétent, la juridiction étatique ne peut
conna»tre du litige.
Cette solution est conforme à l'article 1458
alinéa 1 du nouveau Code de procédure civile4 en vertu
duquel dès lors qu'une action d'arbitrage existe, la juridiction
étatique doit se déclarer incompétente. Et il n'y a pas
lieu de distinguer selon que l'instance arbitrale est en cours ou non au jour
du jugement d'ouverture de la procédure collective.
Cependant, il convient de rappeler que la liberté
contractuelle des parties est limitée par l'ordre public. Or les
procédures collectives sont largement régies par des
règles d'ordre public, destinées à protéger
l'intérêt général sur l'intérêt
particulier. Elles peuvent donc, de ce fait, évincer la volonté
des parties de recourir à l'arbitrage.
1 En ce sens, X. Linant de Bellefonds, L'arbitrage et la
médiation, Que sais-je ?, 2003, p. 3.
2 cf infra Titre 1, Chapitre 1, Section 1, Sous section
2, §1, A.
3 G. C. Giorgini, << Méthode conflictuelles et
règles matérielles dans la faillite internationale È,
Nouvelle Bibliothèque de Thèses, Dalloz, thèse Nice 2004,
p. 546 et s.
4 Art 1458 al 1 NCPC : << Lorsqu'un litige dont un tribunal
arbitral est saisi en vertu d'une convention d'arbitrage est porté
devant une juridiction de l'Etat, celle-ci doit se déclarer
incompétente È.
175. Mais si les règles d'ordre public peuvent limiter
l'ouverture d'une instance arbitrale, dès lors que le tribunal arbitral
est valablement saisi, sa force contractuelle prime et exclut la
compétence d'une juridiction étatique.
En outre, la sentence arbitrale alors rendue par l'arbitre n'est
pas dépourvue d'efficacité, car sa nature juridictionnelle la
pose en véritable concurrente de la justice étatique.
B - La force de la sentence arbitrale
176. L'arbitre n'est pas que l'exécutant de la
volonté des parties car il dispose également d'une
véritable mission juridictionnelle. Ainsi, il possède le
juridictio, défini comme le pouvoir de dire le droit, et qui
peut tout à fait s'exercer dans le contexte des difficultés des
entreprises1. En vertu de ce pouvoir, les sentences arbitrales ont
l'autorité de la chose jugée, conformément à
l'article 1476 du nouveau Code de procédure civile2. De sorte
que, ce qui a été jugé par les arbitres a la même
force probante qu'un acte authentique et ne pourra pas être
rejugé, pas même par une juridiction étatique. Notons
cependant que cette sentence conserve un caractère contractuel et
qu'elle n'est donc pas opposable aux tiers.
En outre, si l'arbitre possède le juridictio,
à l'instar du juge étatique, il ne dispose pas pour autant de
l'imperium. Ce pouvoir, délégué par la puissance
publique, permet au seul juge de << mettre la formule exécutoire
dans ses décisions3 È. En conséquence, la
sentence de l'arbitre est revêtue de l'autorité de la chose
jugée mais n'a pas de force exécutoire.
177. Il résulte de ces constatations une autonomie de
la compétence arbitrale vis-à-vis de la compétence
étatique. D'une part, si le tribunal arbitral est valablement saisi, il
exclut la compétence des juridictions étatiques ; d'autre part,
le recours à l'arbitrage procède d'un fonctionnement qui lui est
propre et qui se distingue des règles applicables au sein d'une
procédure étatique. Cette autonomie de l'arbitre face au juge est
d'autant plus forte que les arbitres bénéficient du principe de
compétence-compétence.
§ 2 Le principe de
compétence-compétence de l'arbitre
178. Le principe de compétence-compétence dont
bénéficie l'arbitre résulte de la nature contractuelle de
l'arbitrage4. Il jouit de ce fait d'une grande liberté
vis-à-vis du juge, puisque il statue lui même
1 En ce sens, D. Vidal, Procédures collectives et
procédures d'arbitrage : quelle rencontre ?, Gaz. Pal. 31 octobre 2009,
n° 304, p. 3.
2 Art 1476 NCPC : << La sentence arbitrale a, dès
qu'elle est rendue, l'autorité de la chose jugée relativement
à la contestation qu'elle tranche È.
3 X. Linant de Bellefonds, L'arbitrage et la médiation,
Que sais-je ?, 2003, p. 3.
4 En ce sens, L. Gouiffès, << L'arbitrage
international propose-t-il un modèle original de justice ? È,
Recherche sur l'arbitrage en droit international et comparé,
mémoire, LGDJ, 1997, p. 5 et s.
sur sa propre compétence. Après examen de
l'étendue de ce privilège conféré à
l'arbitre (A), il conviendra d'examiner les limites de ce principe et d'en
apprécier la portée (B) .
A - L'étendue du principe de
compétence-compétence
179. La singularité de la mission arbitrale
résulte notamment du pouvoir de l'arbitre. En effet, l'arbitre dispose
d'un pouvoir de compétence-compétence consacré à
l'article 1466 du nouveau Code de procédure civile1 et qui
désigne la compétence de l'arbitre de statuer sur sa propre
compétence. L'objectif de ce principe est de respecter l'intention des
parties de recourir à l'arbitrage. En effet, Monsieur Georges A. Bermann
souligne que <<plus on mettra d'obstacle à l'arbitrage (...), plus
on s'éloignera des objectifs de l'arbitrage2 È. C'est
pourquoi, les arbitres sont toujours compétents pour statuer sur leur
propre compétence.
180. Par conséquent, ils contrôlent eux même
l'étendue de leur investiture en vérifiant, par exemple, que
l'objet du litige est conforme à celui que lui attribue la clause
compromissoire3. Mais leur pouvoir ne s'arrête pas là,
car ils peuvent également interpréter la clause d'arbitrage. Les
pouvoirs de l'arbitre sont donc étendus et résultent du
caractère autonome de l'arbitrage. Aussi, l'institution arbitrale est
qualifiée par Monsieur Gouiffès de <<justice sui
generis4 È, en ce sens oü l'arbitrage est d'un
genre particulier qui obéit à ses propres règles,
concurremment à la justice étatique.
181. En outre, le principe de
compétence-compétence de l'arbitre est complété,
selon la doctrine de la séparabilité, par une indépendance
de la clause compromissoire et du contrat qui la contient. De sorte que
même si le contrat contenant la clause compromissoire est nul ou
inapplicable, une instance arbitrale peut être ouverte si l'arbitre le
décide5. Il en résulte un renforcement de l'autonomie
arbitrale car l'arbitrage peut être rendu sur la seule décision de
l'arbitre et indépendamment de la validité du contrat qui la
contient. De plus, en matière internationale, la jurisprudence a
consacré la validité de la convention d'arbitrage
indépendamment de toute loi étatique6.
1 Art 1466 NCPC : << Si, devant l'arbitre, l'une des
parties conteste dans son principe ou son étendue le pouvoir
juridictionnel de l'arbitre, il appartient à celui-ci de statuer sur la
validité ou les limites de son investiture È.
2 G. A. Bermann, << Le rôle respectif des cours et
des arbitres dans la détermination de la compétence arbitrale
È, L'arbitrage, Dalloz, Archives de philosophie du droit, tome 52, p.
121.
3 X. Linant de Bellefonds, op. cit., p.61 précise que
<< les contestations relatives à l'étendue du pouvoir
juridictionnel de l'arbitre se produisent en présence d'une clause
compromissoire, laquelle à la différence du compromis, n'a pas
à déterminer l'objet du litige È.
4 L. Gouiffès, << L'arbitrage international
propose-t-il un modèle original de justice ? È, Recherche sur
l'arbitrage en droit international et comparé, mémoire, LGDJ,
1997, p. 5.
5 En ce sens, G. A. Bermann, << Le rôle respectif des
cours et des arbitres dans la détermination de la compétence
arbitrale È, L'arbitrage, Dalloz, Arch.Phil. dr., tome 52, p. 121.
6 Cass., civ. 1re, 4 juillet 1972, n° 70-14.163, Bull. des
arrêts de la Cass., n°175, p. 154 : << En matière
d'arbitrage international, l'accord compromissoire présente une
complète autonomie juridique. La clause compromissoire
insérée dans
182. Lorsque l'arbitre se prononce sur la validité de
son investiture et de ses limites, le Professeur Dominique Vidal parle Ç
d'effet positif È du principe de compétence-compétence.
Mais il précise néanmoins qu'il a pour corollaire un Ç
effet négatif1 È. Car ce principe, en faisant primer
la compétence de l'arbitre, Ç interdit au juge étatique de
se prononcer en premier sur la validité et le champ d'application de la
convention d'arbitrage2 È, conformément à
l'article 1458 alinéa 1 du nouveau Code de procédure
civile3.
183. Cette compétence prioritaire de l'arbitre est
affirmée de façon constante par la jurisprudence4 et
ce même si une procédure collective a été
ouverte5. C'est ce qu'illustre un arrêt récent de la
Cour de Cassation, en date du 3 février 20106. En
l'espèce, après l'ouverture de la procédure de liquidation
judiciaire, le liquidateur d'une société franchisée
assigne le franchiseur devant la juridiction étatique en invoquant la
nullité du contrat de franchise. Mais le franchiseur se prévaut
de la clause compromissoire et invoque de ce fait l'incompétence des
juridictions étatiques. La Cour d'appel pour rejeter la
compétence de l'institution arbitrale retenait que la clause
compromissoire contenue dans le contrat de franchise ne concernait que les
parties et que de ce fait le liquidateur n'était pas partie à
l'acte et ne pouvait donc pas se prévaloir de la convention
d'arbitrage.
Mais la Haute juridiction considère que viole le
principe de compétence-compétence, la décision de la Cour
d'appel qui interdit la saisine du tribunal arbitral alors que n'est pas
établi Ç la nullité ou l'inapplicabilité de la
clause d'arbitrage, seule de nature à faire obstacle à la
compétence prioritaire de l'arbitre È. Cet arrêt s'inscrit
dans la droite ligne de l'article 1458 du nouveau Code de procédure
civile7, affirmant le principe de
compétence-compétence. Mais il convient de souligner que la
compétence de l'arbitre n'est ici retenue que parce que Ç
l'action était indépendante de la procédure collective
È, le litige était donc arbitrable.
un contrat international doit donc recevoir application et ce,
quand bien même elle serait prohibée par la loi française
È.
1 En ce sens, D. Vidal, Droit français de l'arbitrage
commercial international, Gualino, 2004, p.171.
2 P. Ancel, rev. arb. 2004, p. 591 et s.
3 Art 1458 al 1 NCPC : Ç Lorsqu'un litige dont un tribunal
arbitral est saisi en vertu d'une convention d'arbitrage est porté
devant une juridiction de l'Etat, celle-ci doit se déclarer
incompétente.
4 Cass. civ. 1re, 1 décembre 1999, n° 97-21488, Rev.
arb. 2000, p. 96.
Cass. civ. 1re, 26 juin 2001, n°99-17120, Rev. arb. 2001,
p. 529, Ç Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans relever la
nullité manifeste de la convention d'arbitrage, seule de nature à
faire obstacle au principe susvisé, qui consacre la priorité de
la compétence arbitrale pour statuer sur l'existence, la validité
et l'étendue de la convention d'arbitrage, la cour d'appel n'a pas
donné debase légale à sa décision È.
5 CA Paris, 20 septembre 1995, société Matra
Hachette c/ société Reteitalia.
6 Ç Viole le principe
compétence-compétence la cour d'appel qui statue sur une action
en responsabilité de droit commun, indépendante de la
procédure collective ouverte à l'encontre de l'une des parties,
par des motifs impropres à établir le caractère manifeste
de la nullité ou de l'inapplicabilité de la clause d'arbitrage,
seule de nature à faire obstacle à la compétence
prioritaire de l'arbitre pour statuer sur l'existence, la validité et
l'étendue de la convention d'arbitrage È, Cass. civ. 1re, 3
février 2010, n°09-12669.
7 Art 1458 NCPC : Ç Lorsqu'un litige dont un tribunal
arbitral est saisi en vertu d'une convention d'arbitrage est porté
devant une juridiction de l'Etat, celle-ci doit se déclarer
incompétente. Si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi, la
juridiction doit également se déclarer incompétente
à moins que la convention d'arbitrage ne soit manifestement nulle. Dans
les deux cas, la juridiction ne peut relever d'office son incompétence
È.
Néanmoins, même lorsque le litige est inarbitrable,
en vertu du principe de compétencecompétence, c'est à
l'arbitre de retenir ou non la validité de son investiture.
B - La portée restreinte des limites au principe de
compétence-compétence
184. Bien entendu, le principe de
compétence-compétence ne signifie pas nécessairement que
l'arbitre sera compétent pour trancher le litige. En effet, il peut tout
à fait se limiter à constater son incompétence. Mais la
force de l'arbitrage tient dans le fait que lui seul peut en décider.
185. En outre, le principe de
compétence-compétence conna»t des exceptions. Dès
lors que la clause est manifestement nulle, le juge étatique peut
l'écarter et par conséquent se déclarer
compétent1. Mais cette nullité manifeste fait l'objet
d'une interprétation étroite par la jurisprudence qui retient que
seule une nullité manifeste peut faire obstacle à
l'arbitrage2.
On s'est demandé par le passé si la
compétence arbitrale n'était pas qu'une exception à la
compétence judiciaire3 puisque le juge étatique peut
avoir la faculté d'écarter la compétence arbitrale. Mais
cette hypothèse ne se produit que de façon sporadique et la
conception selon laquelle elle justifierait la compétence principale du
juge étatique pour reléguer la compétence arbitrale au
rang d'exception ne semble aujourd'hui plus d'actualité. C'est donc
l'inapplicabilité manifeste de la clause d'arbitrage qui constitue une
exception au principe de compétencecompétence4.
186. Aussi, la jurisprudence tend à faire une
application restreinte de cette exception permettant au juge de se prononcer
sur la validité de la convention d'arbitrage lorsque le tribunal
arbitral n'a pas encore été constitué.
Dans un arrêt dit Zanzi contre De Coninck, en date du 5
janvier 19995, la Cour de Cassation fait une nouvelle application du
l'article 1458 alinéa 2 du nouvau Code de procédure
civile6, selon lequel la juridiction étatique, saisie d'un
litige soumis à un tribunal arbitral peut retenir sa compétence
lorsque la convention d'arbitrage est manifestement nulle.
1 En ce sens, D. Vidal, Droit français de l'arbitrage
commercial international, Gualino, 2004, p. 175.
2 Cass. civ. 1re, 1 décembre 1999, n° 97-21488, Rev.
arb. 2000, p. 96 et s.
Ç Attendu que pour déclarer le tribunal de
commerce compétent pour statuer sur le litige (...), l'arrêt
attaqué retient, par motifs adoptés, que le litige,
consécutif à la rupture d'un contrat de licence stipulant une
clause d'arbitrage CCI, est survenu après la fin du contrat, de sorte
qu'il n'entrait pas dans l'objet de la convention d'arbitrage qui ne visait que
les litiges relatifs à l'interprétation et à
l'exécution du contrat. Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans
relever la nullité manifeste de la convention d'arbitrage, seule de
nature à faire obstacle à l'application du principe
susvisé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale
à sa décision È.
3 V.D. Vidal, Droit français de l'arbitrage commercial
international, Gualino, 2004, p. 175.
4 En vertu de l'art 1458 NCPC : Ç Si le tribunal arbitral
n'est pas encore saisi, la juridiction doit également se déclarer
incompétente à moins que la convention d'arbitrage ne soit
manifestement nulle È.
5 Cass., civ.1re, 5 janvier 1999, Zanzi c/ De Coninck, n°
96-21.430, Bull. 1999, I n° 2, p. 1
6 Art 1458 al 2 NCPC : Ç Si le tribunal arbitral n'est pas
encore saisi, la juridiction doit également se déclarer
incompétente à moins que la convention d'arbitrage ne soit
manifestement nulle È.
En l'espèce, la Cour d'appel avait donnée droit
à la demande de nullité de la convention d'arbitrage introduite
devant le Tribunal de commerce par une partie avant même que le tribunal
arbitral soit saisi. La Cour de cassation censure la solution des juges du
fond. Elle considère que lorsque le tribunal arbitral n'est pas saisi,
même si la clause d'arbitrage est manifestement nulle, la partie ne peut
introduire une demande de nullité à titre principal devant les
juridictions étatiques. Le Professeur Eric Loquin souligne que cette
solution se Ç justifie par la force du principe de
compétence-compétence qui réduit au minimum les cas
oü le juge de l'Etat doit vérifier à la place du tribunal
arbitral la validité de la convention d'arbitrage1 >>.
Si les exceptions légales au principe de
compétence-compétence subsistent, l'interprétation
limitée qu'en fait la jurisprudence renforce une fois de plus
l'efficacité du recours à l'arbitrage.
Sous-section 2 : Persistance de la compétence de
l'arbitre
187. Si on ne peut pas nier l'incidence d'une
procédure collective sur un arbitrage en cours2, ni
même sur l'ouverture d'une instance arbitrale3, il n'en reste
pas moins que l'examen de la jurisprudence récente tend à
démontrer la persistance de la compétence arbitrale en
présence d'une procédure collective. Ainsi, dans certaines
circonstances Ç l'ouverture de la procédure collective n'entame
pratiquement pas la compétence des arbitres pour conna»tre des
litiges qui leur ont été contractuellement confiés
4>>. Lorsqu'une procédure collective est en cours mais
que l'instance arbitrale n'a pas été saisie, la jurisprudence
limite la compétence du juge commissaire (1) une fois la
procédure de vérification des créances effectuées.
Il en résulte un regain d'efficacité de la compétence
arbitrale (2).
§ 1 Compétence du juge commissaire
limitée lorsque l'instance arbitrale n'est pas saisie
188. La Cour de cassation, dans un arrêt
sociétés Cutting et Industry contre Alstom Power Turbomachines,
en date du 2 juin 20045, statue sur la question de la
compétence du juge commissaire afin de déterminer s'il peut
statuer sur le bien fondé de créances en présence d'une
clause d'arbitrage. En l'espèce, les sociétés Cutting et
Industry sont mises en redressement judiciaire. La société Alstom
Power Turbomachines déclare ses créances à la
procédure afin de pouvoir faire valoir ses droits à paiement
à la clTMture de la procédure. Mais lors de la
vérification de ses créances, la société invoque
une clause d'arbitrage.
1 E. Loquin, RTD Com. 1999, p. 380.
2 cf infra, Titre 1, Chapitre 1, Section 2, Sous-section
1.
3 cf infra, Titre 1, Chapitre 1, Section 2, Sous-section
2.
4 P. Ancel, rev. arb. 2004, p. 591 et s.
5
Cass. Com., 2 juin 2004 - Sté
Industry et autres c/ Sté Alstom Power Turbomachines - n°
02-18.700, Bull. civ. 2004, IV,n° 110, p. 114.
La juridiction commerciale considère que le juge
commissaire est compétent pour statuer sur la contestation du bien
fondé des créances. Mais la Cour d'appel infirme le jugement et
la Cour de cassation confirme cette solution au motif que << lorsque
l'instance arbitrale n'est pas en cours au jour du jugement d'ouverture, le
juge commissaire, saisi d'une contestation et devant lequel est invoquée
une clause compromissoire, doit, après avoir, le cas
échéant, vérifié la régularité de la
déclaration de la créance, se déclarer incompétent
à moins que la convention d'arbitrage ne soit manifestement nulle ou
inapplicable È.
189. Par conséquent, lorsqu'une clause compromissoire
est invoquée devant le juge commissaire, celui-ci doit se
déclarer incompétent et sa seule mission est de vérifier
la régularité de la déclaration de la créance.
Ainsi, la juridiction étatique doit se déclarer
incompétente lorsque le tribunal arbitral n'est pas encore saisi,
à moins que la convention d'arbitrage soit manifestement nulle ou
inapplicable.
190. Le créancier muni d'une clause compromissoire ne
peut saisir le tribunal arbitral qu'après déclaration et
vérification de sa créance. Mais désormais, une fois cette
formalité accomplie, le juge commissaire n'est plus compétent et
seul l'arbitre peut statuer sur le bien fondé de la créance.
Même si la Haute juridiction ne le dit pas, on peut penser que la
compétence des arbitres résulte de l'article 1458 du nouveau Code
de procédure civile qui consacre le principe de
compétencecompétence de l'arbitre1, puisque une fois
déclaration et vérification des créances
effectuées, la question de leur bien fondé échappe au juge
commissaire.
191. Le Professeur Alain Lienhard souligne la
modularité du juge commissaire qui en l'espèce
<<décline sa compétence au profit du tribunal
arbitral2 È. Ainsi, tantôt le juge commissaire a un
rôle incontournable de vérification des
créances3, tantôt sa compétence est
écartée au profit de l'arbitre qui est seul habilité
à statuer sur le bien fondé de la créance.
§ 2 Regain d'efficacité de la
compétence arbitrale
192. Cette solution est une véritable révolution.
Auparavant, la jurisprudence4 considérait que lorsque
l'ouverture de la procédure collective était antérieure
à l'instance arbitrale, le créancier ne pouvait
1 En ce sens, D. Touchent, LPA, 21 juillet 2004, n°145, p.
15 et s.
2 A. Linhard, op. cit.
3 cf supra, Titre 1, Chapitre 2, Section 1, Sous-section
2.
4 << lorsque la procédure d'arbitrage n'a pas
commencé avant l'ouverture du redressement, le créancier... ne
peut plus saisir le tribunal arbitral mais seulement déclarer sa
créance et attendre sa vérification È.
CA Paris, 30 mars 1999,Consorts de Coninck c/ M. Zanzi et
société Torelli ès qual.
CA Paris, 3 mars 1998, sté toulousaine d'exploitation
cinématographique c/ sté Polygram Film Distribution.
plus saisir le tribunal arbitral et le juge commissaire se
voyait réserver la décision d'admission ou de rejet de la
créance1.
Désormais, le tribunal arbitral est seul
compétent pour statuer sur l'existence et le montant d'une
créance dès lors que l'instance arbitrale n'était pas en
cours au jour du jugement d'ouverture. Cela à pour effet, malgré
les défaillances de l'entreprise, de faire primer la liberté
contractuelle des parties, maintes fois malmenée par la Cour de
Cassation.
193. Pour conclure, il résulte des deux arrêts
du 2 juin 2004, l'arrêt dit Gaussin contre Alstom vu
précédemment2 et celui dit Industry contre Alstom, une
complémentarité. La primauté de la règle de
l'arrêt des poursuites individuelles empêche la mise en oeuvre
d'une procédure arbitrale dès lors qu'une procédure
collective a été ouverte. En effet, cette règle
étant d'ordre public interne et international, l'institution arbitrale
bien que reconnue par les juridictions étatiques ne peut s'y
soustraire.
Mais une fois les créances valablement
déclarées et vérifiées par le juge commissaire,
l'égalité des créanciers est assurée. Par
conséquent, la convention d'arbitrage retrouve son empire. En effet, les
parties pourront mettre en oeuvre la convention d'arbitrage qu'elles
s'étaient promises préalablement à l'ouverture de la
procédure collective et seuls les arbitres seront compétents pour
décider si la contestation relève ou non de leur
compétence. On peut en conclure qu'une fois les règles des
procédures collectives respectées, l'arbitrage retrouve son
empire.
Section 2 : L'appréciation des règles
impératives assouplie en matière arbitrale
194. L'arbitre dispose d'une grande liberté à
l'égard du juge, mais tout l'intérêt de l'arbitrage
résulte dans la liberté qu'il possède vis-à-vis du
droit. En effet, l'arbitre n'est pas obligé d'appliquer une loi et
dispose d'une grande liberté dans le choix des règles applicables
(§1). L'étendue de leur compétence est renforcée en
matière internationale car si l'arbitre est tenu au respect des
règles d'ordre public, la jurisprudence admet qu'il en soit fait une
appréciation plus souple (§2).
§ 1 La possible liberté des arbitres dans le
choix des règles applicables
195. La liberté des arbitres quant aux règles
applicables est double. D'une part, ils ne sont pas systématiquement
tenus de suivre les règles procédurales applicables aux
juridictions étatiques (A). D'autre part, ils bénéficient
d'une grande liberté quant aux règles applicables pour trancher
le fond du litige (B).
1 En ce sens, Ph. Fouchard, rev. arb. 2003, p. 209, b.
2 cf supra, Titre 1, Chapitre 1, Section 2, Sous section
2, §2, A.
A - Affranchissement des règles de la
procédure judiciaire
196. Le recours à l'arbitrage ayant une nature
contractuelle, les parties sont libres de définir conventionnellement
les règles de procédures applicables. Elles peuvent donc,
conformément à l'article 1460 alinéa 1 du nouveau Code de
procédure civile1, stipuler librement dans la convention
d'arbitrage les règles applicables et choisir ou non de recourir aux
règles applicables devant le juge étatique. Mais si les parties
n'ont rien prévu, les règles applicables seront fixées par
les arbitres eux mêmes.
B - Liberté des arbitres dans les règles
applicables
197. Si la nature contractuelle de l'arbitrage affaiblie la
compétence de l'arbitre, en ce sens qu'il est subordonné au
respect des règles d'ordre public de la procédure collective, il
en tire aussi des avantages2. En effet, il dispose d'une grande
liberté eu égard aux règles de droit applicables. Ce
principe d'autonomie de l'arbitre dans le choix du droit applicable
résulte de la nature contractuelle de l'arbitrage. Les parties en s'en
remettant à lui pour trancher leur litige, lui font
confiance3 pour appliquer la solution qui lui para»t la plus
juste et qui ne correspond pas nécessairement à une règle
de droit.
198. En effet, la volonté des parties détermine
l'étendue des pouvoirs de l'arbitre. Il peut recevoir mission de statuer
en droit et dans ce cas, il appliquera alors les mêmes règles de
droit que le juge étatique, en prenant en compte la nature et la
situation géographique du litige. Il en est d'ailleurs ainsi si les
parties n'ont rien prévu4.
Mais les parties peuvent tout à fait décider que
l'arbitre statuera en amiable composition. Dans ce cas, l'arbitre tranche le
litige en fonction de considérations d'équité. Cette
faculté justifie bien souvent le recours à l'arbitre. Aristote en
son temps affirmait déjà : << l'arbitre vise à
l'équité, le juge à la loi, l'arbitrage a
été inventé pour que l'équité soit
appliquée5 È. Ainsi il pourra retenir la solution qui
lui para»t la plus juste en prenant en compte les règles de droit
s'il les estime appropriées ou si telle est la volonté des
parties. Mais bien souvent il statuera en équité ou encore en
référence aux usages du commerce consacrés dans la lex
mercatoria6.
1 Art 1460 NCPC : << Les arbitres règlent la
procédure arbitrale sans être tenus de suivre les règles
établies pour les tribunaux, sauf si les parties en ont autrement
décidé dans la convention d'arbitrage È.
2 En ce sens, L. Gouiffès, << L'arbitrage
international propose-t-il un modèle original de justice ? È,
Recherche sur l'arbitrage en droit international et comparé,
mémoire, LGDJ, 1997, p. 5 et s., << Fondement contractuel en fait
sa force mais aussi sa faiblesse È.
3 En ce sens, P. Mayer, << La sentence contraire à
l'ordre public au fond È, Rev. arb. 1994, p. 615 et s.
4 Art 1474 NCPC : << L'arbitre tranche le litige
conformément aux règles de droit, à moins que, dans la
convention d'arbitrage, les parties ne lui aient conféré mission
de statuer comme amiable compositeur È.
5 Aristote, Rhétorique. Tome II (Livre II). trad. M.
Dufour., C.U.F., Les Belles Lettres, 1938, 1374 b.
6 En général, la lex mercatoria << exclut
les normes de nature étatique ou inter-étatiqueÈ bien que
B. Goldman avance l'hypothèse contestée d'une
<<absorption des principes généraux du droit È par
la lex mercatoria, P. Lagarde, << Approche
199. De même dans le cadre d'un arbitrage
international, l'article 1496 du nouveau Code de procédure civile
dispose que << l'arbitre tranche le litige conformément aux
règles de droit que les parties ont choisies, à défaut
d'un tel choix, conformément à celles qu'il estime
appropriées È.
Une sentence arbitrale1 a ainsi reconnu une totale
liberté de choix à l'arbitre lorsqu'il doit statuer en droit sans
que les parties n'aient déterminé le droit applicable. Cette
solution se situe dans la lignée du principe d'autonomie de l'arbitrage
eu égard au contrat principal. En effet, l'arbitre statuant en droit est
libre de choisir la loi applicable, indépendamment de celle qui
régit le contrat. Le Professeur Racine en conclut qu'il n'y a <<
pas de conflits de loi dans le domaine de la convention d'arbitrage
È2.
En outre, l'arbitre est libre de se référer
à d'autres règles que les lois étatiques. Cependant, en
présence d'une procédure collective, il doit
nécessairement respecter les règles d'ordre public. Mais, sous
l'approbation de la Haute juridiction, le respect de l'ordre public par
l'arbitre est apprécié de façon modérée.
§ 2 Appreciation assouplie de l'ordre public par
les arbitres
200. Si les arbitres disposent d'une liberté dans les
règles applicables au litige, il sont tenus de respecter l'ordre public.
Cependant, en matière internationale, l'ordre public limite moins
intensément les pouvoirs de l'arbitre (A). Le regain de la
compétence arbitrale qui en résulte est validé par la
jurisprudence qui consacre un contrôle minimaliste du respect par
l'arbitre de l'ordre public (B).
A - Elargissement de la competence arbitrale en presence
d'ordre public
201. Si l'ordre public international s'impose à toute
sentence internationale ou toute décision étrangère qui
aurait un impact sur une procédure collective ouverte en France, cela ne
signifie pas pour autant que la force de l'ordre public international soit
totale. En effet, certaines règles des procédures collectives
sont d'ordre public international mais ne peuvent pas pour autant s'appliquer
en dehors du cadre des procédures collectives ouvertes en France. La
raison en est que certaines procédures ouvertes à
l'étranger ne peuvent pas vraiment être qualifiées de
procédures collectives au sens du droit français.
En outre, si un pays étranger conna»t des
règles similaires à celles des procédures collectives
elles
critique de la lex mercatoria È, Le droit des relations
économiques internationales, Mélanges offerts à B.
Goldman, 1982, p. 29.
1 Sentence CCI n° 7205, 1993, J-J. Arnaldez, Clunet, 1995,
p. 1032.
2 J.-B. Racine, op. cit.
n'ont pas pour autant les mêmes modalités. Par
conséquent, certaines règles d'ordre public telles que
l'arrêt des poursuites individuelles, bien qu'elles soient internes et
internationales ne s'appliquent pas si les poursuites sont autorisées
dans le droit du pays oü la procédure collective a
été ouverte1. De sorte que les règles d'ordre
public international n'ont qu'une portée limitée.
202. Lorsque l'arbitre est compétent pour
conna»tre un litige, la tentation est grande pour lui << d'ignorer
la procédure collective et de faire prévaloir le principe
pacta sunt servanda, quitte à ce que soit reporté au
stade ultérieur de l'exequatur le débat sur la
compatibilité de la sentence avec l'ordre public >>2.
Ainsi, certaines sentences3 ont paru ne pas tenir compte de la
procédure collective. Les arbitres considéraient alors que
l'ouverture d'une liquidation judiciaire en cours de procédure arbitrale
était <<sans incidence sur la suite de la
procédure4 >>. Or nous avons démontré
précédemment que si l'instance arbitrale se maintient,
l'ouverture d'une procédure collective a pour effet de l'interrompre
momentanément.
En outre, si l'arbitre doit réaliser la volonté
des parties, il doit respecter l'ordre public des procédures
collectives. Faute de quoi, la sentence arbitrale encourt l'annulation. De
plus, les arbitres ont une obligation morale de rendre une sentence conforme
à l'ordre public afin de ne pas risquer un refus
d'exequatur5.
203. Dans un premier temps, l'arbitre détermine s'il
est ou non compétent conformément au principe de
compétence-compétence. Dans un second temps, si le litige est
arbitrable mais qu'interfèrent des règles d'ordre public, il se
doit de les respecter. Pendant longtemps, la jurisprudence6
considérait que si le tribunal arbitral constatait une violation de
l'ordre public, il devait se déclarer incompétent. La Cour
d'appel de Paris dans un arrêt dit Labinal, en date du 19 mai
19937 marque un revirement. En effet, elle considère que la
violation de l'ordre public n'est plus un obstacle à l'arbitrage
international. Par conséquent, les arbitres peuvent non seulement
statuer sur un litige mettant en cause l'ordre public, mais ils sont aussi
gardiens de l'ordre public. Car << les arbitres sont jugés aptes
à préserver l'ordre public et à le sanctionner
après en avoir constaté sa violation et cela sous le
contrôle du juge de l'annulation8 >>.
1 En ce sens, P. Ancel, Rev. arb. 1989, 473.
2 D. Vidal, Procédures collectives et procédures
d'arbitrage : quelle rencontre ?, Gaz. Pal. 31 octobre 2009, n° 304, p.
4.
3 Sentence CCI n°2139, 1974.
Sentence CCI n° 4415, 1984.
Sentence CCI n° 6057, 1991.
4 Y.Derains, Clunet, 1975, p. 930.
5 En ce sens, B. Hanotiau, << La loi applicable par
l'arbitre en cas de faillite d'une des parties à la procédure
>>, Rev. droit. aff. Int. 1996, p 29.
6 CA. Paris, 18 février 1989, Sté Almira Films c/
Pierrel, ès qualités, L. Idot, Rev. arb. 1989, p. 711.
7 << L'arbitrabilité d'un litige n'est pas exclue
du seul fait qu'une réglementation d'ordre public est applicable au
rapport de droit litigieux; en matière international, l'arbitre
apprécie sa propre compétence quant à
l'arbitrabilité du litige au regard de l'ordre public international et
dispose du pouvoir d'appliquer les principes et les règles qui en
relèvent ainsi que d'en sanctionner la méconnaissance
éventuelle sous le contrôle du juge de l'annulation >>, CA
Paris, 19 mai 1993, Rev. arb. 1993, p. 645.
8 E. Loquin, RTD Com 2008, p. 518.
Si cet arrêt a été rendu dans le contexte
du droit de la concurrence, nombre d'auteurs estiment qu'il a une portée
générale1 et peut s'appliquer à toutes les
règles d'ordre public, internes ou internationales. Il pourrait donc
s'appliquer aux règles d'ordre public s'imposant du fait de l'existence
d'une procédure collective.
B - Predominance de l'ordre public assouplie en
matière internationale
204. Dans un arrêt dit SNCF contre Cytec du 4 juin
20082, la Cour de Cassation considère que la
compatibilité de la sentence à l'ordre public se limite à
un contrôle du << caractère flagrant, effectif et concret de
la violation alléguée È. Par conséquent, lorsque le
juge de l'annulation contrôle la conformité de la sentence
arbitrale à l'ordre public, il doit se contenter d'un <<simple
contrôle de l'apparence3 È, sans pouvoir
vérifier le fond de la sentence. Cette solution s'explique par la
volonté de ne pas conférer au juge un pouvoir de révision
au fond de la sentence arbitrale4.
205. Il en résulte que la sentence de l'arbitre
n'encourt pas l'annulation en cas de << violation purement formelle, sans
réelles conséquences5 È De sorte que si
l'arbitre a violé une règle d'ordre public mais que cela n'a pas
d'impact préjudiciable aux tiers, l'intérêt
général est sauvegardé et rien ne justifie alors
l'annulation de la sentence. En outre, si le juge pouvait réviser sur le
fond la sentence arbitrale cela reviendrait à nier la volonté des
parties de soumettre leur litige à l'arbitrage plutôt qu'au juge.
Nombre d'auteurs se revendiquant du courant minimaliste légitiment ainsi
l'examen minimal par le juge de l'ordre public appliqué par l'arbitre.
Monsieur Malan affirme ainsi qu'il ne faut pas <<réviser au fond
le raisonnement suivi par les arbitres È, il faut simplement rechercher
<< si l'insertion dans la sentence dans l'ordre juridique du for aboutit
à un résultat contraire à l'ordre public È.
206. Cependant cette solution est critiquable en ce sens
qu'elle peut être inefficace6, pour ne pas dire symbolique. Or
un réexamen par le juge du fond peut être nécessaire pour
vérifier que l'ordre public du for n'est pas atteint. Cette solution de
la Cour de Cassation présente donc le désavantage
d' << affaiblir potentiellement l'effectivité de
l'ordre public7 È. Or l'autonomie de la volonté des
parties de recourir à l'arbitrage ne peut se concrétiser par une
violation, aussi subtile soit-elle de l'ordre public. En conséquence, on
peut se demander si cette solution n'est pas avant tout justifiée par
une volonté politique de renforcer le poids des arbitres dans un
contexte sociétal oü le recours
1 Ch. Jarrosson, Rev. arb. 1993, p. 658. : << la solution
doit être étendue à l'ordre public en général
È.
2 Cass. Civ. 1re, 4 juin 2008 Ð SNCF c/ Cytec Ð n°
06-15.320, Bull. civ., 2008, I, n° 162.
3 E. Loquin, RTD Com 2008, p. 518.
4 En ce sens, X. Delpech, D. 2008, AJ, p. 1684.
5 A. Malan, LPA, 26 mars 2009, n°61, p. 8.
6 En ce sens, courant minimaliste, Ch. Sereglani, CA Paris, 14
juin 2001, Rev. arb. 2001, p. 773.
7 A. Malan, LPA, 26 mars 2009, n°61, p. 8.
à l'arbitrage ne cesse de s'accro»tre1,
soulageant ainsi des juridictions souvent encombrées.
Il n'en reste pas moins que ce contrôle minimaliste du
juge de l'annulation sur la sentence rendue par l'arbitre, présente le
risque d'une impunité des pratiques arbitrales violant l'ordre public,
des lors qu'elles ne sont pas manifestes. Néanmoins, d'autres gardes
fous sont mis en place afin de coordonner les procédures et d'assurer
une loyauté de la sentence arbitrale eu égard aux regles
impératives des procédures collectives.
1 En ce sens, C. Vasseur-Thévenot, Culture Droit,
Spécial arbitrage, mars 2009, n° 19, p. 32.
Chapitre 2 : Vers une coordination des
procédures collectives et arbitrales
207. L'étude de la force de l'arbitrage, en ce qu'il
n'est pas totalement soumis aux procédures collectives, constitue
déjà un prémisse de la volonté de ces
procédures de se combiner. Car procédures collectives et
arbitrales produisent toutes deux des effets qui s'imposent à l'autre,
même si les regles des procédures collectives apparaissent
davantage présentes. Il n'en reste pas moins qu'elles tendent à
se coordonner (section 1) même si un contentieux post-arbitral subsiste
(section 2).
Section 1 : Des moyens procéduraux de
coordination
208. Procédures collectives et arbitrales ne se
contentent pas de coexister, elles se coordonnent et plus encore, puisque des
regles procédurales en place tendent à renforcer
l'efficacité de l'arbitrage (Sous-section 1). Mais surtout,
l'orchestration de ces procédures s'exprime dans les regles
supérieures qui s'imposent à leurs relations (Sous-section 2) et
tentent à une conjugaison harmonieuse de ces procédures, devenues
usuelles.
Sous-section 1 : Des moyens de coordination des
procédures pour une efficacité renforcée de
l'arbitrage
209. L'échange d'informations entre procédures
collectives et arbitrales (1) traduit, plus qu'une reconnaissance mutuelle des
procédures, une volonté de se coordonner. Cela se manifeste aussi
par l'exequatur de la sentence (2) que seul un juge étatique peut
prononcer afin de donner force exécutoire à la sentence
arbitrale. Ainsi, le juge de l'exequatur peut veiller à
l'efficacité de l'institution arbitrale.
§ 1 L'échange d'informations entre
procédure collective et arbitrale
210. L'échange de l'information entre la
procédure collective et la procédure arbitrale est la
manifestation même de leur coordination (A) même si la
qualité de l'information échangée est perfectible (B).
A - Un échange nécessaire à la
coordination des procédures
211. La coordination des procédures via
l'échange d'informations est effective (1°). Ce
procédé a pour objectif d'orchestrer les procédures et ne
doit donc pas tendre à un affrontement. C'est pourquoi, la jurisprudence
fait une appréciation souple de l'échange d'informations
(2°).
1° Un échange effectif
212. L'ouverture d'une procédure collective fait
toujours l'objet d'une publicité afin d'informer les tiers de la
situation du débiteur. La plupart des législations nationales
prévoient aussi cette publication des procédures collectives car
elle permet de satisfaire au principe supérieur d'égalité
des créanciers dans l'information.
213. En principe, l'ouverture d'une procédure
collective est notifiée au tribunal arbitral et aux parties
concernées par un arbitrage en cours. Mais les règles applicables
à l'instance arbitrale peuvent varier, en fonction de la volonté
de l'arbitre ou des parties eux mêmes1. De sorte que la
transmission de l'information, renseignant les arbitres et les parties à
l'arbitrage de l'ouverture d'une procédure collective, n'est pas
toujours une obligation expresse2.
Pourtant, il est judicieux d'exécuter cette
formalité car elle permet aux procédures de ne pas s'ignorer,
condition essentielle à une éventuelle coordination. Dans les
faits, l'échange d'informations est le plus souvent effectué car
il rend possible la suspension de l'instance arbitrale en cours. Or il est dans
l'intérêt du débiteur de la procédure collective
d'interrompre l'instance arbitrale afin que les organes de la procédure
aient le temps d'y prendre part. Pour autant, les acteurs de la
procédure collective ne doivent pas détourner de son objectif ce
procédé de coordination des procédures, afin d'en tirer
profit.
2° Une appréciation jurisprudentielle souple
de l'échange d'informations
214. La jurisprudence3 a récemment
considérée que le procédé d'échange
d'informations ne pouvait pas servir de prétexte au liquidateur
judiciaire pour contester la régularité de l'arbitrage. En
l'espèce, le liquidateur prétendait ne pas avoir
été informé des différentes étapes de la
procédure arbitrale au motif que les courriers procédant à
l'échange d'informations ne lui avaient pas été
personnellement destinés. En effet, le destinataire des courriers
n'était pas le liquidateur en tant que personne physique mais la
société Selafa - dont il était pourtant l'associé.
C'est pourquoi, la
1 cf supra Titre 2, Chapitre 1, Section 2, §1.
2 En ce sens, G. C. Giorgini, Ç Méthode
conflictuelles et règles materielles dans la faillite internationale
È, NBT, thèse Nice 2004, p. 591 et s.
3 CA Paris, 8 novembre 2007, n° 06/7417.
Cour d'appel considère qu'il a été
personnellement informé bien qu'il ne soit pas individuellement le
destinataire du courier et que son attitude relève de la mauvaise
foi1. On peut en conclure que l'échange d'informations ne
doit pas être un subterfuge utilisé par les organes de la
procédure collective pour mettre à mal la procédure
arbitrale.
Néanmoins, le contenu de l'information est quant
à lui essentiel et certains auteurs soulignent qu'il est à
plusieurs égards perfectible.
B - La qualité de l'information
échangée perfectible
215. Madame Giorgini considère que la nature de
l'information mériterait d'être étendue. Même si le
tribunal arbitral dispose toujours de la faculté de demander un
complément d'informations s'il en éprouve le besoin, elle
considère que l'information devrait être donnée <<
non seulement aux créanciers stricto sensu du débiteur
mais à tous les partenaires qui sont partis à un contrat avec
l'insolvens >>. En outre, << la partie adverse à
l'instance arbitrale devrait obtenir une information plus approfondie lui
permettant de mieux mesurer son intérêt à la poursuite de
l'instance arbitrale >>2.
216. En effet, il para»t opportun d'une part que
l'information circule afin que les deux procédures puissent au mieux
s'organiser, voire se combiner. D'autre part, il faut noter que plus cette
information sera complète et précise, plus les parties à
l'arbitrage seront à même d'évaluer les conséquences
d'une procédure collective sur le déroulement de l'instance
arbitrale et la résolution de leur litige. Elles seront alors libres de
poursuivre, en connaissance de cause, leur action devant le tribunal arbitral
ou d'y mettre fin, en privilégiant une transaction ou tout simplement en
y renonçant, pour laisser place aux seuls juges étatiques.
Procédures arbitrales et collectives ont donc tout
intérêt à procéder à un échange
d'informations afin de déterminer le bien-fondé de leur
déroulement concomitant et d'établir entre elles, le cas
échéant, une coordination. Quoi qu'il en soit, il existe des
situations oü justice arbitrale et justice étatique vont
au-delà d'une coordination puisqu'elles se complètent.
§ 2 L'exequatur, garantie de l'efficacité de
la sentence arbitrale
217. Si l'arbitrage est fondé sur une convention entre
les parties, cette nature contractuelle n'empêche pas un <<
prolongement judiciaire3 >>. L'exequatur, prononcé par
l'autorité judiciaire afin de donner force exécutoire à la
sentence arbitrale, en est une parfaite illustration. Il met en avant la
1 En ce sens, X. Delpech, D. 2009, AJ, p.1422.
2 En ce sens, G. C. Giorgini, << Méthodes
conflictuelles et règles materielles dans la faillite internationale
>>, NBT, D., thèse Nice 2004, p. 591 et s.
3 En ce sens, D. Vidal, Droit français de l'arbitrage
commercial international, Gualino, 2004, p. 221.
collaboration des procédures (A) puisque c'est le juge
qui rend la sentence arbitrale effective. Cependant, l'exequatur implique au
préalable que le juge procède à un contrôle de la
sentence car la méconnaissance des règles d'ordre public
constitue une limite au prononcé de l'exequatur (B).
A - L'exequatur, instrument de collaboration des procedures
collectives et arbitrales
218. En principe, la sentence arbitrale a vocation à
s'appliquer spontanément car les parties ont librement choisi de
recourir à l'arbitrage. Et le principe pacta sunt servanda
combiné à l'autorité de la chose jugée de la
sentence, suffit le plus souvent1 à ce que les parties
exécutent sans contrainte la sentence. En effet, les parties se sont
elles-mêmes engagées à exécuter leur convention, il
convient donc qu'elles s'y astreignent, d'autant plus que leur litige ne pourra
pas être rejugé dans un autre procès. Mais parfois, une
partie insatisfaite par la sentence prononcée par l'arbitre refuse de
l'exécuter. Dans ce cas, étant donné que la sentence n'a
pas force exécutoire, l'arbitre, contrairement au juge, est dans
l'impossibilité d'ordonner l'exécution de sa décision ou
de prononcer une astreinte. La partie la plus diligente ou l'arbitre pourra
alors déclencher la procédure d'exequatur.
219. L'exequatur est défini comme la décision
par laquelle l'autorité compétente donne force exécutoire
à la sentence arbitrale2. Elle consiste en l'apposition sur
la sentence de la formule exécutoire. Si le juge accorde l'exequatur, sa
décision n'a pas à être motivée3 mais
s'il le refuse, il doit s'en expliquer4. Selon le Professeur
Dominique Vidal cette distinction n'est pas anodine, << on peut y voir
une présomption favorable à la conformité de la sentence
aux exigences d'exequatur5 È.
Le juge de l'exequatur a aussi la possibilité de
prononcer un exequatur partiel, n'accordant ainsi force exécutoire
qu'à une partie de la sentence. Cette solution mesurée peut
être opportune. Elle a pour effet de ne pas neutraliser totalement
l'efficacité de la sentence arbitrale tout en faisant respecter les
règles qu'elle estime que l'arbitre ne peut pas méconna»tre.
Ainsi, lorsque des règles d'ordre public international des
procédures collectives ont été méconnues,
l'exequatur partiel permet d'atténuer les rigueurs du droit
français6.
1 << L'expérience enseigne que près de 85 %
des sentences sont exécutées spontanément È. D.
Vidal, op. cit, n° 433.
2 En ce sens, D. Vidal, op. cit., p. 263.
3 Selon une interprétation a contrario de l'art 1478
NCPC.
4 Art 1478 al 2 NCPC : << L'ordonnance qui refuse
l'exequatur doit être motivée È.
5 D. Vidal, op. cit., p. 265, n°439.
6 En ce sens, J.-B. Racine, op. cit., p. 504, n° 905.
220. En vertu de l'article 1488 alinéa 1 du nouveau
Code de procédure civile1, la décision accordant
l'exequatur n'est susceptible d'aucun recours mais l'inverse n'est pas vrai, un
recours est possible contre la décision refusant
l'exequatur2. On peut en conclure que la prédominance du juge
étatique est une fois de plus consacrée puisqu'il peut seul
conna»tre d'un recours. Mais comme sa décision n'est incontestable
que si elle donne force exécutoire à la sentence arbitrale,
parallèlement on manifeste la volonté de donner force aux
décisions arbitrales dès lors que le juge de l'exequatur approuve
la solution. Car si la sentence arbitrale ne se voit pas accorder force
exécutoire, il sera toujours possible de contester la décision du
juge de l'exequatur. Sa prédominance n'est donc pas totale et met en
exergue la volonté du législateur de tout mettre en oeuvre pour
finalement faire primer la sentence arbitrale, sauf si le juge de l'exequatur
persiste à l'écarter.
Ce raisonnement est confirmé par le fait qu'il est en
principe facile d'obtenir l'exécution forcée de la sentence
arbitrale, du moins comparé à l'exécution forcée
d'une sentence judiciaire, car << le consentement de la sentence est
moins contraignant3 È.
221. L'exequatur ne change pas la nature juridique de la
sentence arbitrale mais la rend exécutoire et en permet
l'exécution forcée. Néanmoins, au préalable, le
juge de l'exequatur doit effectuer un contrôle de la sentence. Tout
d'abord, il doit vérifier qu'il s'agit bien d'une sentence arbitrale,
puis il devra en contrôler la conformité. Il vérifiera
l'apparente régularité de la sentence, en s'attachant tout
particulièrement à sa conformité à l'ordre public.
Mais, si tel n'est pas le cas, il ne peut pas réviser la sentence au
fond et se contentera de refuser l'exequatur4.
B - L'ordre public comme limite à l'exequatur
222. L'article 1498 du nouveau Code de procédure
civil5 prévoit deux conditions pour qu'une sentence
étrangère soit déclarée exécutoire en
France. D'une part, il faut apporter la preuve au juge de l'exequatur de
l'existence de la sentence. D'autre part, l'exécution de la sentence
arbitrale ne doit pas être contraire à l'ordre public
international, car seul ce dernier permet de contrôler la sentence
arbitrale6. Par conséquent, la seule véritable
hypothèse empêchant l'exécution forcée de la
sentence arbitrale est donc la violation de l'ordre public international. En
outre, c'est l'ordre public international de l'Etat oü l'exécution
forcée de la sentence est demandée7 qui sera
pris en compte.
1 Art 1489 NCPC : << L'ordonnance qui refuse l'exequatur
peut être frappée d'appel jusqu'à l'expiration du
délai d'un mois à compter de sa signification. Dans ce cas, la
cour d'appel conna»t, à la demande des parties, des moyens que
celles-ci auraient pu faire valoir contre la sentence arbitrale, par la voie de
l'appel ou du recours en annulation selon le cas È.
2 cf supra, Titre 2, Chapitre 2, Section 2, Sous-section
1, §1, B
3 En ce sens, D. Vidal, Droit français de l'arbitrage
commercial international, Gualino, 2004, p. 263.
4 X. Linant de Bellefonds, L'arbitrage et la médiation,
Que sais-je ?, 2003, p. 88 et s.
5 Art 1498 NCPC : << Les sentences arbitrales sont
reconnues en France si leur existence est établie par celui qui s'en
prévaut et si cette reconnaissance n'est pas manifestement contraire
à l'ordre public international. Sous les mêmes conditions, elles
sont déclarées exécutoires en France par le juge de
l'exécution È.
6 J.-B. Racine, op. cit., p. 475.
7 En ce sens, G. C. Giorgini, << Méthodes
conflictuelles et règles materielles dans la faillite internationale
È, NBT,, D., thèse
223. Mais comme nous l'avons vu précédemment,
le refus d'exequatur n'est possible que pour les sentences manifestement
contraires à l'ordre public car le juge se contente d'un contrôle
sommaire1. L'ensemble de la doctrine parle d'un contrôle
prima facie2 qui limite les investigations du juge de
l'exequatur lorsqu'il contrôle la conformité de la sentence
à l'ordre public. Ce qui a pour effet de limiter les hypothèses
de refus d'exequatur3, même si de façon exceptionnelle
les juges manifestent leur attachement au respect des règles des
procédures collectives en refusant l'exequatur de la sentence qui viole
ces principes. Ainsi, le 2 février 19964 une demande
d'exequatur a été rejetée en raison de la violation du
principe de suspension des poursuites individuelles. Mais le plus souvent,
l'exequatur sera ordonné par le juge manifestant ainsi la
complémentarité de la justice étatique et de la justice
privée.
Sous-section 2 : Règles suprêmes qui
s'imposent dans les relations entre procédures collectives et
arbitrales
224. Bien que les arbitres disposent d'une certaine
liberté, ils doivent se soumettre aux principes directeurs du
procès, s'impose ainsi le principe de la contradiction (§1). En
outre, la consécration de la règle de l'estoppel garantit elle
aussi la loyauté des relations entre procédures collectives et
arbitrales (§2).
§ 1 Le principe de la contradiction
225. Le principe de la contradiction, bien connu des
juridictions étatiques comme garantie d'un procès
équitable, s'applique aussi à l'institution arbitrale. Il
convient donc d'en examiner la portée (A). En outre, l'examen de la
jurisprudence mettra en exergue l'interprétation souple qui est faite de
ce principe dans le cadre d'un arbitrage (B).
A - Portée du principe de contradiction
226. Ç Le caractère juridictionnel de
l'arbitrage permet de mettre en oeuvre un ensemble de règles qui sont
autant de garanties et parmi lesquelles il faut privilégier le principe
de contradiction5 È. En effet, le principe de contradiction
est reconnu comme un principe constitutionnel et un principe
Nice 2004.
1 cf supra, Titre 2, Chapitre 1, Section 2, §2,
B.
2 Locution latine qui signifie Ç de prime abord
È.
3 En ce sens; J.-B. Racine, op. cit., p. 502, Ç les
décisions de refus d'exequatur sont rarissimes È.
4 Rev. arb. 1998, p. 577.
5 Ch. Jarrosson, Ç Les frontières de l'arbitrage
È, Rev. arb. 2001, p. 5.
d'ordre public international1. De ce fait, il est
essentiel à la régularité de la procédure arbitrale
car il permet à chaque partie d'être entendue2. Ainsi,
chacune peut conna»tre les arguments avancés par la partie adverse
ainsi que les pièces produites, afin de les contredire si besoin est.
L'arbitre, qu'il statue en droit ou en amiable composition, doit faire
respecter ce débat contradictoire, gage de loyauté et
d'équité.
Cette solution est conforme à l'article 1460 du nouveau
Code de procédure civile3 qui, s'il affirme en son
alinéa 1 la possibilité des arbitres de s'affranchir des
règles procédurales étatiques, précise toutefois en
son alinéa 2 l'obligation pour les arbitres de respecter les principes
directeurs du procès parmi lesquels se trouve le principe de
contradiction.
227. Cette solution consacrée de façon
constante par la jurisprudence4, recouvre en fait deux
réalités. Certes, les arbitres doivent faire respecter par les
parties le principe du contradictoire, mais ils doivent eux même s'y
soumettre5. Par conséquent, à l'instar des juges
étatiques, ils ne doivent pas juger dans la précipitation et ont
l'obligation de soumettre à la contradiction les moyens qu'ils
soulèvent d'office.
Par conséquent, le principe de contradiction est un
principe général qui s'impose tant à l'arbitrage,
qu'à la justice étatique, dans le cadre des procédures
collectives. En effet, Ç une mesure aussi grave que la mise en
redressement ou la liquidation d'une personne ne peut être prise sans que
cette dernière n'ait été en mesure de se défendre.
Le contradictoire doit donc être impérativement respecté
È. Il en résulte que ce principe gouvernant procédures
collectives et arbitrales constitue, lorsqu'elles coexistent, un point de
convergence.
228. En outre, le respect par l'arbitrage de ce principe
d'ordre public international est essentiel. En effet, dans le cas oü la
sentence ne serait pas exécutée spontanément par les
parties, elle ne pourra être exequaturée que si l'arbitre a
respecté le principe de contradiction. Il semble donc que ce principe
supérieur ne se contente pas de s'imposer à la justice
étatique et arbitrale, il permet leur coordination dans le cas oü
le juge de l'exequatur devrait rendre effective la sentence arbitrale en lui
donnant force exécutoire. `
229. Dans ce sens, la jurisprudence a affirmé que le
respect du principe de contradiction par l'institution d'arbitrage est, en
matière d'arbitrage international, Ç une condition minimale
imposée
1 En ce sens, D. Vidal, Droit français de l'arbitrage
commercial international, Gualino, 2004, p. 209.
2 Conformément à la locution latine : Audiatur
et altera pars, qui signifie Ç l'autre partie doit être
entendue È.
3 Art 1460 NCPCÇ Les arbitres règlent la
procédure arbitrale sans être tenus de suivre les règles
établies pour les tribunaux, sauf si les parties en ont autrement
décidé dans la convention d'arbitrage.
Toutefois, les principes directeurs du procès
énoncés aux articles 4 à 10, 11 (alinéa 1) et 13
à 21 sont toujours applicables à l'instance arbitrale
È.
4 CA Paris, 7 novembre 1996, Ç sont tenus de respecter les
principes directeurs du procès et spécialement le principe de
contradiction, toujours applicable dans l'instance arbitrale È
5 En ce sens, S. Guinchard, Ç L'arbitrage et le respect du
principe du contradictoire È, Rev. arb. 1997, p.190 et s.
par le droit français pour l'insertion d'une sentence
dans l'ordre juridique interne1 È. On peut
légitimement penser que le respect du contradictoire s'impose,
au-delà du droit français, à l'ensemble des
systèmes juridiques. Car selon le Professeur Serge Guinchard, outre son
caractère constitutionnel, il a aussi une << valeur
européenne È, puisque la CEDH le consacre comme un principe
constitutif du procès équitable, ainsi qu'une << valeur de
droit naturel È qui s'impose même s'il n'est pas prévu dans
les textes2.
Cependant dans les faits, la mise en oeuvre de ce principe est
plus complexe qu'il n'y para»t et la jurisprudence tempère
l'appréciation stricte de ce principe.
B - Prédominance de l'arbitrage justifiée
par une appréciation assouplie du principe de contradiction
230. L'arbitre n'est pas tenu de faire une application
stricte, voire bureaucratique, du principe de contradiction. C'est pourquoi, la
jurisprudence admet qu'il puisse librement apprécier le respect de ce
principe. En effet, le respect de la contradiction vise d'une part, à la
loyauté du débat entre les parties à l'instance arbitrale,
et d'autre part à une infomation complète de l'arbitre. Il ne
doit pas être un moyen pour l'une d'elle d'obtenir l'annulation de la
sentence au prétexte << d'imperfections È de
forme3, qui ne seraient que secondaires et ne mettraient pas
à mal l'esprit du principe de contradiction.
Cette appréciation assouplie de l'obligation de
l'arbitre de respecter et faire respecter le principe du contradictoire n'est
pas nouvelle et a été consacrée à plusieurs
reprises par la Cour de Cassation4. Déjà, dans un
arrêt du 23 octobre 19965, elle considérait que
l'arbitre n'avait pas violé le principe de contradiction car la partie
lui reprochait << de n'avoir pas ordonné une mesure qui serait
venue suppléer sa propre carence6 È. C'est en fait
l'attitude de la partie qui justifie selon la Juridiction suprême que
l'arbitre puisse rendre sa sentence sans accomplir certaines formalités
qui lui sont en principe imposées par le respect de la contradiction. En
effet, la partie n'ayant pas été diligente, elle ne peut pas par
la suite reprocher à l'arbitre une méconnaissance de certaines
règles (imposées par le principe de contradiction) qui
résulterait de son propre comportement.
231. De même, en 2004, une sentence7 a
été rendue malgré la défaillance du
défendeur, absent à l'audience prévue pour entendre les
témoins.
1 CA Paris, 16 février 1996.
2 En ce sens, S. Guinchard, << L'arbitrage et le respect du
principe du contradictoire È, Rev. arb. 1997, p.186
3 En ce sens, D. Vidal, Bulletin de la Cour internationale
d'arbitrage de la CCI, Vol.20/1, 2009, p. 60.
4 V.Cass., ass. plen., 24 novembre 1989.
V.Cassation, Civ. 2e, 23 octobre 1996, n° 95-17207.
5 Cassation, Civ. 2e, 23 octobre 1996, n° 95-17207.
6 S. Guinchard, << L'arbitrage et le respect du principe du
contradictoire È, Rev. arb. 1997, p.190.
7 Sentence CCI n° 12805, 2004.
En l'espèce, une liquidation judiciaire est ouverte
contre le défendeur à l'instance arbitrale, peu avant le
prononcé de la sentence. Globalement, le principe de contradiction avait
été respecté par les parties mais restait à
entendre les témoins. L'arbitre considère que l'absence du
défendeur ne justifie pas la méconnaissance du principe de
contradiction car ce principe a été respecté puisque les
parties avaient procédé à l'échange des
pièces, des témoignages écrits et de leurs
mémoires. En outre, l'arbitre insinue que cette défaillance
résulte d'une mauvaise volonté du défendeur1 et
il ne serait question qu'il agisse de façon à encourager <<
ce comportement procédural non coopératif2 È.
Par conséquent, l'arbitre considère qu'il est en droit de rendre
sa sentence. Cette solution met en exergue la nécessaire conciliation du
respect du principe du contradictoire avec la progression de l'instance
arbitrale. Mais elle traduit aussi l'intégration d'une procédure
d'insolvabilité à la procédure d'arbitrage.
232. L'intégration de la procédure collective
à l'instance arbitrale ne semble pas en l'espèce être
discutable car la sentence ne néglige pas d'indiquer les motifs sur
lesquels elle repose. En effet, selon le Professeur Dominique Vidal, il est
légitime que la procédure arbitrale s'affranchisse des
règles de la procédure collective afin de respecter ses propres
règles et objectifs. A savoir : << la nécessité
d'assurer la progression de l'instance, l'interprétation raisonnable du
principe de contradiction et l'attente légitime des parties de voir leur
différend résolu3 È.
233. Par conséquent, le principe de contradiction ne
se contente pas de gouverner les procédures collectives et arbitrales,
son interprétation par la jurisprudence tend à favoriser le
recours à l'arbitrage. En outre, d'autres principes régissent
leurs relations afin d'assurer une reconnaissance mutuelle des
procédures dans des conditions assainies.
§ 2 Le principe de l'estoppel
234. L'estoppel a été consacré par la
jurisprudence française comme un principe garantissant des relations
loyales entre une procédure collective et une procédure arbitrale
(A). Par le passé, dans des conditions différentes, c'est le
principe général de bonne foi qui avait été retenu
(B).
1 << non seulement la procédure était
proche d'être complète mais elle aurait dü l'être si
elle n'y avait pas manqué par la défaillance du défendeur
à participer à l'audience initiale (car en réalité
l'audience a été reporté) à un moment oii il devait
être conscient de ses difficultés financières È,
V.détails sentence CCI n° 12805.
2 D. Vidal, Bulletin de la Cour internationale d'arbitrage de la
CCI, Vol.20/1, 2009, p. 72.
3 D. Vidal, op. cit.
A - Consécration jurisprudentielle du principe
d'estoppel comme garantie de loyauté
235. Le terme anglo-saxon d'estoppel correspond à un
principe procédural en vertu duquel nul ne peut se contredire au
détriment d'autrui. Une partie ne peut donc pas se prévaloir de
prétentions contradictoires qui porteraient préjudice à
ses adversaires. Ce concept de la common law a fait progressivement son
entrée en droit français. Aujourd'hui, le juge judiciaire
n'hésite plus à recourir, dans des hypothèses de plus en
plus variées à la règle de l'estoppel.
236. Dans un arrêt du 6 mai 20091, la Cour
de Cassation fait une nouvelle application du principe d'estoppel2
dans le cas oü une procédure d'arbitrage et une procédure
collective coexistent. Elle considère que lorsque l'absence du
liquidateur à la procédure arbitrale résulte de sa seule
volonté, la règle de l'estoppel lui interdit de contester par
ailleurs la régularité de l'arbitrage. De ce fait, la
renonciation à un droit et le principe d'estoppel peuvent avoir le
même champ d'application.
En l'espèce, le liquidateur était
informé du déroulement de la procédure arbitrale mais il
s'était volontairement abstenu d'y participer afin de se constituer un
motif de refus d'exequatur de la sentence. Mais la Cour de Cassation refuse de
donner gain de cause à ce comportement de mauvaise foi. Elle
considère que le liquidateur, en n'invoquant pas dans les meilleurs
délais son grief, renonce de ce fait à l'invoquer
ultérieurement3. Puisqu'il renonce volontairement à
agir, il ne pourra pas se contredire par la suite. Et il importe peu que la
règle de l'estoppel n'est pas été débattue
contradictoirement par les parties dès lors que le principe même
du contradictoire n'est pas remis en cause4.
Ainsi, la Haute juridiction déclare : Ç
dès lors que les domaines d'application respectifs de la règle de
l'estoppel et du principe de contradiction peuvent, dans certains cas,
être identiques et qu'il appartient au juge de l'annulation de faire
respecter la loyauté procédurale des parties à
l'arbitrage, c'est sans violer le principe de contradiction que la Cour d'appel
a qualifié d'estoppel l'attitude procédurale du liquidateur
È.
237. Ce principe procédural selon lequel nul ne peut
se contredire au détriment d'autrui est ici consacré comme un
gage de loyauté de la procédure arbitrale5. Il
s'impose à toutes les parties à l'arbitrage, y compris aux
organes de la procédure collective ouverte concomitamment. Il en
1 Cass. Civ. 1re, 6 mai 2009 - Mandataires judiciaires
associés c/ Sté International Company for Commercial Exchanges
Income - n°08-10.281.
2 En ce sens, D. Mouralis, LPA, 21 juillet 2009 n° 144,
IV,in Chronique de droit de l'arbitrage n° 5, T. Clay.
3 En ce sens, E. Loquin, RTD Com. 2009, p. 547.
4 cf supra, Titre 2, Chapitre 1, Section 1, Sous-section
2, §1.
5 En ce sens, X. Delpech, D. 2009, AJ, p.1422.
résulte une affirmation de l'efficacité de
l'arbitrage, qui ne peut être remise en cause par Ç les finesses
procédurales de certains mandataires de justice1 È.
B - Le principe de bonne foi comme garantie de la
loyauté
238. Une autre manoeuvre peut consister pour les parties
à l'arbitrage à ne pas révéler qu'elles sont
soumises à une procédure collective afin d'obtenir plus tard
l'annulation de la sentence ou le refus d'exequatur pour violation des regles
d'ordre public des procédures collectives. En effet, cette omission
empêche la prise en compte par les arbitres des regles d'ordre public des
procédures collectives et anéantit donc une possible coordination
des procédures.
239. Par le passé, la Cour d'appel de Paris, dans un
arrêt en date du 12 janvier 19932 a considéré
que les arbitres pouvaient écarter l'application des regles de la
faillite au nom de la contrariété au principe de bonne foi. La
Cour précise néanmoins que les arbitres peuvent ignorer la
procédure de faillite, qui n'a pas été volontairement
portée à leur connaissance, à deux conditions. D'une part,
l'efficacité internationale du jugement de la faillite doit être
contesté par une partie car l'arbitre ne peut pas s'auto-saisir
d'office3. D'autre part, l'efficacité internationale du
jugement de la failite doit être selon la Cour d'appel invoquée
Ç à titre incident È. Des lors que ces conditions sont
remplies, les arbitres peuvent ignorer la procédure collective qui n' a
pas été portée à leur connaissance. Le principe de
bonne foi s'impose donc aux parties sous peine de les priver du
bénéfice des regles protectrices des procédures
collectives.
240. On peut conclure que si les arbitres doivent se
soumettre aux regles des procédures collectives, le principe de bonne
foi, comme le principe d'estoppel, permettent de contrer les manoeuvres des
parties qui tenteraient, au prétexte qu'elles sont soumises à une
procédure collective, d'anéantir l'arbitrage. Ces solutions
jurisprudentielles ne paraissent pas contestables car toute position contraire
aurait été une prime à la mauvaise foi.
241. On peut également, à l'instar du
Professeur Jean-Baptiste Racine, encourager les juges qui auraient à
conna»tre d'un appel ou d'un recours en annulation dans un tel contexte,
à ne pas hésiter à débouter les parties qui
agissent ainsi, voire à les sanctionner4.
1 D. Vidal, Bulletin de la Cour internationale d'arbitrage de la
CCI, Vol.20/1, 2009, p. 64.
2 CA Paris, 12 janvier 1993, République de
Côte-d'Ivoire et a. c/ Norbert Beyrard., cf Rev. arb.1993, p 684.
3 J.-B. Racine, op. cit., p. 117.
4 En ce sens, J.-B. Racine, op. cit., p. 504.
Section 2 : Le contentieux post-arbitral
242. Sans conteste, on assiste non seulement à une
reconnaissance mutuelle et une coordination des procédures, ainsi
qu'à une efficacité croissante de la sentence arbitrale. Pourtant
le contentieux post-arbitral subsiste et il convient de l'analyser. La sentence
arbitrale peut faire l'objet de voies de recours (Sous-section 1) devant les
juridictions étatiques. Dans ce cas, les contentieux engendrés ne
remettent pas en cause la collaboration entre justice privée et justice
étatique. Mais le développement de la pratique des anti-suit
injunctions pose davantage de difficultés quant à leur impact sur
les relations entre procédures collectives et arbitrales (Sous-section
2).
Sous-section 1 : Les voies de recours contre la sentence
arbitrale
243. Lorsqu'une partie souhaite contester la sentence
arbitrale, il lui est possible d'exercer des voies de recours. Mais toutes les
voies de recours ne sont pas ouvertes dans le cadre d'un arbitrage. Ainsi, les
parties ne peuvent pas exercer d'opposition car la convention d'arbitrage
résulte d'un contrat. Il n'est donc pas concevable de prétendre
que l'une des parties n'ait pas concourue à la décision de
recourir à l'arbitrage. En outre, tout pourvoi en Cassation est exclu
car la Haute juridiction n'a à conna»tre que des décisions
des juridictions étatiques. Par conséquent, les parties à
l'arbitrage peuvent exercer un appel (1) ou un recours en annulation (2). Et le
Professeur Dominique Vidal rappelle que Ç les parties ne peuvent pas
d'un commun accord modifier le système légal des voies de
recours, qui est d'ordre public1 È. Par conséquent,
ces deux seules voies de recours sont ouvertes.
§ 1 L'appel devant les juridictions
étatiques
244. L'appel est une voie de recours qui peut contester soit
la décision du juge commissaire (A), soit la sentence arbitrale
elle-même ou son exequatur (B). Elle s'effectue devant les juridictions
étatique, manifestant ainsi la complémentarité de la
justice privée et de la justice d'Etat.
A - L'appel contre la décision du juge
commissaire
245. Un appel est possible contre la décision du juge
commissaire statuant sur l'admission des créances. Ainsi, un arrêt
récent de la Cour de cassation2 précise que l'appel
est le seul recours possible même lorsque le juge commissaire, faisant
application d'une clause compromissoire, se
1 D. Vidal, Droit francais de l'arbitrage commercial
international, Gualino, 2004, p. 267, n° 445.
2
Cass. com., 22 janvier 2008, n°
06-18. 703, Bull. 2008, IV,n°1.
déclare incompétent. En l'espèce,
l'entreprise CTM et la société GFIM ont conclu un contrat
contenant une clause compromissoire. Suite à la liquidation judiciaire
de l'entreprise CTM, la société GFIM déclare sa
créance, contestée par la partie adverse, au juge commissaire. Ce
dernier se déclare incompétent pour trancher la contestation.
Cette décision du juge commissaire fait l'objet d'un recours devant la
Cour d'appel mais cette dernière se déclare incompétente
au motif que le juge commissaire s'est déclaré
incompétent.
La Cour de Cassation casse et renvoie les parties devant la
Cour d'appel. Il résulte de cet arrêt que la décision du
juge commissaire déclarant son incompétence au profit de
l'instance arbitrale, ne remet pas en cause la compétence des
juridictions étatiques lorsqu'une voie de recours est exercée. La
vision consistant à tracer une frontière étanche entre
justice arbitrale et étatique, dès lors que l'institution
arbitrale est désignée compétente, est donc
erronée.
B - L'appel contre la sentence ou contre la decision
statuant sur l'exequatur
246. Selon l'article 1482 du Code de procédure civile,
<< la sentence arbitrale est susceptible d'appel à moins que les
parties n'aient renoncé à l'appel dans la convention d'arbitrage.
Toutefois, elle n'est pas susceptible d'appel lorsque l'arbitre a reçu
mission de statuer comme amiable compositeur, à moins que les parties
n'aient expressément réservé cette faculté dans la
convention d'arbitrage È.
247. Dans le cas oü l'exequatur de la sentence a
été refusé, l'article 1501 du nouveau Code de
procédure civile1 précise qu'une telle décision
est susceptible d'appel. Mais lorsque la décision accorde l'exequatur,
l'appel n'est possible que dans les cas prévus par l'article 1502 du
nouveau Code de procédure civile2.
§ 2 Le recours en annulation
248. Le recours en annulation constitue l'autre voie de
recours que peuvent exercer les parties à l'instance arbitrale afin
d'obtenir l'annulation de la sentence. Si une annulation partielle est
possible, la jurisprudence prononce souvent une annulation totale de la
sentence (A). Cette solution est souvent critiquée dès lors
qu'une annulation partielle aurait pu suffire car une solution trop
tranchée met à mal la collaboration des juridictions arbitrales
et étatiques. En outre, l'examen
1 Art1501 NCPC : << La décision qui refuse la
reconnaissance ou l'exécution est susceptible d'appel È.
2 Art 1502 NCPC : << L'appel de la décision qui
accorde la reconnaissance ou l'exécution n'est ouvert que dans les cas
suivants :
1° Si l'arbitre a statué sans convention d'arbitrage
ou sur convention nulle ou expirée ;
2° Si le tribunal arbitral a été
irrégulièrement composé ou l'arbitre unique
irrégulièrement désigné ;
3° Si l'arbitre a statué sans se conformer à
la mission qui lui avait été conférée ;
4° Lorsque le principe de la contradiction n'a pas
été respecté ;
5° Si la reconnaissance ou l'exécution sont
contraires à l'ordre public international È.
des effets du recours en annulation dans le cadre d'un arbitrage
international soulignera la volonté de la justice étatique et de
la justice privée de se coordonner (B).
A - L'annulation totale de la sentence critiquée
249. Si les parties ont renoncé conventionnellement
à l'appel, la seule voie ouverte est le recours en annulation. Le
recours en annulation implique un contrôle de la légalité
de la sentence, et s'il est accueilli, il entra»ne l'annulation de tout ou
partie de la sentence. Mais ce recours n'est possible que dans l'un des six cas
énumérés par l'article 1484 du nouveau Code de
procédure civile1.
250. Le plus souvent, la nullité de la sentence
arbitrale sera encourue, soit parce que les arbitres ont rendu une sentence qui
méconna»t l'ordre public, soit parce qu'ils se sont
prononcés sur une question qui échappait à leur
compétence. Néanmoins si l'annulation de la sentence se justifie
au regard de la prééminence des règles des
procédures collectives, nombre d'auteurs soulignent que cette protection
aboutit à des solutions trop tranchées.
251. Dans l'arrêt Thinet en date du 8 mars
19882, la Cour de Cassation avait justifié l'annulation de la
sentence arbitrale au motif que les arbitres avaient violé la
règle d'ordre public d'arrêt des poursuites individuelles en
condamnant le débiteur au paiement d'une créance au lieu de se
contenter de statuer sur l'existence d'une créance et la
détermination de son montant. Cette violation de l'ordre public
empêche inévitablement l'exequatur de la sentence. Mais la Cour de
Cassation va plus loin et prononce l'annulation de la sentence, signifiant
ainsi la primauté des règles des procédures collectives.
De sorte que même en cas de paiement volontaire, il est probable que ce
paiement aurait tout de même été annulé3.
Cependant le Professeur Pascal Ancel critique cette solution et
considère Ç qu'une annulation partielle aurait pu
suffire4 È.
252. De même, la solution de la Cour de Cassation rendue
dans l'arrêt SBBM5 oü le débiteur avait
été condamné à payer une somme d'argent est
critiquée. Ainsi, Monsieur Moitry souligne que la
1 Art 1484 NCPC : Ç Lorsque, suivant les distinctions
faites à l'article 1482 , les parties ont renoncé à
l'appel, ou qu'elles ne se sont pas expressément réservées
cette faculté dans la convention d'arbitrage, un recours en annulation
de l'acte qualifié sentence arbitrale peut néanmoins être
formé malgré toute stipulation contraire. Il n'est ouvert que
dans les cas suivants :
1° Si l'arbitre a statué sans convention d'arbitrage
ou sur convention nulle ou expirée ;
2° Si le tribunal arbitral a été
irrégulièrement composé ou l'arbitre unique
irrégulièrement désigné ;
3° Si l'arbitre a statué sans se conformer à
la mission qui lui avait été conférée ;
4° Lorsque le principe de la contradiction n'a pas
été respecté ;
5° Dans tous les cas de nullité prévus
à l'article 1480 ;
6° Si l'arbitre a violé une règle d'ordre
public È.
2 Cass. Civ. 1re, 8 mars 1988 - Thinet - n° 86-12.015, Bull.
1988, I, n° 65 p. 42.
3 En ce sens, P.Ancel, Rev. arb. 1989, p. 477.
4 P. Ancel, Rev. arb. 1989, p. 477.
5 Cass. Civ. 1re, 4 février 1992 - Sté. de
recherches et d'études techniques c/ SBBM - n° 90-12.569, Bull.
Civ. I, n° 38, p. 28.
sentence n'était pas susceptible d'exécution
forcée car elle contrevenait au principe d'arrêt des poursuites.
De sorte qu' une annulation partielle de la décision aurait suffit afin
<< de sanctionner la décision de condamnation tout en confirmant
la décision des arbitres sur le montant de la créance1
È.
253. Ces critiques de la doctrine prônent indirectement
le recours à une solution modérée, par le biais de
l'utilisation souvent plus appropriée de l'annulation partielle. En
effet, ces annulations pures et simples de la Cour de Cassation constituent des
<< excès de procédures2 È qui ne tendent
pas à la coordination des procédures collectives et
arbitrales.
B - Les effets du recours en annulation sur la
coordination des procedures
254. En matière d'arbitrage international, les cas
d'annulation de la sentence sont les mêmes que ceux prévus par
l'article 1502 du nouveau Code de procédure civile, pour l'appel contre
la décision accordant l'exequatur3. Le Professeur Dominique
Vidal souligne que cette communauté de règles dans les contextes
différents de l'exequatur ou de l'annulation << atteste de la
cohérence des critères de fonds du contrôle judiciaire de
la sentence4 È.
255. En outre, conformément à l'article 1504
alinéa 25, le recours en annulation emporte de plein droit
recours contre l'ordonnance d'exequatur. Inversement, le rejet du recours en
annulation confère l'exequatur à la sentence
arbitrale6. Ces solutions s'expliquent par la volonté de
coordonner les solutions afin d'éviter la contrariété
entre les décisions judiciaires rendues en France et celles prises dans
d'autres ordres judiciaires7. En effet, il n'est pas rare qu'une
sentence arbitrale mettant en jeu les intérêts du commerce
international, fasse l'objet de recours en annulation par une des parties et
que parallèlement l'exequatur soit ordonné dans un autre pays.
1 J-H. Moitry, Rev. arb. 1992, p. 665.
2 V.J-H. Moitry, op. cit.
3 Art 1504 al 1 revoie à l'art 15012 car il dispose :
<< La sentence arbitrale rendue en France en matière d'arbitrage
international peut faire l'objet d'un recours en annulation dans les cas
prévus à l'article 1502 È.
4 D. Vidal, Droit français de l'arbitrage commercial
international, Gualino, 2004, p. 267, n° 443.
5 Art 1504 al 2 NCPC : << L'ordonnance qui accorde
l'exécution de cette sentence n'est susceptible d'aucun recours.
Toutefois, le recours en annulation emporte de plein droit, dans les limites de
la saisine de la cour, recours contre l'ordonnance du juge de
l'exécution ou dessaisissement de ce juge È.
6 Art 1507 NCPC renvoie à l'art 1490 qui dispose :
<< Le rejet de l'appel ou du recours en annulation confère
l'exequatur à la sentence arbitrale ou à celles de ses
dispositions qui ne sont pas atteintes par la censure de la cour È.
7 En ce sens, D. Vidal, Droit français de l'arbitrage
commercial international, Gualino, 2004, p. 275, n° 459.
Sous-section 2 : Les anti-suit injunctions comme ultime
contrôle de la sentence arbitrale internationale
256. La pratique anglo-saxonne des <<anti-suit
injunctions>> se développe bien que sa légitimité
soit encore débattue. Néanmoins, cette technique n'est pas
théorique et est en pratique effective (1) notamment en présence
d'un arbitrage. Après examen des conditions d'existence des anti-suit
injunctions et de leurs effets, l'étude de la jurisprudence
récente permettra de déterminer leur champ d'application en
présence d'une instance arbitrale (2).
§ 1 L'effectivité des anti-suit
injunctions
257. Dans un premier temps, seront examinés l'origine
et les objectifs des anti-suit injunctions (A). Dans un second temps, il
conviendra d'analyser leurs effets afin de déterminer si elles
constituent un moyen d'essor ou au contraire un obstacle au déroulement
d'une instance arbitrale (B).
A - Origine et objectifs de l'anti-suit injunction
258. L'anti-suit injunction est une pratique anglo-saxonne
qui n'a pas véritablement d'équivalent en français.
Pourtant, certains praticiens du droit utilisent la dénomination
française << d'injonctions contre les poursuites1
>>. Il existe deux sortes d'anti-suit injunctions, qui ont chacune un
objectif différent. Soit l'anti-suit injunction est utilisée pour
contester la légalité de l'ouverture d'une institution arbitrale,
lorsqu'une partie considère que le litige n'est pas couvert par la
convention d'arbitrage ; soit, au contraire, elle permet de contester la
méconnaissance par une juridiction étatique
étrangère d'un arbitrage contractuellement prévu.
259. Un grand nombre de systèmes juridiques
connaissent des anti-suit injunctions, cette technique est utilisée
couramment aux Etats-Unis, en Australie, au Canada. Mais elle trouve son
origine dans l'Angleterre médiévale. L'
<<injunction>> alors prononcée par le chancelier avait pour
but d'empêcher un plaideur de saisir les tribunaux de la Common law
dès lors qu'il estimait qu'une telle action était contraire
à la bonne conscience2.
Ce pouvoir d'injonction, qui interdit à une partie
d'exercer une action en justice devant un tribunal arbitral ou devant la
juridiction étatique d'un pays étranger, est un pouvoir que les
juridictions anglaises se sont elles-mêmes reconnues en 1834 sous le
dénomination d'anti-suit injunction3.
1 Maître P. Desbiens, Journal du Barreau, vol. 42,
n°8, aoüt 2010.
Séminaire de l'Association du Barreau canadien
intitulé << Les injonctions contre les poursuites >>.
2 En ce sens, S. Cordonnier, << L'anti-suit injunction au
sein de l'espace judiciaire européen >>, Mémoire, Aix
Marseille III, 2005.
3 En ce sens, B. Mercadal,
http://www.institut-idef.org/Anti-suit-injunction.html
260. L'objectif de celui qui prononce l'anti-suit injunction
est de Ç faire prévaloir sa propre conception de la juridiction
compétente sur celle de toute autre juridiction, étatique ou
arbitrale, qui pourrait être saisie ou a été effectivement
saisie de la question1 È. Mais cela peut avoir pour effet de
brouiller davantage les pistes quant à la répartition de
compétences déjà délicate entre institution
arbitrale et juridiction étatique. Car si les anti-suit injunctions
constituent dans certains cas un instrument de promotion de l'arbitrage, dans
d'autres elles remettent en question la légitimité même de
l'arbitrage.
B - Mesure de soutien ou obstacle au déroulement de
l'arbitrage ?
261. Certains praticiens2 y voient une mesure de
soutient à l'arbitrage. Alors que d'autres, y voyant davantage d'effets
pervers, revendiquent haut et fort l'abandon du prononcé d'anti-suit
injunctions en matière d'arbitrage. Il convient donc d'examiner les
effets positifs (1°) et négatifs (2°) du prononcé d'une
anti-suit injunction.
1° Une mesure de soutien à
l'arbitrage
262. Lorsqu'une convention d'arbitrage est valide, le plus
souvent la technique de l'anti-suit injunction permet le déroulement de
l'arbitrage, en enjoignant a une partie de cesser son action devant la
procédure judiciaire étrangère. C'est donc un instrument
efficace pour rendre exécutoire une convention d'arbitrage et il
contribue de ce fait à encourager le recours à l'arbitrage. Cette
hypothèse constitue l'apogée de la résistance de la
compétence arbitrale et manifeste plus qu'une reconnaissance, une
véritable collaboration entre justice étatique et arbitrale. En
effet, dans ce cas, c'est le juge qui confère sa force suprême
à l'arbitrage3 et il est impossible de la
méconna»tre. Mais le prononcé d'une anti-suit injunction n'a
pas toujours cet objectif.
2° Un obstacle à l'arbitrage
263. Inversement, l'anti-suit injunction peut empêcher
le déroulement d'un arbitrage et faire respecter, le cas
échéant, une clause attributive de juridiction4. On
peut alors concevoir qu'une anti-suit injunction puisse être
prononcée pour soustraire un litige de la compétence arbitrale.
On parle alors d'anti-suit injunctions offensives qui tentent de faire obstacle
à l'arbitrage même lorsque sa compétence est valable.
1 S. Cordonnier, op. cit.
2 R. Carrier, D. 2005, p.2712.
3 En ce sens, S. Cordonnier, op. cit., p.44 et s.
4 En ce sens, R. Carrier, D. 2005, p.2712.
Cette hypothèse pose problème car elle contredit
<< l'effet négatif1 È du principe de
compétencecompétence reconnu par le droit français, et en
vertu duquel les juridictions étatiques sont incompétentes tant
que l'arbitre ne s'est pas prononcé lui-même sur sa
compétence. De même, ce type d'injonction semble contraire au
droit anglais, du moins si les parties ne sont pas d'accord. Car l'effet
négatif semble être reconnu partiellement en Angleterre. En effet,
les juridictions étatiques ne peuvent << statuer sur la
compétence d'un tribunal arbitral qu'avec l'accord des parties ou
à défaut du tribunal lui même2 È.
264. Par conséquent, en France, les anti-suit
injunctions prononcées par un juge pour interdire l'arbitrage devraient
être interdites puisque l'arbitre est seul compétent pour statuer
sur sa compétence.
Il en est de même en Angleterre, le juge ne devrait pas
pouvoir prononcer une telle anti-suit injunction avant que l'arbitre connaisse
le litige et se déclare ou non compétent, sauf dans le cas
oü les parties ou le tribunal arbitral lui-même accordent au juge
étatique ce pouvoir.
On peut conclure que l'interférence entre l'anti-suit
injunction et le pouvoir reconnu aux arbitres devrait justifier l'interdiction
de telles pratiques. En ce sens, Monsieur Olivier Cachard3
considère que le principe de compétence-compétence est le
remède le plus approprié pour combattre les anti-suit
injunctions.
265. En outre, certains praticiens réclament sur le
fondement de l'article 24 du nouveau Code de procédure
civile4 le prononcé par le juge français <<
d'anti-anti suit injunction5 È. Cette disposition permet au
juge de prononcer des injonctions en cas de manquement par les parties au
respect dü à la justice. De sorte que le juge français
pourrait interdire à une partie de demander une anti-suit injunction
dans un autre pays dès lors qu'il estime que cela porterait atteinte au
respect dü à la justice française. Il s'agit en fait d'une
contre-mesure qui << enjoint à une personne de s'abstenir d'un
acte dans un autre ordre juridictionnel6 È. Mais cette
solution reviendrait à accentuer le bras de fer entre justice
privée et justice étatique. Or, les règles d'ordre public
international tendent justement à coordonner l'interférence entre
justices étatique et arbitrale dans différents pays.
1 cf supra, Titre 2 Chapitre 1,
2 R. Carrier, D. 2005, p.2712, cf article 32 de l'Arbitration Act
1996
3 Le principe de compétence-compétence <<
constitue le remède le plus approprié en ce qu'il protège
la compétence de l'arbitre contre toute interférence positive
(affirmation d'une compétence concurrente) ou négative (anti-suit
injunction) È ; O. Cachard, DMF 675, novembre 2006, p. 876.
4 Art 24 NCPC << Les parties sont tenues de garder en
tout le respect dü à la justice. Le juge peut, suivant la
gravité des manquements, prononcer, même d'office, des
injonctions, supprimer les écrits, les déclarer calomnieux,
ordonner l'impression et l'affichage de ses jugements È.
5 S. Cordonnier, op. cit., p.44 et s.
6. En ce sens, F. Rigaux, Académie de droit international
de La Haye, Recueil des cours, Cour général de droit
international privé, 1989, p. 310.
Toutes solutions qui iraient à contre-courant de cette
volonté de se reconna»tre mutuellement ne paraissent donc pas
souhaitables. Or l'anti anti-suit injunction en interdisant de conduire une
procédure devant une autre juridiction manifesterait de ce fait la non
reconnaissance de la légitimité des autres juridictions. En
outre, la jurisprudence française ne semble pas vouloir valider un tel
procédé, ainsi le Tribunal de Commerce de Marseille1 a
rejeté une demande d'anti anti-suit injunction.
§ 2 Validité des anti-suit injunctions
limitée
266. Dans le silence du législateur français,
il convient d'examiner la jurisprudence pour savoir quelle est la
validité des anti-suit injunctions. La pratique prononçant une
anti-suit injunction a été jugée valide lorsqu'elle permet
de faire respecter une obligation contractuelle communément voulue par
les parties (A). Si le recours à l'arbitrage résulte d'une
convention entre les parties, l'admission d'une anti-suit injunction pour les
contraindre à recourir à l'arbitrage pose difficulté
(B).
A - Validité des anti-suit injonctions visant
à faire respecter une obligation contractuelle
267. La Cour de cassation a récemment admis la
validité des anti-suit injunctions en France et certains auteurs
évoquaient alors leur << retour en gr%oce2 È.
Pourtant, cette solution n'allait pas de soi comme en témoigne un
proverbe anglais qui résume assez bien la situation : << la sauce
qui convient à l'oie anglaise ne convient pas pour le jars
étranger3 È. Aussi, la validité des anti-suit
injunctions conna»t un champ d'application limité.
268. Dans un arrêt en date du 14 octobre
20094, la Haute juridiction affirme que << n'est pas contraire
à l'ordre public international l'anti suit injunction dont, hors du
champ d'application de conventions ou du droit communautaire, l'objet consiste
seulement, à sanctionner la violation d'une obligation contractuelle
préexistante È.
En l'espèce, une société française
passe avec une société américaine un contrat de
distribution contenant une clause attributive de juridiction en faveur des
tribunaux de l'Etat de Georgie. Suite à la résiliation du
contrat, la société française saisit le tribunal
français. Parallèlement, la société
américaine saisit une juridiction américaine et obtient une
injonction contre la société française afin qu'elle
abandonne l'action introduite en France.
La société française se pourvoit en
cassation au motif que l'anti-suit injunction est contraire à
1 Affaire dite << Navire Antigoni È,
Tribunal de Commerce, 13 janvier 2006 , DMF 675 novembre 2006, p.856 .
2 S. Bollé, D. 2010, p. 177.
3 V.P. Thery, RTD Civ. 2010, p. 372.
4 Cass. Civ. 1re, 14 octobre 2009 - n°08.16369 et
08.16549.
l'ordre public, en ce qu'elle porte atteinte à la
souveraineté de l'Etat et au droit d'accès au juge. Mais la Haute
juridiction valide l'anti-suit injunction qui n'avait d'autre motif que de
faire respecter une obligation contractuelle librement consentie. Elle choisit
donc de faire respecter la clause attributive de compétence convenue
entre les parties.
269. Cette solution de la Cour de cassation ne nie pas que
l'anti-suit injunction est une manifestation de l'imperium du juge.
Elle considère qu'elle ne porte atteinte à la souveraineté
d'un Etat que si elle est utilisée <<pour contraindre le
défendeur à se désister d'une demande formée devant
un tribunal étranger afin d'assurer la primauté de sa
règle nationale de compétence1 È. Mais en
l'espèce, ce n'est pas le cas, et l'anti-suit injunction est valide
dès lors qu'<< elle a pour objet d'assurer l'exécution
d'une convention licite2 È.
B - Exclusion de l'anti-suit injunction en matière
d'arbitrage
270. On aurait pu alors penser que la solution serait la
même en cas de convention d'arbitrage conclue par les parties. Mais la
Cour de Cassation précise que cette solution vaut seulement <<hors
du champ d'application de conventions ou du droit communautaire È. Selon
le Professeur Philippe Thery, cette réserve << interdit tout
recours à l'injonction pour faire respecter une convention d'arbitrage,
parce que la confiance légitime qui doit régir les rapports entre
juridictions des Etats membres impose de laisser à la juridiction saisie
le soin de statuer sur sa compétence3 È.
271. En ce sens, dans une décision rendue le 10
février 20094, l'actuelle Cour de Justice de l'Union
Européenne avait déjà considéré que <<
l'adoption, par une juridiction d'un Etat membre, d'une injonction visant
à interdire à une personne d'engager ou de poursuivre une
procédure devant les juridictions d'un autre Etat membre, au motif
qu'une telle procédure serait contraire à une convention
d'arbitrage, est incompatible avec le règlement CE n° 44-2001 du
Conseil È. En l'espèce, un navire endommage un embarcadère
situé sur le territoire italien, suite à quoi la
société propriétaire de l'embarcadère obtient une
garantie de ses assureurs. Il se trouve que le navire était
affrété par la même société et que le contrat
d'affrètement contenait une convention d'arbitrage. Par
conséquent, la société engage pour le surplus non garanti
par les assureurs une procédure arbitrale à Londres. Mais les
assureurs exercent un recours subrogatoire contre la société
propriétaire devant une juridiction étatique italienne.
La Hight Cour, sur la demande de la société
propriétaire, délivre une injonction à l'encontre des
1. P. Thery, RTD Civ. 2010, p. 372.
2. P. Thery, RTD Civ. 2010, p. 373.
3. P. Thery, RTD Civ. 2010, p. 372. 4 CJCE, grande ch., 10
février 2009, n° C-185.
assureurs pour qu'ils abandonnent la procédure mise en
oeuvre en Italie et suivent la procédure arbitrale, ce que ces derniers
contestent. Une question préjudicielle est alors posée à
la CJCE afin de savoir si un Etat membre a le droit de prononcer une anti-suit
injunction pour protéger une procédure arbitrale. Ce à
quoi, la CJCE répond par la négative.
272. Cette solution est très controversée,
critiquée par les uns1, saluée par les
autres2, mais nul doute qu'elle n'est pas favorable à
l'arbitrage. L'approche communautaire tranche donc avec la <<conception
libérale >> de l'arbitrage, qui prévaut en France mais
aussi au Royaume Uni3. Et on peut regretter, outre le fondement
contestable de la décision4, que cette solution traduise
l'absence de volonté de la Communauté Européenne de
soutenir l'arbitrage, dans un espace oü prédominent les relations
économiques5. Car, on le sait, le recours à
l'arbitrage est plébiscité dans les relations
d'affaires6.
273. Pour conclure, la pratique des anti-suit injonctions
semblait, au départ, être une technique visant à
étendre les pouvoirs des juges étatiques pour rendre
exécutoires des sentences arbitrales internationales et ainsi
régir de façon extra-territoriale l'aptitude des parties à
conna»tre d'un arbitrage. En réalité, on ne peut pas dire
que le prononcé d'anti-suit injunction soit systématiquement un
instrument tendant à l'essor de l'arbitrage et à une meilleure
coordination avec la justice étatique, comme en témoigne le
développement des anti-suit injonctions offensives.
274. Quant au droit communautaire, il ne semble pas vouloir
prendre de mesures visant à encourager le développement de
l'arbitrage. Pour autant, le mot de la fin n'est pas certain, car des rapports
commandés par la Commission Européenne pourraient encore changer
la donne, s'ils sont pris en compte. En effet, l'un d'eux7
préconise de conférer << une compétence exclusive au
juge du lieu de l'arbitrage pour toutes les mesures prises à l'appui
d'une procédure arbitrale >>. Il en résulterait que toute
décision judiciaire concernant un arbitrage ayant son siège dans
l'Union européenne serait exécutée et reconnue comme une
décision judiciaire ordinaire. Ce rapport recommande aussi de mettre en
oeuvre << une règle de litispendance ordonnant au juge saisi de
surseoir à statuer si le juge du lieu de l'arbitrage est saisi d'une
action déclaratoire concernant l'existence, la validité ou
l'étendue d'une convention d'arbitrage >>8. Ce qui
consacrerait plus largement les effets du principe
1 C. Kessedjian, D. 2009, p. 981 et s.
P. Thery, RTD Civ. 2009, p. 357 et s.
2 P. Delebecque, RTD Com. 2009, p. 644.
3 En ce sens, P. Thery, RTD Civ. 2009, p. 358.
4 V.C. Kessedjian, D. 2009, p. 981 et s.
5 En ce ses, P. Thery, op. cit.
6 cf supra, Introduction.
7 Rapport français en vue de l'Etude relative à
l'application du Règlement CE 44/2001 à la demande de la
Commission européenne coordonné par les Professeurs Hess,.
Pfeiffer et Schlosser, dit rapport Hess.
8 V.C. Kessedjian, D. 2009, p. 981et s.
de compétence-compétence, déjà
reconnus par le droit francais.
En dépit des réticences de l'actuelle Cour de
justice de l'Union européenne à soutenir l'arbitrage, cette
institution est pleinement reconnue par la justice étatique. Et les
procédures arbitrales et collectives se coordonnent, tant en France que
dans le cadre international.
CONCLUSION
275. L'ordre public est la clef de voute de la rencontre
entre arbitrage et procédure collective. Non seulement il intervient
pour définir la notion d'arbitrabilité d'un litige, mais il
s'immisce aussi dans la procédure d'arbitrage pour définir les
règles applicables au fond du litige. Enfin, il a un impact quant aux
critères déterminant l'étendu du contrôle de la
sentence arbitrale. Néanmoins, l'appréciation des règles
d'ordre public imposées par la présence d'une procédure
collective a évolué.
276. Tout d'abord, l'ordre public des procédures
collectives a été considéré comme insuffisant pour
exclure de ce seul fait l'arbitrage. Ainsi, l'arbitre peut conna»tre des
litiges sur lesquels les procédures collectives n'exercent pas
d'influence juridique. Cette solution est un premier pas qui tend à
rapprocher deux justices indépendantes et antagonistes. Il en
résulte une reconnaissance mutuelle des procédures collectives et
arbitrales.
277. Néanmoins, leur coexistence ne se fait pas sans
heurts. Car l'ordre public des procédures collectives s'impose à
l'institution d'arbitrage, donnant le sentiment que cette dernière est
écrasée sous son poids et privée de son
indépendance. Mais, s'il est vrai que les règles d'ordre public,
dont sont fortement empreintes les procédures collectives, s'imposent
à l'arbitrage, il n'en résulte pas pour autant une
prédominance totale de ces dernières. Certes, l'arbitrage doit
respecter les règles d'arrêt des poursuites, de déclaration
et de vérification de créances mais il ne s'en trouve pas pour
autant anéanti. Car si l'instance arbitrale est subordonnée aux
règles d'ordre public et perturbée par l'ouverture d'une
procédure collective, il n'en reste pas moins qu'elle survit.
278. De plus, au cours de ces dix dernières
années, la jurisprudence a renforcé le maintient des
procédures arbitrales face à l'ouverture d'une procédure
collective, en prévoyant notamment des cas d'incompétence du juge
commissaire au profit de la compétence arbitrale. L'arbitrage
résiste donc face à l'impérialisme des procédures
collectives.
279. Enfin, ces procédures ne se contentent pas de
coexister dans un rapport de force qui varie au profit de l'une ou de l'autre
selon le cas d'espèce. Dans certains cas, elles ne se confrontent plus
mais collaborent. Ainsi, l'échange d'informations entre les
procédures ainsi que le respect de règles supérieures
témoignent d'une coordination des procédures collectives et
arbitrales. En outre, c'est le juge judiciaire qui assure la pleine
efficacité de la sentence arbitrale en lui donnant force
exécutoire. Il en résulte, plus qu'une coordination, une
véritable complémentarité des procédures.
Cependant, leur conjugaison n'est pas totale car les contentieux
post-arbitraux reflètent encore la réticence à admettre
pleinement l'efficacité des sentences arbitrales dans le cadre
international.
280. On peut néanmoins conclure que l'arbitrage et les
procédures collectives ont su dépasser leurs divergences et leurs
défiances. Et l'évolution de leurs relations démontre que
le conflit qui semblait inévitablement en résulter tend à
se résorber. Il semble alors que leur opposition ne soit en
réalité qu'une Ç formalité préliminaire
à la réconciliation de deux ennemis1 È.
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D. MOURALIS, Ç L'arbitrage face aux procédures
conduites en parallèle È, thèse Aix, 2008.
J.-B. RACINE, Ç L'arbitrage commercial international et
l'ordre public È, LGDJ 1999, préface Ph. Fouchard.
6 - Revues, articles et autres
ARISTOTE, << Rhétorique È. Tome II (Livre
II). trad. M. Dufour, C.U.F., Les Belles Lettres, 1938.
R. CARRIER, D. 2005, p. 2712.
B. CRESSARD, Le Bulletin des avocats de Rennes, avril 2010.
S. D, Les Echos Judiciaires Girondains, journal n° 5428,
2008
P. DESBIENS, Journal du Barreau, vol. 42, n°8, aoüt
2010
Ch. JARROSSON, << Les frontières de l'arbitrage
È, Rev. arb. 2001.
P. MAYER, << La sentence contraire à l'ordre public
au fond È, Rev. arb. 1994.
D. MELEDO-BRIAND, <<Procédures collectives et droit
économique, l'exemple français È, Rev. int. dr. éco
1994.
C. VASSEUR-THÉVENOT,Culture Droit, Spécial
arbitrage, mars 2009, n° 19.
II / SOURCES SPÉCIFIQUES CONSACRÉES Ë
L'ARBITRAGE ET AUX PROCÉDURES COLLECTIVES
1 - Articles, etudes, notes
P. ANCEL, <<Arbitrage et procédures collectives
après la loi du 25 janvier 1985 È, Rev. arb. 1987.
A. BUCHER, << Le nouvel arbitrage international en Suisse
È, éd. Helbing et Lichtenhahn, Théorie et pratique du
droit, 1988.
B. CRESSARD, Le Bulletin des avocats de Rennes, avril 2010. Ph.
FOUCHARD, <<Arbitrage et faillite È, Rev. arb. 1998.
Ph. FOUCHARD, Juris. cl. dr. int., fasc. 585-1 ou Juris. cl.
proc. civ., fasc. 1050.
N. FRICERAO, J-Cl-Pr. Civ., p.678, n°19.
S. GUINCHARD, << L'arbitrage et le respect du principe du
contradictoire È, Rev. arb. 1997.
B. HANOTIAU, << La loi applicable par l'arbitre en cas de
faillite d'une des parties à la procédure È, Rev. droit.
aff. Int. 1996.
F. RIGAUX, Académie de droit international de La Haye,
Recueil des cours, Cour général de droit international
privé, 1989.
D. VIDAL, LPA, 9 janvier 2002, n° 7.
D. VIDAL, <<Procédures collectives et
procédures d'arbitrage : quelle rencontre ? È, Gaz. Pal. 31
octobre 2009.
D. VIDAL, Bulletin de la Cour internationale d'arbitrage de la
CCI, Vol. 20/1, 2009.
2 - Jurisprudence citée
a) Décision judiciaires
Juridiction de premier degré
TGI Paris, 2 février 1996 Rev. arb. 1998,
p. 577.
Cour d'appel
CA Paris, 16 février 1989, Sté Almira Films
c/ Pierrel, ès qualités. L. Idot, Rev. arb. 1989, p.
711.
CA Paris, 27 février 1992, Me Sohm ès qual.
c/ société Simex. P. Ancel, Rev. arb. 1992, p. 590.
CA Paris, 12 janvier 1993, République de
Côte-d'Ivoire et a. c/ Norbert Beyrard. Rev. arb.1993, p 684.
CA Paris, 19 mai 1993, sté Labinal c/ stés
Mors et Westland Aerospace. Ch. Jarrosson, Rev. arb. 1993, p. 645.
CA Paris, 20 septembre 1995, sté Matra Hachette c/
sté Reteitalia.
D. Cohen, Rev. arb. 1996, p. 87.
CA Paris, 3 mars 1998, sté toulousaine
d'exploitation cinématographique c/ sté Polygram Film
Distribution.
Ph. Fouchard, Rev. arb. 2003, p. 207
CA Paris, 30 mars 1999, Consorts de Coninck c/ M. Zanzi
et société Torelli ès qual.
E. Loquin, RTD Com 1999, p. 650
Ph. Fouchard, Rev. arb. 2003, p. 207
CA Paris, 13 février 2002, n° 2001/21101.
JCP, éd. entreprise, 2003, p. 447.
CA Paris, 8 novembre 2007, n°06/7417,
légifrance.
Cour de cassation
Cass., 29 novembre 1950, Tissot, D. 1951.170.
Cass., civ. 1re, 4 juillet 1972, n° 70-14.163, Bull.
des arrêts de la Cass., n°175, p. 154.
Cass. com, 19
avril 1985, n°83-15258.
Cass. Civ. 1re, 8 mars 1988 - Thinet - n° 86-12.015,
Bull. 1988, I, n° 65 p. 42. P. Ancel, Rev. arb. 1989, p. 473.
Cass. Civ. 1re, 5 février 1991 - Sté Almira
Films c/ Pierrel, ès qualités - n° 89-14.382, Bull. Civ.
1991, I, n° 44, p. 28.
L. Idot, Rev. arb. 1991, p. 625.
C. Saint Alary Houin, Rev. proc. Coll. 1992, p. 169.
Cass. Civ. 1re, 4 février 1992 - Sté. de
recherches et d'études techniques c/ SBBM - n° 90-12.569, Bull.
Civ. I, n° 38, p. 28.
J.C. Dubarry et E. Loquin,
RTD. Com 1992, p. 794.
J-H. Moitry, Rev. arb. 1992, p. 663.
Cass. Civ. 2e, 23 octobre 1996, n° 95-17207,
légifrance.
Cass., civ.1re, 5 janvier 1999, Zanzi c/ De Coninck,
n° 96-21.430, Bull. 1999, I n° 2, p. 1. E. Loquin, RTD Com.
1999, p. 380.
Cass. civ. 1re, 1 décembre 1999, n° 97-21488,
Rev. arb. 2000, p. 96.
Cass. civ. 1re, 26 juin 2001, n°99-17120, Rev. arb.
2001, p. 529.
Cass. Com, 4 mars
2003 n° 00-11.553, Bull. 2003, IV,n° 36, p. 42. C.
Seraglini, JCP 2003, I, 164, n°6.
A. Lienhard, D. 2003. p. 831.
Cass. Com., 14
janvier 2004 - Sté Prodim et autres c/ Sé Evolys -
n°02-15.541, Bull., 2004, IV, n° 10, p. 12.
P. Ancel, rev. arb. 2004, p. 591 et s.
A. Lienhard, D. 2004, p. 278.
Cass. 1re civ., 30 mars 2004 - Rambour ès qual. Et
a. c/ Sté Frabaltex - n° 01-11.951, Bul. Civ. 2004, I, n° 98,
p. 79.
D., IR, p. 1425.
T. Clay, D. 2004, p. 3183.
O. Staes, Rev. proc. coll. 2004, p. 236, n°2
J. Vallasan, Act. proc. coll. 2004, n° 112.
Cass. Com., 2
juin 2004 - Sté Industry et autres c/ Sté Alstom Power
Turbomachines - n° 02- 18.700, Bull. civ. 2004, IV,n° 110, p.
114.
Cass. Com., 2
juin 2004 - Sté Gaussin et a. c/ Sté Alston Tower Turbomachines -
n° 02-13.940, Bull. civ. 2004, IV,n° 112, p.
115.
P. Ancel, rev. arb. 2004, p. 591 et s.
D. Gibirila, Répertoire du notariat
Défrénois, 15 décembre 2004, n° 23, p. 1671.
A. Lienhard, D. 2004, act. jur., p. 1732.
E. Loquin, RTD Com. 2004, p. 439.
A. Martin-Serf, RTD Com. 2004, p. 808.
M.-H. Monsèrié-Bon, Droit et patrimoine 2004,
n°130, p. 119.
N. S, JCP E 2004-975, p. 1053
O. Staes, Rev. proc. coll. 2004, p. 235, n°1.
D. Touchent, LPA21 juillet 2004 n° 145, p. 15.
Cass. Civ. 1re, 25 avril 2006 - Sté SCF c/
Sté Chays Frères - n°05-13.749, Bull. civ. 2006, I, n°
197, p. 173.
G. Chabot, LPA, 27 juin 2006, n° 127, p. 18.
Cass. com, 3
octobre 2006, n° 04-13.987.
Cass. Civ. 1re, 4 juin 2008 - SNCF c/ Cytec - n°
06-15.320, Bull. civ., 2008, I, n° 162. T. Clay, D. 2008, p.
3111.
X. Delpech, D. 2008, AJ, p. 1684.
A. Malan, LPA,26 mars 2009, n°61, p. 8.
E. Loquin, RTD Com 2008, p. 518.
Cass. com., 22
janvier 2008, n° 06-18. 703, Bull. 2008, IV, n°1.
Cass. Civ. 1re, 6 mai 2009 - Mandataires judiciaires
associés c/ Sté International Company for Commercial Exchanges
Income - n°08-10.281.
X. Delpech, D. 2009, AJ, p.1422.
E. Loquin, RTD Com. 2009, p. 546.
D. Mouralis, VI : ÇApplication à l'arbitrage des
principes d'estoppel et de suspension des poursuites individuelles en
matière de faillite È, Petites affiches, 21 juillet 2009 n°
144, in Chronique de droit de l'arbitrage n° 5, T. Clay.
Cass. Civ. 1re, 14 octobre 2009 - n°08.16.369 et
08.16549. S. Bollé, D. 2010, p. 177.
H. Muir Watt, Rev. crit. DIP, 2010, p. 158
P. Thery, RTD Civ. 2010, P.372.
Cass. civ. 1re, 3 février 2010,
n°09-12669.
Cour de justice de l'Union européenne
CJCE, gde ch., 10 février 2009, n° C-185/
P. Delebecque, RTD Com. 2009, p. 644
C. Kessedjian, D. 2009, p. 981
P. Thery, RTD Civ. 2009, p. 357
b) Sentences
Sentence CCI n°2139, 1974. Y.Derains,
Clunet, 1975, p. 929
Sentence CCI n° 4415, 1984. J.D.I. 1984, p.
952
Sentence CCI n° 6057, 1991. Y.Derains,
Clunet, 1993, p. 1016.
Sentence CCI, n°6697, 1990 Rev. arb. 1992,
p. 135.
Sentence CCI, n° 7205, 1993.
J-J. Arnaldez, Clunet, 1995, p. 1032.
Sentence CCI, n° 10687
Bulletin de la Cour internationale d'arbitrage de la CCI,
Vol.20/1, 2009.
Sentence CCI, n°12452
Bulletin de la Cour internationale d'arbitrage de la CCI,
Vol.20/1, 2009.
Sentence CCI, n° 12805, 2004
Bulletin de la Cour internationale d'arbitrage de la CCI,
Vol.20/1, 2009.
Sentence CCI, n°13845, 2006
Bulletin de la Cour internationale d'arbitrage de la CCI,
Vol.20/1, 2009.
III - SOURCES NUMÉRIQUES
Statistiques sur les procédures collectives:
www.altares.fr
P. DELMOTTE, Ç L'égalité des
créanciers dans les procédures collectives È, Rapport de
la Cour de cassation, 2003,
www.courdecassation.fr
K. RIBAHI, Ç L'arbitrage commercial È, Fiche
pédagogique virtuelle, Faculté de droit de Lyon, 2009,
http://fdv.univ-lyon3.fr
INDEX LEXICAL
A
Amiable composition 14, 19, 73, 83
|
Créances antérieures Créances
postérieures
|
|
|
41, 52
52
|
Anti anti-suit injunction 95
|
D
|
|
|
|
Anti-suit injunction 88, 92-97
|
Déclaration des créances
|
|
|
45
|
Anti-suit injunction offensive 94, 97
|
Dessaisissement du débiteur
|
|
|
34, 47, 59
|
Arbitrabilité 13, 17, 18, 21, 22, 24-28, 39
|
E
|
|
|
|
Arrêt des poursuites individuelles 33, 35, 45-47,
|
Égalité des créanciers 22, 35,
|
36,
|
38,
|
40, 45-47,
|
71, 74, 90
|
|
|
50-52, 71, 78
|
Arrêt Gaussin contre Alstom 41
|
Estoppel
|
|
|
82, 86
|
Arrêt Industry contre Alstom 70
|
Exequatur 8, 47, 59, 61, 74,
|
75,
|
77,
|
79-81, 84,
|
Arrêt Labinal 75
|
|
|
|
86, 88-91
|
Arrêt Matra Hachette 56, 67
|
I
|
|
|
|
Arrêt SBBM 91
|
|
|
|
|
|
Imperium
|
|
|
60, 65, 96
|
Arrêt SNCF c/ Cytec 75
|
|
|
|
|
Arrêt Thinet 47, 90
|
J
|
|
|
|
Arrêt Tissot 24
|
Juge commissaire 37, 39-41,
|
43,
|
45,
|
49, 51, 52,
|
Arrêt Zanzi 69, 71
|
|
|
70,
|
71, 88, 89
|
Autonomie de l'arbitrage 10, 19, 20, 73
|
Juridictio
|
|
|
65
|
Autorité de la chose jugée 11, 15, 65, 80
|
L
|
|
|
|
B
|
Lex concursus
|
|
|
59
|
Bonne foi 86, 87
|
Lex mercatoria
|
|
|
57, 73
|
C
|
Litispendance
|
|
|
98
|
|
Lois de police
|
|
|
58, 60
|
CJCE 96, 97
|
|
|
|
|
Clause compromissoire 6, 9, 10, 30, 39, 41-43,
66, 67, 70, 89
|
O
Ordre public
|
|
|
|
Compétence exclusive des juridictions étatiques
|
-Définition
|
|
|
20
|
|
-International
|
|
|
47, 56, 57
|
14
|
-Interne
|
|
|
47
|
Compétence-compétence 42, 63, 65-70, 75, 94
|
P
|
|
|
|
Contradiction 15, 82-86
|
Pacta sunt servanda
|
|
|
64, 74, 80
|
TABLE DES MATIéRES
TITRE 1 : Suprématie de principe des
procédures collectives sur l'arbitrage 17
Chapitre 1 : Coexistence des procédures
collectives et arbitrales 18
Section 1 : L'évolution de l'arbitrabilité
des procédures collectives 18
Sous-section 1 : Les obstacles légaux à
l'arbitrabilité des procédures collectives 18
§ 1 L'ordre public comme limite à la
compétence de l'arbitre 18
A - L'ordre public : rempart contre l'autonomie de l'arbitrage
19
1° Le principe d'autonomie de l'arbitrage 19
2° L'autonomie de l'arbitrage limitée par l'ordre
public 20
B - L'inarbitrabilité des matières
intéressant l'ordre public 21
1° L'inarbitrabilité légale des
procédures collectives 21
2° Consécration jurisprudentielle de
l'inarbitrabilité des procédures collectives 21
§ 2 Les justifications à l'attribution exclusive de
compétence au profit des juridictions étatiques 22
A - Centralisation des contentieux pour en faciliter le
règlement 22
B - Volonté de protéger l'intérêt
public et l'intérêt des tiers .23
Sous-section 2 : L'encadrement de l'arbitrabilité
des procédures collectives ...24
§ 1 L'extension de l'arbitrabilité des
procédures collectives 24
A - Consécration de l'arbitrabilité des
procédures collectives 24
1° La seule présence d'ordre public ne suffit pas
à faire obstacle à l'arbitrabilité d'un litige ....24
2° Compétence de l'arbitre en présence d'ordre
public 25
B - L'arbitrabilité du traitement conventionnel des
difficultés des entreprises 25
1° Les litiges purement contractuels peuvent faire l'objet
d'un arbitrage .................26
2° Arbitrage du traitement conventionnel des entreprises en
difficulté 26
§ 2 Délimitation de l'arbitrabilité des
procédures collectives 26
A - Litiges exclus de l'arbitrage en raison de leur nature ou de
l'impact des procédures collectives 27
B - L'arbitrabilité des litiges ne trouvant pas leur
origine directe dans la procédure collective 28
Section 2 : La concomitance des procédures
collectives et des procédures arbitrales 29
Sous-section 1 : Les effets de l'ouverture d'une
procédure collective en cours d'arbitrage 29
§ 1 Le maintien de l'arbitrage antérieur à
l'ouverture d'une procédure collective 29
A - Le maintien justifié de l'arbitrage .........29
1° Principe ....29
2° Limites ......31
B - Le point de départ de l'instance arbitrale
...........31
§ 2 Interruption temporaire de l'arbitrage antérieur
à la procédure collective ...........33
A - Les cas d'interruption de l'instance arbitrale ...34
1° Interruption de l'instance arbitrale en cours, en
fonction de la situation du débiteur de la procédure collective
34
2° Interruption de l'instance arbitrale en cours, en
fonction de la nature de l'action des créanciers de la procédure
collective .....................35
B - Objectifs et délai de l'interruption de l'instance
arbitrale 35
Sous-section 2 : Les possibilités d'ouvrir une
instance arbitrale en cours de procédures collectives encadrées
..36
§ 1 La volonté des organes de la procédure
collective de compromettre en cours de procédure collective
.............37
A - Interdiction légale de compromettre en cours de
procédure collective affaiblie 37
1° Justifications à l'interdiction de compromettre en
cours de procédure collective ...........37
2° Limites à l'interdiction : la possibilité
de compromettre sur les litiges arbitrables .............38
B - La possibilité de compromettre sur autorisation du
juge commissaire 39
§ 2 Le sort d'une convention d'arbitrage après
l'ouverture d'une procédure collective ........41
A - Interdiction légale d'ouvrir une instance arbitrale en
cours de procédure collective 41
B - L'interdiction d'ouvrir une instance arbitrale en cours de
procédure collective affaiblie 43
Chapitre 2 : La prédominance des règles des
procédures collectives 45
Section 1 : Les conséquences du principe d'ordre
public d'égalité des créanciers 45
Sous-section 1 : Principe de l'arrêt des poursuites
individuelles 45
§ 1 Portée de l'arrêt des poursuites sur
l'arbitrage interne 46
§ 2 Principe d'ordre public international consacré
par la jurisprudence 47
A - L'arrêt des poursuites individuelles, un principe
d'ordre public international étendu ......47
B - Le droit des procédures collectives, un droit d'ordre
public international .............48
Sous-section 2 : Obligation de déclaration et de
vérification des créances .............49
§ 1 Portée de l'obligation de déclarer ses
créances ...........49
§ 2 Suprématie du rTMle du juge commissaire et
domination des procédures collectives......................51
Section 2 : L'ordre public comme limite au droit
applicable par l'arbitre 52
Sous-section 1 : Procédure collective et arbitrage
interne 53
§ 1 Conformité impérative de la sentence
interne à l'ordre public 53
A - Soumission des sentences internes à l'ordre public
interne..........................................................53
B - L'évolution de la notion d'ordre public
.........54
§ 2 Contrôle de la sentence interne à l'ordre
public ......55
Sous-section 2 : Procédure collective et arbitrage
international 56
§ 1 Le respect de l'ordre public international dans le cadre
d'un arbitrage international ............56
A - La qualification élargie de l'arbitrage international
56
B - La liberté des arbitres subordonnée au respect
de l'ordre public international 57
§ 2 Loi applicable par les arbitres 58
A - Arbitrage international et procédure collective
ouverte en France 58
B - Arbitrage international et procédure collective
ouverte à l'étranger 59
1° Le respect par l'arbitre de la lex concursus
...............59
2° La prise en compte par l'arbitre de l'ordre public du
lieu oü est exécutée la sentence.................60
TITRE 2 : Maintien effectif de l'arbitrage face aux
procédures collectives 62
Chapitre 1 : Résistance de l'institution de
l'arbitrage face aux procédures collectives....63 Section 1 : La
consécration de la compétence de l'arbitre 63
Sous-section 1 : Compétence traditionnelle de
l'arbitre 63
§ 1 Les effets de la double nature contractuelle et
juridictionnelle de l'arbitrage ......63
A - La force obligatoire de la convention d'arbitrage 64
B - La force de la sentence arbitrale .........65
§ 2 Le principe de compétence-compétence de
l'arbitre .....66
A - L'étendue du principe de
compétence-compétence......................................................................66
B - La portée restreinte des limites au principe de
compétence-compétence .................68
Sous-section 2 : Persistance de la compétence de
l'arbitre 69
§ 1 Compétence du juge commissaire limitée
lorsque l'instance arbitrale n'est pas saisie 70
§ 2 Regain d'efficacité de la compétence
arbitrale 71
Section 2 : L'appréciation des règles
impératives assouplie en matière arbitrale 72
§ 1 La possible liberté des arbitres dans le choix
des regles applicables 72
A - Affranchissement des regles de la procédure judiciaire
72
B - Liberté des arbitres dans les regles applicables 72
§ 2 Appréciation assouplie de l'ordre public par les
arbitres 74
A - Elargissement de la compétence arbitrale en
présence d'ordre public 74
B - Prédominance de l'ordre public assouplie en
matière internationale 75
Chapitre 2 : Vers une coordination des procédures
collectives et arbitrales 77
Section 1 : Des moyens procéduraux de coordination
77
Sous-section 1 : Des moyens de coordination des
procédures pour une efficacité renforcée de l'arbitrage
........................77
§ 1 L'échange d'informations entre procédure
collective et arbitrale...................................................77
A - Un échange nécessaire à la
coordination des procédures
............................................................78
1° Un échange effectif .......78
2° Une appréciation jurisprudentielle souple de
l'échange d'informations 78
B - La qualité de l'information échangée
perfectible .....79
§ 2 L'exequatur, garantie de l'efficacité de la
sentence arbitrale 79
A - L'exequatur, instrument de collaboration des
procédures collectives et arbitrales 80
B - L'ordre public comme limite à l'exequatur 81
Sous-section 2 : Règles suprêmes qui
s'imposent dans les relations entre procédures collectives et arbitrales
.........82
§ 1 Le principe de la contradiction ............82
A - Portée du principe de contradiction ...........83
B - Prédominance de l'arbitrage justifiée par une
appréciation assouplie du principe de contradiction. 84
§ 2 Le principe de l'estoppel .....86
A - Consécration jurisprudentielle du principe d'estoppel
comme garantie de loyauté......................86
B - Le principe de bonne foi comme garantie de la loyauté
87
Section 2 : Le contentieux post-arbitral 88
Sous-section 1 : Les voies de recours contre la sentence
arbitrale 88
§ 1 L'appel devant les juridictions étatiques
.......88
A - L'appel contre la décision du juge commissaire 89
B - L'appel contre la sentence ou contre la décision
statuant sur l'exequatur ...............89
§ 2 Le recours en annulation ........................90
A - L'annulation totale de la sentence critiquée
.........90
B - Les effets du recours en annulation sur la coordination des
procédures 91
Sous-section 2 : Les anti-suit injunctions comme ultime
contrôle de la sentence arbitrale internationale ....92
§ 1 L'effectivité des anti-suit injunctions 92
A - Origine et objectifs de l'anti-suit injunction 92
B - Mesure de soutien ou obstacle au déroulement de
l'arbitrage ? 93
1° Une mesure de soutien à l'arbitrage
................93
2° Un obstacle à l'arbitrage 94
§ 2 Validité des anti-suit injunctions limitée
......................95
A - Validité des anti-suit injonctions visant
à faire respecter une obligation contractuelle................95
B - Exclusion de l'anti-suit injunction en matière
d'arbitrage 96
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